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Thomas Jolly : “Je ne peux plus écouter Pookie d’Aya Nakamura sans entendre Aznavour”

27 mars 2025
Par Agathe Renac
Fanny Herrero, Damien Gabriac et Thomas Jolly à Series Mania.
Fanny Herrero, Damien Gabriac et Thomas Jolly à Series Mania. ©L'Éclaireur Fnac

Huit mois après la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, Thomas Jolly, Damien Gabriac et Fanny Herrero étaient les invités de Series Mania. Ils ont offert au public lillois une masterclass rythmée par les confidences et les séquences émotions.

Tout le monde se souvient où et avec qui il était le 26 juillet 2024. Aussi audacieuse qu’ambitieuse, la cérémonie d’ouverture des Jeux de Paris 2024 a marqué des millions de spectateurs à travers le monde. Conscient de cette réussite, le festival Series Mania a proposé à son public une masterclass avec les architectes de ce spectacle hors norme.

Animée par la journaliste Rebecca Manzoni, la conférence donnait la parole à Thomas Jolly (acteur, metteur en scène et directeur artistique des cérémonies de Paris 2024), Damien Gabriac (comédien, auteur et metteur en scène) et Fanny Herrero (scénariste et showrunneuse des séries Dix pour cent et Drôle). Durant près de deux heures, les artistes se sont prêtés au jeu des questions-réponses avec un objectif : nous embarquer dans les coulisses de ce gigantesque spectacle.

“On aime Alien, Assassin’s Creed et Jurassic Park autant que l’opéra”

Dès les premières minutes, Rebecca Manzoni pose LA question ultime aux scénaristes : comment raconter une histoire à travers un événement mondial ? Quand Thomas Jolly est nommé directeur artistique des cérémonies en septembre 2022, le choix de la Seine comme parcours de la cérémonie est déjà acté. « C’était une bonne idée, mais il fallait sortir de cette carte postale incroyable pour raconter quelque chose de plus grand, explique-t-il. Le monde entier allait regarder Paris au même moment et on voulait susciter plus qu’un “wow” ; on souhaitait écrire une vraie histoire. »

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Une histoire qui a nécessité des brainstormings intenses, notamment avec le dramaturge Damien Gabriac, la scénariste Fanny Herrero et l’écrivaine Leïla Slimani. « Cette fois-ci, on ne jouait pas avec des personnages, mais avec des symboles, raconte la showrunneuse de Dix pour cent. On s’est imprégné de chaque monument et de son histoire pour créer un récit logique. On voulait montrer la beauté de la France tout en mettant en avant son aspect historique et cette idée de vivre-ensemble. »

Et s’il y a bien une scène qui illustre cette approche, c’est celle de Marie-Antoinette portant sa propre tête à la Conciergerie, accompagnée par la chanteuse lyrique Marina Viotti et le groupe de metal Gojira. « On ne met pas de hiérarchie entre les arts et on voulait faire appel à toutes les cultures, affirme Damien Gabriac. On aime Alien, Assassin’s Creed et Jurassic Park autant que l’opéra. Tout est intelligent dès lors que ça éveille la pensée et le corps. »

Une réponse immédiate face à la haine

Voyageant à travers ces influences multiples, le bateau a ainsi traversé plusieurs tableaux : liberté, égalité, fraternité, sororité. « Chacun d’entre eux s’est construit sur la confrontation d’idées, confie Fanny Herrero. On voulait opposer des éléments, puis les faire dialoguer pour représenter toute la diversité de notre pays. » Le spectacle mêle ainsi influences et courants artistiques avec une liberté totale. « Le bateau traverse l’histoire, la liberté des corps, de l’amour », décrit Thomas Jolly. Et chaque opposition devient une rencontre : « Ceux qui aiment l’opéra découvrent le metal et inversement. L’objectif était de provoquer la surprise et l’émotion. Et si vous avez pas la ref’, c’est pas grave ! »

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Impossible de parler de moment iconique et surprenant sans mentionner la performance d’Aya Nakamura sur le pont des Arts, face à l’Institut de France. « Ce lieu, gardien de la langue française, incarnait parfaitement notre message, explique Thomas Jolly. Aya représente un français vivant, international, en mouvement. C’est l’artiste francophone la plus écoutée dans le monde ! » Mais quand la confirmation de sa présence durant la cérémonie fuite dans les médias, quelques mois avant l’événement, la chanteuse subit une vague de haine raciste et misogyne.

« On s’est dit qu’on devait trouver un moyen de répondre aux attaques », confie Thomas Jolly. L’équipe change alors de plan : Aya Nakamura interprétera un mashup de Pookie et d’un classique d’Aznavour, symbole de la richesse et de l’ouverture de la langue française. « Maintenant, je ne peux plus écouter Pookie sans entendre Aznavour », s’amuse le directeur artistique.

Un miroir de notre époque

Entre deux confidences – le porteur de la flamme devait révéler son identité à la fin de la cérémonie, mais la célébrité dont on ne connaîtra jamais le nom a annulé sa venue dix jours avant l’événement, faisant de ce personnage un mystère jusqu’à la fin des temps –, les artistes sont revenus sur la polémique autour de la nudité de Philippe Katerine – qui n’est pas une offense, mais « un hommage à la nudité des athlètes antiques » selon Damien Gabriac –, sur la difficulté d’écrire un spectacle sans dialogue, sur la nécessité de représenter toutes les personnes, communautés et genres, et sur la fierté de la garde républicaine de partager la scène avec Aya Nakamura.

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Remerciés par deux standing ovations du public (une au début et une à la fin), les artistes n’ont pu cacher leur émotion. « Ce que nous avons fait, ce n’est pas simplement un spectacle, résume Fanny Herrero. C’est un miroir de notre époque, une promesse que l’art peut encore rassembler et émerveiller. »

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Article rédigé par
Agathe Renac
Agathe Renac
Journaliste