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La Végétarienne : pourquoi (re)lire le roman de Han Kang, prix Nobel de Littérature ?

15 octobre 2024
Par Sarah Dupont
“La Végétarienne” est le dixième roman publié par Han Kang, en 2007.
“La Végétarienne” est le dixième roman publié par Han Kang, en 2007. ©Changbi Publishers / Portobello Books

Publié en 2007, La Végétarienne est l’œuvre qui a lancé Han Kang sur la scène internationale. Lauréat de l’International Booker Prize en 2016, ce roman raconte l’histoire de Yŏnghye, une femme qui décide soudainement d’arrêter de manger de la viande, un choix apparemment anodin qui bouleverse sa vie et celle de son entourage.

Han Kang, autrice sud-coréenne, entre dans l’histoire en devenant la lauréate du prix Nobel de Littérature 2024, une première pour son pays et pour une femme asiatique. À 53 ans, elle est saluée pour sa « prose poétique intense » et ses textes empreints d’une profondeur remarquable, qui tissent des liens subtils entre la souffrance mentale et physique.

Révélée au monde par La Végétarienne en 2007, Han Kang a acquis une renommée internationale avec ce roman, traduit en anglais, qui lui a valu l’International Booker Prize en 2016 et une place parmi les dix meilleurs romans de l’année selon le New York Times. Depuis l’annonce de son prix Nobel, ses œuvres connaissent un nouvel élan de popularité, notamment en tête des ventes à la Fnac, où La Végétarienne trouve une résonance nouvelle.

1 Une exploration unique de la rébellion silencieuse

« Une nuit, Yŏnghye se réveille et vide le réfrigérateur de toute la viande qu’il contient. Guidée par un rêve mystérieux, elle a désormais un but : devenir végétale, se perdre dans l’existence calme et inaccessible des arbres et des plantes. » Voici le résumé officiel du roman de Han Kang. Dans cette histoire, l’autrice montre la manière dont la décision de sa protagoniste, ce geste, aussi radical qu’inattendu, va bouleverser non seulement sa vie, mais aussi celle de son entourage. En refusant la viande, elle perturbe l’équilibre familial et met à l’épreuve les attentes et les conventions sociales qui l’entourent, transformant son choix en un acte de rébellion silencieuse.

La Végétarienne se déploie en trois parties, chacune racontée par un personnage différent qui assiste à l’effacement progressif de Yŏnghye : son mari, un homme ordinaire dépassé par son comportement ; son beau-frère, artiste fasciné par sa transformation physique ; et enfin sa sœur, qui l’accompagne dans ses derniers instants…

2 Une écriture poétique et dérangeante

Han Kang allie la beauté des mots à l’obscurité des émotions avec une délicatesse rare. Sa prose, épurée et précise, capte des moments de grâce tout en révélant la violence intérieure de ses personnages. Ce contraste entre douceur stylistique et profondeur des douleurs crée une tension palpable, plongeant le lecteur dans un univers à la fois onirique et oppressant. Comme le décrivait Le Monde dans un article de 2023, La Végétarienne est « un triptyque écrit dans une veine quasi chamaniste, mi-angoissante, mi-libératrice, autour d’une femme qui s’efface jusqu’à devenir végétale ».

Tout au long du roman, cette tension grandit, entre souffrance psychologique et retenue poétique. La violence, bien que discrète, est profondément destructrice, mais, « comme toujours chez Han Kang, le lecteur finit par trouver une échappée vers la lumière ». Ce mélange subtil de brutalité et de douceur rend l’expérience de lecture troublante.

3 Une réflexion profonde sur l’aliénation et la transformation

Dans La Végétarienne, Han Kang mène une réflexion profonde sur le concept de l’aliénation, cher à des philosophes tels que Karl Marx, ou Jean-Jacques Rousseau, tout en y apportant un regard novateur et féministe. À travers Yŏnghye, l’autrice montre comment un simple choix intime – le refus de consommer de la viande – peut devenir un acte de rébellion contre les normes sociales et familiales. Ce geste incarne une rupture avec un système oppressant, où la protagoniste cherche à échapper à une forme de domination, à la fois corporelle et psychologique.

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Han Kang réinvente ainsi la notion d’aliénation en l’ancrant dans une perspective féminine. Yŏnghye, en se détachant de plus en plus de son identité et de son rôle social imposé, incarne la quête d’une libération personnelle. Ce processus de transformation, radical et intime, questionne la manière dont les attentes sociétales pèsent sur le corps des femmes, et comment la rupture avec ces attentes peut mener à une forme d’émancipation, tout en frôlant les limites de la folie et de l’effacement de soi.

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