Critique

Avec The Studio, Seth Rogen montre l’autre bobine d’Hollywood

25 mars 2025
Par Thomas Ducres
Seth Rogen dans “The Studio”.
Seth Rogen dans “The Studio”. ©Apple TV+

En s’inspirant autant du Once Upon a Time… in Hollywood de Tarantino que de Dix pour cent, Seth Rogen plaçait la barre très haut pour cette série en dix épisodes. Spoiler alert : c’est encore mieux que prévu.

« Hollywood ? C’est une usine où l’on fabrique 17 films sur une idée qui ne vaut même pas un court métrage. » Ceci n’est pas une réplique tirée d’un film, mais une véritable citation d’un réalisateur qui a déroulé pas mal de bobines : Woody Allen. Et il est vrai que l’idée selon laquelle les plateaux californiens sont devenus depuis longtemps une usine à cash s’est profondément ancrée dans la tête des abonnés de Netflix et autres plateformes avec un + (Disney, Apple, etc.).

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Aussi, on ne s’attendait pas vraiment à ce que la surprise vienne d’un Canadien à peu près sur toutes les lignes du générique de The Studio : à la fois créateur, réalisateur, acteur principal et producteur, Seth Rogen est partout dans cette série sans répit qui, en dix épisodes à la durée parfaitement digeste (30 minutes), parvient à remettre Los Angeles au centre de la carte.

Un casting aux allures de Walk of Fame

Derrière The Studio, il y a un pitch simple, mais efficace : une énorme société de production à l’ancienne (Continental Studios) peine à remonter la pente face aux plateformes de streaming (tiens, tiens). C’est le moment choisi par Griffin Mill (impeccablement joué par Bryan Cranston) pour nommer Matt Remick (Seth Rogen) à la tête du studio. Le premier veut des blockbusters sans fond couleur dollar ; le second rêve de renouer avec la grande époque des films d’Orson Welles.

Olivia Wilde et Seth Rogen dans The Studio.©Apple TV+

La suite est évidemment la confrontation « bigbangesque » entre deux univers que tout oppose ; mais, loin d’être une simple analyse manichéenne du mal (l’argent) contre le bien (des films d’auteur), The Studio se révèle une satire hilarante d’Hollywood doublée d’une plongée fascinante dans les coulisses du divertissement.

Et pour cela, la vraie société de production Point Grey Pictures (fondée en 2011 par Rogen et Evan Goldberg) peut compter sur un casting de guests absolument dément : Martin Scorsese, Ron Howard, Steve Buscemi, Olivia Wilde, Zac Efron ou encore Zoë Kravitz s’invitent tous pour jouer leur propre rôle. Et, comme on dit au cinéma, toute ressemblance avec une série existante serait purement fortuite. Ou pas.

Comment dit-on Dix pour cent en américain ?

En attendant l’adaptation mexicaine de Dix pour cent par Eva Longoria, The Studio a parfaitement capté l’essence de la série française lancée voilà une décennie par Fanny Herrero. Même principe : retourner la veste du petit monde cinématographique pour mieux en montrer les doublures et le côté behind the scene. Même effet : incruster une star par épisode avec des caméos rendant chaque fiction plus vraie que nature.

Ike Barinholtz, Seth Rogen et Martin Scorsese dans The Studio.©Apple TV+

Et c’est ainsi que, par exemple, on est embarqué dès l’épisode 1 (The Promotion) dans cette scène surréaliste où Scorsese vient vendre un projet de film à un Matt Remick dépassé par les événements. C’est d’ailleurs l’autre force, plus originale, de The Studio : outre les guests fédérateurs pour quiconque a grandi avec le streaming, la série peut s’appuyer sur la polyvalence de Seth Rogen, à la fois à l’écriture, à la caméra et aux répliques dans le rôle du patron de studio à la fois égotique, lâche et légèrement incompétent face à des acteurs n’ayant que très peu de respect pour ses costumes italiens hors de prix.

Du cinéma sur petit écran

Si l’on pense évidemment à BoJack Horseman pour la critique acide du monde hollywoodien, la nouvelle création made in Apple TV+ s’appuie malgré tout sur des ressorts très solides. Le premier étant une réalisation impeccable doublée d’un étalonnage remarquable. Difficile de ne pas penser au Once Upon a Time… in Hollywood de Tarantino pour la beauté des plans et l’exigence filmique qui subliment l’absurdité de certaines situations.

Seth Rogen et Catherine O’Hara dans The Studio.©Apple TV+

Les scripts, quant à eux, semblent avoir été écrits à la plume d’or. On pense notamment à l’épisode 2 (The Oner) qui aurait parfaitement pu être l’œuvre du Larry David de Curb Your Enthusiasm tant cette histoire du tournage ruiné d’un plan séquence sur un film à gros budget par Matt Remick fait plaisir au cerveau, dans son rythme comme dans son final. Et que dire de cette réplique furieuse de Scorsese gueulant au visage du patron de Continental Studios « qu’il aurait dû signer dès le début son film chez Apple TV+ » ?

Seth Rogen, Kathryn Hahn, Ike Barinholtz et Chase Sui Wonders dans The Studio.©Apple TV+

On n’en dira pas plus, mais les dix épisodes sonnent comme un parfait vortex d’Hollywood se filmant de l’intérieur pour mieux respirer. Et cette mécanique pulmonaire, si l’on peut dire, permet à la série Apple de faire tomber Hollywood de son piédestal très premier degré tout en le rendant à nouveau désirable à force de gros plans sur les faiblesses et petites trahisons de celles et ceux qui fabriquent des films comme d’autres des boîtes de conserve.

On notera également au passage le merveilleux come-back à 71 ans de l’actrice Catherine O’Hara dans le rôle très piquant de Patty, l’ancienne directrice de Continental, aussi hilarante que manipulatrice. Et tous les seconds rôles (Ike Barinholtz, Kathryn Hahn et Chase Sui Wonders), aussi complémentaires que ceux de l’agence ASK de Dix pour cent.

Seth Rogen dans The Studio.©Apple TV+

Pour le reste, c’est un strike total pour Seth Rogen, l’acteur jadis connu pour ses rôles dans Supergrave ou Nos pires voisins. Pile 20 ans après 40 ans, toujours puceau, il en a aujourd’hui 42. Mais, avec le succès présumé de cette série à placer très haut dans le classement des productions Apple TV+, c’est le plaisir de la première fois qui semble refrapper très fort à la porte du studio.

The Studio, disponible dès le 26 mars sur Apple TV+.

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