Histoire, aventure et féminisme… Le 9e art fait sa rentrée littéraire ! Elles ont été très attendues ou sont une surprise totale pour les lecteurs et lectrices : voici une sélection de cinq bandes dessinées à glisser dans votre bibliothèque.
| Madeleine, résistante, de Madeleine Riffaud, Jean-David Morvan et Dominique Bertail
« Qui vivra verra… » Et l’histoire a vu de quel côté s’est tenue l’ancienne résistance Madeleine Riffaud. Depuis 2021, cette dernière se plonge dans les méandres de ses souvenirs de la Seconde Guerre mondiale et les partage avec le scénariste Jean-David Morvan et le dessinateur Dominique Bertail. Sa mémoire est intacte : elle se souvient des visages de celles et ceux qui ont croisé sa route, de ses camarades de lutte, des tortionnaires qu’elle n’a jamais hésité à défier, des lieux où elle a frôlé la mort. De quoi nourrir l’imaginaire du scénariste qui enrichit son récit d’une précision documentaire et du dessinateur qui représente la France en guerre dans une palette d’aquarelle bleutée.
Dans ce troisième tome de la série, l’héroïsme de Madeleine Riffaud, alors à peine majeure, n’est plus à prouver. Cependant, dans ce nouvel album, on découvre aussi son goût pour la poésie et la naissance de sa vocation de journaliste qui la guidera toute sa vie. Cette année, la BD résonne avec l’histoire : 2024 marque les 80 ans de la Libération, mais également les 100 ans de Madeleine Riffaud, mémoire vivante de la Résistance. Pour les lectrices et lecteurs passionnés d’histoire.
| Les Femmes ne meurent pas par hasard, de Charlotte Rotman, Anne Bouillon et Lison Ferné
Plaider pour les femmes. C’est l’engagement de l’avocate Anne Bouillon. Il y a plusieurs années, elle fait le choix de ne plus défendre les hommes violents et monte son propre cabinet afin de consacrer son énergie à obtenir justice pour les femmes victimes de violences. Dans cette bande dessinée, la journaliste Charlotte Rotman lève le voile sur le parcours engagé d’Anne Bouillon. Les dessins de Lison Ferné plongent au cœur des réflexions de l’avocate et, telle une petite souris, on se faufile dans ses dossiers et on assiste à ses plaidoiries.
Souvent critiqué par ses pairs, l’engagement de l’avocate et son combat pour faire reconnaître le facteur de genre comme circonstance aggravante sont désormais célébrés. À une époque où les violences faites aux femmes sont au cœur des débats, le témoignage d’Anne Bouillon expose le sexisme ancré dans le système judiciaire et porte un espoir, ou une volonté forte, de changement. Pour les lectrices et lecteurs avides de participer à cette prise de conscience collective.
| L’Amie prodigieuse, de Chiara Lagani et Mara Cerri
Depuis sa sortie en 2011, la saga de l’autrice italienne Elena Ferrante passionne, fascine même : elle a été traduite dans une quarantaine de langues et s’est écoulée à plus de 10 millions d’exemplaires. Ce succès lui vaut même d’être sacré « meilleur livre du XXIe siècle » par le New York Times en 2024. Après quatre tomes, une adaptation en série télévisée en 2018 – dont la quatrième et dernière saison vient tout juste de sortir sur Canal+ –, une bande dessinée s’empare de l’univers de L’Amie prodigieuse. Le roman plongeait dans le quotidien d’une banlieue de Naples dans les années 1950 et explorait le lien qui unit Lila et Lenù.
La bande dessinée immerge le lecteur au cœur de l’amitié indéfectible entre ces deux jeunes filles. Le trait poétique et tout en légèreté de la dessinatrice Mara Cerri, familière de l’œuvre d’Elena Ferrante puisqu’elle avait illustré son livre La Spiaggia di notte en 2007, apporte de la douceur à la dure réalité des quartiers populaires de Naples où la misère côtoie la violence. La scénariste Chiara Lagani a elle aussi des antécédents avec l’univers de l’autrice italienne puisqu’elle avait mis en scène la tétralogie au théâtre l’année dernière.
Parue en 2022 en Italie, cette bande dessinée nous parvient enfin en France et l’adaptation des trois autres tomes de la saga serait déjà en cours… De quoi prolonger le plaisir de l’œuvre de l’autrice italienne, qui conserve toujours son anonymat, encore plusieurs années et sous diverses formes ! Pour les fans d’Elena Ferrante.
| Deux filles nues, de Luz
Que nous raconteraient les œuvres d’art si elles pouvaient parler ? Des premiers coups de pinceau sur la toile dans l’atelier de l’artiste aux murs de leurs différents propriétaires, les tableaux traversent les époques. Dans sa nouvelle bande dessinée, le dessinateur Luz surprend ses lecteurs et lectrices en retraçant l’itinéraire d’une œuvre du point de vue de celle-ci. Le tableau en question ? Deux filles nues, du peintre allemand Otto Mueller.
L’auteur de BD se lance dans une véritable enquête artistique : du processus de création à la relation entre le peintre et Maschka, sa femme et sa muse, puis l’acquisition de l’œuvre par le collectionneur juif Ismar Littmann après la mort d’Otto Mueller, jusqu’à sa spoliation par les nazis qui le présentent lors de l’exposition Art dégénéré à Munich, en 1937.
Après l’adaptation en BD du roman de Virginie Despentes Vernon Subutex et de Testosterror où il tourne en dérision les masculinistes, Luz, ancienne plume de Charlie Hebdo, s’empare de l’histoire de l’art pour avertir des menaces actuelles à la liberté d’expression et des dangers de la censure. Pour les amateurs et amatrices d’histoire de l’art.
| Au travers du rayon, d’Aube Bertrand
Vivre dans un film… c’est possible ? C’est en tout cas le projet de Jeanne, l’héroïne d’Au travers du rayon, la première bande dessinée d’Aude Bertrand. Pour échapper à l’ennui de son quotidien de concierge, la jeune femme fantasme la théorie du rayon vert. Empruntée au film éponyme d’Eric Rohmer, cette idée émet la possibilité de rencontrer des personnages de cinéma dans la vraie vie. « Le cinéma, c’est des portes vers des vies parallèles qu’on peut emprunter pour échapper à notre réalité », soutient Jeanne.
À la poursuite de ce projet, l’héroïne ne dissocie plus fiction et réalité et nous emmène dans sa rêverie… Qui n’a jamais rêvé de revivre les plus belles scènes de cinéma ? Par la douceur de son dessin, de ses couleurs vives et son sens aigu des séquences et du cadrage, Aude Bertrand se révèle tout aussi cinéphile que son héroïne et imagine une première bande dessinée qui fait écho à l’œuvre de nombreux cinéastes. Pour les cinéphiles !
