À partir d’un procès hors norme, celui des viols de Mazan jugé à Avignon à l’automne 2024, Milo Rau et Servane Dècle ont conçu une œuvre scénique dense et collective. Inspiré des archives judiciaires, Le procès Pelicot a convoqué une cinquantaine d’interprètes pour faire entendre, en quatre heures, la mécanique d’un crime systémique.
Au Festival d’Avignon, certains spectacles ne se contentent pas d’émouvoir : ils remuent, questionnent, dérangent. C’est le cas de la pièce Le procès Pelicot, performance fleuve de quatre heures, présentée le 18 juillet au cloître des Carmes, qui a rejoué avec une précision documentaire le procès des viols de Mazan. Un moment de théâtre total, mis en scène par Milo Rau et dramaturgié par Servane Dècle, salué comme l’un des chocs les plus intenses de cette édition.
Un dispositif immersif
Le spectacle s’est appuyé sur les comptes rendus, les expertises psychiatriques, les témoignages de la victime, les dépositions des accusés et les interventions des avocats. Le programme s’inspirait d’éléments réunis par les deux auteurs auprès de journalistes, juristes et observateurs du procès.
À la manière d’une reconstitution, la scène a restitué l’agencement du tribunal d’Avignon : bancs en bois, pupitre central, double rangée d’intervenants, deux écrans en fond de scène.
Une cinquantaine d’interprètes se sont relayés, sans jamais quitter le plateau. Trois comédiennes – Ariane Ascaride, Marie-Christine Barrault et Marie Vialle – ont incarné tour à tour Gisèle Pelicot. Philippe Torreton a prêté sa voix à Dominique Pelicot. La narration était assurée par Hinda Abdelaoui et Séphora Haymann. Des extraits de tribunes ont également été lus, notamment En faire un boucan d’enfer de Lola Lafon.
Une réception marquée
Selon Le Parisien, « le spectacle, hors norme et préparé secrètement, a duré quatre heures ». Le journal ajoute : « Dans ce voyage jusqu’au bout de la nuit, en apnée, pour nous comme pour eux, les cinquante comédiens ne quittent jamais la scène. » Télérama décrit une « retranscription sobre et précise des tenants et aboutissants d’une séquence juridique hors norme ». Le magazine souligne également l’ouverture et la clôture du spectacle par le chanteur lyrique Serge Kakudji, aux côtés de Marie-Christine Barrault.
Le spectacle a été précédé d’une action du collectif féministe Les Amazones d’Avignon. Sur scène, des militantes et personnalités publiques ont pris la parole, dont Camille Étienne et Marie Coquille-Chambel.« En chaque homme se dissimule un violeur en puissance à cause du système patriarcal dans lequel il évolue », a exprimé le metteur en scène Milo Rau, également présent sur le festival pour une pièce d’inspiration autobiographique intitulée La lettre (propos rapportés dans Le Point).
Un projet à vocation internationale
Présenté en juin à Vienne dans une version de sept heures, Le procès Pelicot connaîtra d’autres représentations en Europe. La soirée du 18 juillet à Avignon a été retransmise en direct sur le site du Festival et dans plusieurs cinémas Utopia. Gisèle Pelicot, absente de la représentation, prépare actuellement un livre dont la parution est prévue début 2026. D’après Le Point, les droits de l’ouvrage ont déjà été acquis dans une vingtaine de pays.