Décryptage

Les adaptations en série : trop c’est trop ?

11 janvier 2022
Par Héloïse Decarre
En modernisant le classique de Jules Verne, la BBC réussit à moderniser l’œuvre tout en lui restant fidèle.
En modernisant le classique de Jules Verne, la BBC réussit à moderniser l’œuvre tout en lui restant fidèle. ©Slim Film/Television et Federation Entertainment

Sur les plateformes, les séries originales sont loin d’avoir le monopole. Livres, films, jeux vidéo, spin-off… Depuis quelques années, les adaptations se multiplient. Souvent au détriment de la qualité du contenu.

Le Seigneur des Anneaux, House of the Dragon, Willow, Mr and Mrs Smith, Entretien avec un vampire… L’année 2022 s’annonce chargée en adaptations et spin-offs. Ce sera le cas sur Netflix, plateforme bien connue pour ses nombreux rachats de droits (la compagnie a par exemple acquis l’entièreté de l’œuvre de l’écrivain Roald Dahl l’année dernière), mais pas seulement. Le phénomène est global, et touche également Amazon Prime et Disney+.

Apporter de la modernité à des œuvres datées

Cet engouement est souvent justifié par une volonté d’apporter plus de modernité à une œuvre classique ou de la faire connaître aux nouvelles générations. Récemment, c’est le livre de Jules Verne, Le Tour du monde en 80 jours, qui a été revisité par la BBC. Adapté maintes et maintes fois, le classique, écrit en 1872, est toujours aussi séduisant : en fonction de l’époque à laquelle on l’adapte, on peut lui faire dire des choses nouvelles tout en lui restant fidèle. La version de 2021 est plus féministe et aborde des préoccupations actuelles comme la décolonisation ou le multiculturalisme. Sa mise en scène, plus contemporaine, rend l’œuvre plus attractive pour les plus jeunes.

La BBC est d’ailleurs rodée au jeu de l’adaptation. En 2018, la chaîne britannique avait proposé une version de La Guerre des mondes de H.G. Wells, là encore très réussie. Malheureusement, toutes les adaptations ne sont pas aussi convaincantes, et certaines relèvent plus du copier-coller que de l’interprétation. 

Jannik Schümann et Dominique Devenport incarnent l’empereur François-Joseph et Sissi dans la série diffusée sur TF1.©TF1

C’est le cas de Sissi, une série allemande diffusée fin 2021 sur TF1, et maintenant disponible sur Salto. Soixante-cinq ans après la saga portée par Romy Schneider, l’histoire de l’impératrice a droit à un reboot. Ici, l’adaptation se veut plus moderne, et même sulfureuse. Le but de ses créateurs était de casser le mythe, en dépeignant une femme plus forte, et plus libre sexuellement, quitte à prendre des (énormes) libertés avec l’histoire et les personnages. Problématique lorsqu’une production repose sur des faits historiques. Les nouveaux éléments restent donc assez superficiels. Pour ajouter au déjà-vu, Netflix a annoncé vouloir aussi proposer sa version de la vie de l’impératrice d’Autriche dans une série intitulée The Empress. Pas de date pour le moment, mais ce qui est certain, c’est que l’on risque de faire une overdose de Sissi.

Le réchauffé, une histoire de rentabilité ?

Face à cet agenda (ou à celui des franchises de Marvel et DC Comics au cinéma et désormais à la télévision, par exemple), on pourrait être tenté de penser que les scénaristes sont à court d’idées. Ou que les producteurs manquent d’audace. Pourtant, une grande partie des séries reste des créations originales et les professionnels du secteur ont prouvé qu’ils étaient capables de livrer des œuvres de grande qualité (Squid Game, Stranger Things, Breaking Bad…).

Mais voilà, reprendre une formule qui a fonctionné, c’est un moyen facile et peu risqué de faire de l’argent. Les livres, films et jeux vidéo sont une source d’inspiration inépuisable. Même si la qualité n’est pas au rendez-vous, le public va quand même cliquer sur le bouton lecture, même par simple curiosité. En fait, ces adaptations et réadaptations jouent sur la nostalgie du public et sur la passion des spectateurs. En adaptant des franchises à succès, les plateformes de diffusion sont certaines de créer des produits gagnants. Le secret : étendre un univers et donner aux adeptes plus de détails sur leurs personnages préférés.

La première saison de l’adaptation en série du jeu vidéo The Witcher a fait atteindre des records de visionnage à Netflix.©Netflix

C’est cette dynamique qui vaut pour les (nombreuses) adaptations de jeux vidéo. On touche là à des univers aux fans inconditionnels, qui se doivent de regarder l’adaptation de leur jeu préféré pour voir ce qui en a été fait. Selon Netflix, la première saison de The Witcher a été visionnée 76 millions de fois au cours de son premier mois de diffusion, un record pour la plateforme. Pas étonnant donc que, pour 2022, le calendrier des séries regorge d’adaptations de jeux vidéo (The Last of Us sur HBO, Halo sur Paramount +, Cyberpunk 2077 sur Netflix…).

S’adapter aux désirs des fans… et leur rester fidèle

Ce n’est pas pour rien qu’Amazon Prime a accordé au Seigneur des Anneaux, à venir en septembre 2022, le plus gros budget jamais investi pour un format du genre : on parle de 465 millions de dollars. Il faut dire que la série événement est attendue comme le messie par les admirateurs de l’univers imaginé par Tolkien.

Revisiter un univers hautement apprécié par les fans est un risque qu’ont voulu prendre les créateurs de How I Met Your Father, spin-off de How I Met Your Mother.©Hulu

Mais à vouloir trop en faire sur l’adaptation, l’essence même des œuvres originales en est parfois perdue. Adaptation de la série How I Met Your Mother, son spin-off, prévu pour le 18 janvier 2022 sur Hulu, risque de perdre les fans. Son titre : How I Met Your Father. Ce n’est plus un homme, mais une femme, qui raconte à ses enfants comment elle a rencontré, non plus leur mère, mais leur père. On peut sérieusement se demander quel est l’intérêt de recréer presque à l’identique une série à succès, d’autant plus que les fans sont très attachés aux personnages d’origine.

Le risque d’une adaptation est bien là : décevoir la communauté de l’univers que l’on revisite. Manque de fidélité, disparition de personnages estimés, univers trop vaste et compliqué à mettre à l’écran… Les adaptations ont beau se multiplier sur le petit écran, les œuvres originales restent rarement égalées.

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Article rédigé par
Héloïse Decarre
Héloïse Decarre
Journaliste