De la fiction au documentaire en passant par les podcasts, le genre du cold case n’en finit plus de gagner en popularité. Nous nous sommes penchés sur les raison de ce succès.
Diffusée depuis le 9 juillet dernier sur Amazon Prime, la prestigieuse série Ballard surfe sur un genre extrêmement à la mode : celui des affaires non résolues, ou cold cases. Depuis une vingtaine d’année, le genre fait florès dans tous les médias : romans, documentaires, séries télévisées, et même via des communautés de détectives amateurs. Retour sur un phénomène en pleine expansion.
Un genre ancien mais qui explose depuis vingt ans.
Les affaires non résolues passionnent le public depuis longtemps. Dans le sillage de l’essor de la police scientifique du XIXᵉ siècle, de plus en plus de moyens techniques sont mis en œuvre pour traquer et identifier les auteurs de crimes qui auraient échappé à la justice. Pourtant, certaines affaires demeurent sans conclusion pendant des décennies, voire pour toujours, à l’instar de l’attentat de Wall Street de 1920, une des plus vieilles affaires du genre. Ou, dans un registre plus populaire, celui de l’affaire du Tueur du Zodiac, qui ne fut jamais formellement identifié.
Néanmoins, le nombre de cold cases faisant la une des médias s’est accentué depuis deux décennies. En cause : les progrès de la science et des techniques d’enquête (ADN, bases de données, accès aux archives…), permettant de rouvrir des dossiers clos depuis parfois un demi-siècle. Des affaires comme l’arrestation de Gerald F. Mason près de cinquante ans après ses crimes ont ainsi commencé à défrayer la chronique au début du siècle. Elles sont depuis devenues monnaie courante. En France, un pôle de magistrats spécialisés a même été créé en 2022, et enquête actuellement sur des dizaines de cas réexaminés au regard des progrès techniques.
Loin de ne passionner que les chercheurs spécialisés, le phénomène a largement envahi le champ des œuvres culturelles. Depuis le succès phénoménal de la série de fiction Cold Case : Affaire classées diffusée de 2003 à 2010, c’est le genre du documentaire qui s’est massivement emparé du sujet, avec des blockbusters du genre comme la série Grégory diffusée en 2020 ou des séries de podcast comme le très écouté Cold Cases de France Info.
Des fans du genre ultra-investis
Il faut dire que le genre peut compter sur une communauté de fans extrêmement investis. Patrick, un ingénieur de 38 ans interrogé pour l’occasion et qui s’est récemment passionné pour l’histoire du Raincoat Killer, nous détaille sa passion pour le genre : « Je pense que c’est le côté enquête, mystère et résolution qui me plaît beaucoup. Par exemple, je suis frustré quand l’affaire n’a pas de résolution, pour ça j’aime bien Faites entrer L’accusé qui, presque toujours, présente des affaires qui ont une résolution judiciaire. Le cold case à ce côté particulier de l’enquête qui dure, des techniques qui évoluent qui font qu’on finit par trouver le coupable, même des années plus tard.«
Certains vont plus loin que du temps passé devant des documentaires : depuis quelques années se sont montés de véritables clubs de détectives amateurs destinés à résoudre des enquêtes laissées en suspens faute de piste, comme le soulignait en 2022 une longue enquête du magazine suisse L’Illustré. À la croisée des problématiques sécuritaires, judiciaires, historiques et sociologies, ces groupes d’enquêteurs se constituent parfois en associations officielles destinées à apporter une expertise concrète aux personnes concernées… Tandis que d’autres initiatives semblent beaucoup plus désordonnées voire contre-productives.
Pour Elise, une avocate de 40 ans passionnée d’affaires non résolues, cette passion s’explique aussi par les progrès des techniques d’enquête depuis quelques années, « à l’époque de la série Cold Case, les technologies qui étaient montrées étaient presque futuristes. Aujourd’hui, elles sont beaucoup plus accessibles. Et on a accès à une montagne d’information sur Internet pour qui veut s’improviser détective. Il faut cependant que ça reste un hobby : dans la vraie vie je ne connais aucune affaire qui a vraiment été résolue par des amateurs !« .
À la croisée des sciences
Cet aspect de l’accès à de nouvelles techniques scientifiques revient souvent chez les fans du genre cold case : l’analyse d’ADN, la navigation dans des registres complexes, le recoupage de témoignage anciens ne sont plus si éloignés de notre quotidien. Comme le soulignent Philippe Charlier et François Daoust, ces techniques s’exportent désormais dans bien d’autres champs de la recherche, comme l’archéologie, l’histoire et l’anthropologie.

C’est sans doute aussi ce qui explique le succès du genre : un certain ancrage dans la rationalité et la méthodologie qui le sépare un peu des simples thrillers ou du genre du true crime qui tend à davantage verser dans le spectaculaire. On trouve ainsi des documentaires de type cold case jusque sur la chaîne Arte, et la question passionne jusqu’aux pouvoirs publics.
« Certains documentaires du genre sont assez sordides et voyeuristes. Mais dans l’ensemble, ils tendent à être plus attachés que d’autres sous-genre des oeuvres policières au fait scientifique, au recoupement d’information, à la vraisemblance des hypothèses. C’est peut-être pour cela que les cold case ont une meilleure réputation que d’autres sous-genre du polar comme le cosy mystery ? Mais à mon avis c’est surtout une façade : nous sommes des fans de littérature policière comme les autres ! », ajoute Elise.
Un parfum de mystère, un soupçon de rigueur scientifique, une forte connexion avec la société : il semble que de Cold Case Files en passant par Cold Squad ou le très remarqué Cold Case: Who Killed JonBenét Ramsey, les affaires non classées n’aient pas encore fini de passionner les foules.