
Révélée en 2020 par des titres empilant des millions d’écoutes, la musicienne belge Iliona s’est longtemps faite attendre pour casser la baraque (à frites). Son premier album What if I Break up With U ? sort enfin ce 14 mars. Et la planète pop s’enflamme déjà pour celle que l’on compare à Angèle. Alors, c’est oui ou bien c’est non ?
C’est l’histoire d’une poignée de femmes venues d’un pays aussi petit que la Bretagne et qui ont réussi en quelques années à s’imposer tout en haut des charts.
Elles s’appellent Angèle, Rori, Lous and the Yakuza ou encore Mentissa ; et toutes ont en commun de chanter en français tout en ayant grandi de l’autre côté de la frontière. Niveau success-story, la blague belge ne fait plus rire personne. Et l’on peut désormais ajouter un nouveau visage sur ce beau tableau de famille : celui d’Iliona – Iliona Roulin de son nom civil –, nouvel Ovni du plat pays révélé en 2020 avec Moins joli et Si tu m’aimes demain, deux tubes imparables à deux millions de vues chacun. De quoi lui ouvrir les portes du succès immédiat… que la Belge a gentiment refermées pendant cinq longues années pour aboutir What if I Break up With U ?, son premier album inspiré par une rupture qui raconte beaucoup de cette femme forte et fragile à la fois.
Il était Iliona, une fois
Douée, belle et née dans la timeline d’un réseau social, Iliona, c’est d’abord un piège : on aurait vite fait de la comparer à la plus connue des héroïnes d’une série nommée Plus belge la vie (Angèle). Et ce serait la plus grosse erreur. Si les deux ont grandi à Bruxelles, la première a tout enchaîné rapidement quand la seconde a préféré prendre son temps. Et même si des titres comme Lâche-moi la main font penser très fort à l’univers d’Angèle, Iliona traîne un spleen inédit doublé d’une intimité mélodique à des années-lumière d’une Clara Luciani, par exemple.
Autant inspirée par Hamza que Françoise Hardy, elle livre avec What if I Break up With U un remède miracle à celles et ceux qui ne peuvent plus supporter les bangers d’Angèle. Mais, comme comparaison n’est pas raison, Iliona c’est autant la grande excitation médiatique de 2025 qu’un chemin véritablement à rebours des succès classiques. « Au moment de l’écriture du disque, confie-t-elle à L’Éclaireur, attablée en terrasse parisienne, j’étais convaincue que personne ne l’écouterait jamais. Et sincèrement, ce n’était pas dramatique : l’important pour moi c’était d’aller au bout et que les morceaux me plaisent. »

Elle a fait un disque toute seule
Dans l’ancien monde de Jean-Jacques Goldman, les femmes faisaient des bébés toutes seules. Dans le nouveau, celui d’Iliona, de Pomme ou d’Yseult, elles font désormais des albums sans l’aide de personne. Bon point pour la représentation, et bon point pour Iliona qui a dû supporter comme tant d’autres d’être qualifiée de simple interprète alors qu’on la retrouve à tous les étages de son premier album : paroles, composition, arrangements, mix et même clips qu’elle réalise elle-même. « Sur tous les EPs que j’ai sortis avant, on me demandait qui avait écrit mes morceaux, c’était très frustrant », explique celle qui a appris à tout faire sur le tas, sans faire d’études, et qui a même été jusqu’à fonder son propre label (jevousamour) pour gérer cette carrière qu’elle ne réalise même pas avoir vraiment commencée.
« J’ai commencé la musique toute seule pour être sûre de ne déranger personne. »
Iliona
Son disque, elle s’est enfermée à Bruxelles pour l’accoucher, sans se soucier du temps passé dessus ni des gens autour : « J’adore travailler seule ; cela me permet d’être au plus proche de ce j’ai au fond de moi. S’il y avait quelqu’un d’autre dans la pièce, je serais beaucoup trop sensible à son avis, ses remarques, son jugement. En fait, j’ai commencé la musique toute seule pour être sûre de ne déranger personne. »
Cette pudeur, on la retrouve tout au long de What if I Break up With U ?, de Rater une rupture pour les nuls à Ça n’existe pas, en passant par 23, magnifique titre de clôture composé le soir de ses 23 ans en réaction à un coup de blues. Impression subite d’entendre une Fiona Apple ayant grandi à deux pas du Manneken Pis.
Balance ton couac
Fille de personne (de célèbre), Iliona a contrairement à Angèle retardé au maximum la sortie de ce premier album attendu autant en France qu’en Belgique. La raison ? Un problème de contrat à ses débuts qu’elle semble avoir traîné comme un boulet, mais aussi le besoin de se « bunkeriser » à Bruxelles pour faire le tri entre les 200 démos composées en moins de quatre ans. « Bien sûr que mon entourage s’inquiétait de savoir si l’on n’allait pas entre-temps m’oublier, mais j’étais étonnamment insensible à ça. J’étais convaincue que si je n’avais rien à dire, ça ne servait à rien de prendre la parole, ni de poster sur mes réseaux. »
« Tous les Belges te diront la même chose : il y a un avant et un après Stromae. »
Iliona
À l’inverse d’Angèle (encore) ou de Zaho de Sagazan qui avouent avoir grandi en tant qu’artiste à travers leur reflet dans les réseaux sociaux, Iliona aime se protéger et cela s’entend dans cette musique mi-spleen mi-urbaine qui n’hésite pas à utiliser l’autotune pour se dissocier et envisager la voix comme un instrument plutôt que comme un robinet à mensonges. « Quand j’ai commencé l’enregistrement du disque, je me suis fixé comme règle de ne mentir sur rien, de ne tricher sur aucun mot. Dès que je sentais que je commençais à romancer, j’effaçais. » On est donc loin des chansons à filtres Instagram.

Surtout fan de Stromae
Si l’on cite souvent Barbara quand il est question d’Iliona, elle préfère spontanément citer un Belge, et pas qu’une fois : Stromae. « Chanter en français quand tu vis à Bruxelles, ça ne fait que cinq ans que c’est stylé, et ça, c’est grâce à Angèle. Mais celui qui m’a marquée, avant tout le monde, c’est Stromae. Petite, je matais ses tutos en boucle, je trouvais ça dingue qu’il sache tout faire tout seul avec un petit clavier et un ordi. Tous les Belges te diront la même chose : il y a un avant et un après Stromae ».
On tient peut-être là le secret de cette pop belge qui cartonne en France : une singularité très éloignée (300 km) de Paris et des chansons qui se permettent tout parce qu’elles sont écrites dans un pays plus petit, mais sans barrières. Pour Iliona, qui est en passe de remplir deux Olympia coup sur coup, le voyage ne fait que commencer. « Obtenir ma liberté, ça a été un long chemin solitaire », souffle-t-elle au moment de l’addition. Elle ne sera plus seule pour très longtemps.
What if I Break up With U, d’Iliona, sortie le 14 mars 2025, chez jevousamour/Naïve.