Fait de feu et de glace, le quatrième tome de Thorgal Saga ouvre au mythique Viking de nouveaux horizons empreints de pop culture. Décryptage !
Né dans les pages du journal Tintin en 1977, de la rencontre du scénariste Jean Van Hamme et du dessinateur Grzegorz Rosiński, Thorgal est devenu une référence de la BD d’heroic fantasy et de science-fiction. Désormais, son univers se déploie dans deux séries spin-off, Les Mondes de Thorgal (2010-2023) et Thorgal Saga, commencée en 2023. À l’occasion de la parution du quatrième tome de cette dernière, intitulé De givre et de feu, les auteurs reviennent pour nous sur l’univers de cette série tentaculaire, inspirée de la mythologie scandinave.
Les origines
Enfant abandonné aux origines mystérieuses, Thorgal a été recueilli par un farouche peuple de Vikings, dans les lointaines terres du Nord. En grandissant, le guerrier s’est forgé un caractère de vainqueur grâce à ses talents hors pair d’archer. Mais, pacifiste dans l’âme, l’homme robuste et viril ne souhaite qu’une chose : vivre en paix, loin de la folie et de la violence de ceux qui l’entourent. Son Odyssée commence réellement en 1980, dans La magicienne trahie, un récit imaginé par Jean Van Hamme et dessinée par Grzegorz Rosiński.
Le premier passe le relais en 2007 à Yves Sente, pour le tome 30, puis Yann et Fred Vignaux ont pris la relève depuis le Cycle des nouveaux horizons, plus exactement depuis le tome 37, L’ermite de Skellingar, paru en 2019. Grâce à eux, l’aventure continue, preuve en est avec la parution, en 2024, du tome 42. L’histoire est donc loin d’être terminée.
Un héros presque parfait
Aux manettes du nouveau tome de la série Thorgal Saga, le duo de scénaristes Olivier Legrand et Jean-Blaise Djian, et le dessinateur David Etien, pour qui l’exercice s’est révélé aussi passionnant que complexe : « Thorgal fait partie de cette époque où les héros devaient être presque parfaits, pour que le lecteur puisse s’y identifier. J’ai essayé de le rendre plus “humain”. Les dessinateurs qui travaillent sur Thorgal Saga jouissent de davantage de liberté que ceux de la série mère. Les éditeurs sont venus me chercher pour que je puisse y apporter ma sensibilité propre et ma patte graphique, tout en respectant l’univers. »
« Avant de me lancer, j’ai beaucoup regardé le trait de Grzegorz Rosiński, qui a beaucoup évolué au fil des années. Je me le suis approprié, en mélangeant nos deux univers. Son style ne rentre pas dans les codes de la BD franco-belge classique. Son dessin n’est pas fait d’un encrage très fort, il est constitué de masses de noir qui composent l’image. Pour y répondre au mieux, j’ai dû relâcher le trait et donc le poignet. J’ai travaillé au pinceau, au stylo, puis j’ai fait ma tambouille à l’aide de stylos usés, de pinceaux secs et de brosses à dents, avec de l’acrylique pour créer notamment des effets de poussière ou de rafales de vent. »
Winter is coming
Pour David Etien, le scénario imaginé par Olivier Legrand et Jean-Blaise Djian s’est révélé excitant, car il est particulièrement spectaculaire et organique. La nature sous toutes ses formes y est omniprésente. Tout commence par une tempête en pleine mer, avec des vagues énormes. Ensuite, le lecteur se retrouve dans un environnement glacial, avec du vent et de la neige, pour finir en plein milieu d’un volcan en éruption avec de la lave en fusion. Le tout saupoudré… de dragons.
Autant d’éléments qui évoquent forcément Game of Thrones. « Les lecteurs penseront sans doute à Game of Thrones pour le côté “Winter is Coming”, avec cette forte opposition feu-glace, etc. Mais ces parallèles sont surtout dus au fait que l’extraordinaire cycle de George R.R. Martin s’inspire des mêmes sources mythologiques que notre récit : le fameux Fimbulvetr, ce Grand Hiver annonciateur de Ragnarök. »
« On retrouve aussi cette thématique dans le cycle de fantasy Anvil of Ice de Michael Scott Rohan ou dans le dessin animé Tygra, la glace et le feu de Ralph Bakshi, mais toujours traitée de façon différente », précise Olivier Legrand.
Les femmes à l’honneur
Tradition oblige, dans ce tome épique, Jean-Blaise Djian et Olivier Legrand ont souhaité mettre les femmes à l’honneur, comme le souligne ce dernier : « Je pense vraiment que, dans la BD, les personnages féminins sont trop souvent fétichisés, conçus avant tout dans le but d’attirer un certain type de regard masculin. Et justement, de ce point de vue, Thorgal était une série pionnière, grâce au personnage d’Aaricia qui casse en fait tous les codes de la “princesse en détresse” qu’elle aurait facilement pu être, surtout à l’époque de sa création. Idem pour Slive et même Kriss de Valnor. »
« Ce sont des personnages denses, complexes, que l’on ne peut pas cantonner à un seul rôle prédéfini. Pour notre Thorgal Saga, nous voulions mettre en scène des personnages féminins à la hauteur de cette tradition à travers les deux magiciennes, Vakva et sa mère, la reine de Givre. Leurs rapports permettent d’explorer le thème de la transmission mère-fille, peu abordé dans la BD d’aventure, mais aussi celui de la prédestination et du rôle de reine sacrée, avec ses privilèges et ses exigences. » Cet opus continue donc l’épique saga Thorgal en respectant ses codes et son histoire, et se révèle parfaitement équilibré.
