
L’essayiste et femme rabbin publie un nouvel ouvrage le 2 avril. Dans Euh… Comment parler de la mort aux enfants, elle explore, avec pudeur et lucidité, l’indicible de la perte à hauteur d’enfant.
Figure majeure du judaïsme libéral français, Delphine Horvilleur est bien plus qu’une femme rabbin. Écrivaine et intellectuelle, elle explore depuis plus d’une décennie les zones sensibles de l’identité, du langage et de la transmission. Ce 2 avril, elle publie Euh… Comment parler de la mort aux enfants, un court essai où elle s’attaque à un sujet intime et redouté : que dire aux plus jeunes lorsqu’ils sont confrontés à la perte ? Comment répondre à leurs silences, leurs questions, leur sidération ?
Connue pour ses réflexions à la croisée du spirituel, du politique et du littéraire, Delphine Horvilleur poursuit ici une démarche fidèle à sa pensée : ne rien imposer, mais tracer des chemins. Pas de dogmes ni de recettes : seulement des repères pour celles et ceux qui, face à la mort, perdent les mots. Elle convoque textes de la tradition, récits d’enfants, expériences personnelles et rituels anciens pour aider les adultes à chercher, à tâtons, ce qu’il est possible de dire sans mentir.
Une réflexion sans mode d’emploi
Le livre ne se présente pas comme une méthode. « Passez votre chemin si vous cherchez un mode d’emploi », écrit-elle dès les premières pages. Elle y évoque l’incapacité du langage à saisir l’irreversible. « La mort n’est pas le contraire de la vie, c’est le contraire du langage », affirme-t-elle, insistant sur l’importance d’aider les enfants à nommer, malgré tout, ce qui échappe.
Invitée de Sonia Devillers sur France Inter le mardi 25 mars, l’autrice a rappelé la portée politique de ces récits. En réaction à l’agression d’un rabbin par un adolescent à Orléans le 22 mars, elle interroge : « Quels sont les narratifs qu’on raconte à une génération pour qu’elle se croit héroïque à performer ce genre d’acte ? Et à se sentir grand quand on frappe un autre ? »
Trouver les mots quand ils nous échappent
Elle-même admet aujourd’hui « perdre les mots ». « C’est pourtant mon métier de les trouver. » Mais si les mots manquent, ce livre est une tentative pour les faire revenir. Dans les moments de deuil, les enfants se tournent vers les adultes, explique-t-elle. « Et c’est précisément dans ces moments qu’ils s’accrochent à des narratifs. » Autrement dit, ce n’est pas tant la mort qui les désarme, mais le silence des vivants.
Une pensée ancrée dans la transmission
Delphine Horvilleur n’en est pas à son coup d’essai. Depuis En tenue d’Ève (2013) jusqu’à Réflexions sur la question antisémite (2019), elle interroge la tradition juive en dialogue avec la société contemporaine. Son succès Vivre avec nos morts (2021) a élargi son audience. Salué pour sa douceur et sa profondeur, il tissait déjà le lien entre accompagnement spirituel et récit personnel. Euh… Comment parler de la mort aux enfants s’inscrit dans ce même geste : consoler, mais sans nier l’effroi.
Femmes rabbins en série
Présente à Series Mania fin mars, Delphine Horvilleur accompagnait la série Le sens des choses, librement inspirée de Vivre avec nos morts. Cette dramédie, créée par Noé Debré et Benjamin Charbit, suit une jeune rabbine nommée Léa, incarnée par Elsa Guedj. Face à sa communauté, à un père psychanalyste et à un entrepreneur qui rachète la synagogue, Léa tente de tracer un chemin. Entre foi, modernité et humour, la série aborde les mêmes tensions que les livres de son inspiratrice.
Réalisée par Keren Ben Rafael, Le sens des choses a été saluée à Lille pour son équilibre entre burlesque et gravité. Disponible sur la plateforme Max depuis le 28 mars, la série est un prolongement en images d’une œuvre traversée par la même question : comment, face à ce qui défie le langage, continuer à raconter ?