Critique

La Panthère des Neiges : approcher la nature steppe by steppe

14 décembre 2021
Par Félix Tardieu
"La Panthère des Neiges", un film de Vincent Munier & Marie Amiguet
"La Panthère des Neiges", un film de Vincent Munier & Marie Amiguet ©Vincent Munier / Haut et Court

Le film du photographe animalier Vincent Munier et de Marie Amiguet documente le séjour de Sylvain Tesson et Munier sur les hauts plateaux du Tibet qui inspirera le livre éponyme de Sylvain Tesson, lauréat du prix Renaudot en 2019.

Il faut s’armer de patience pour pouvoir croiser le regard perçant de la panthère des neiges, félin des montagnes d’Asie centrale dont il ne reste que quelques milliers d’individus et dont la rareté lui vaut, à juste titre, le surnom de « fantôme des montagnes ». Pour approcher un fantôme, encore faut-il se faire fantôme soi-même : c’est ainsi que les deux compagnons, suivis de près par Marie Amiguet et leur assistant-réalisateur Léo-Pol Jacquot, vont progressivement se fondre dans la masse et se mettre en quête du Graal, armés de jumelles et d’un téléobjectif. Être à l’affût, c’est faire l’éloge de la lenteur, du silence, de la contemplation. Plus qu’un mode d’observation, c’est une disposition à laquelle se plie l’être tout entier. Narré par la prose poétique de Sylvain Tesson et bercé par la bande originale atmosphérique de Warren Ellis et Nick Cave, La Panthère des Neiges offre à voir des paysages majestueux, imparables, couchés dans l’immensité. Le vivant, par petites touches, guide alors le regard des deux hommes, dont la capacité d’émerveillement ne s’estompe jamais. Chaque espèce, du plus petit oiseau à la fameuse panthère, est alors digne d’être suivie du regard. 

Vincent Munier et Sylvain Tesson à l’affût dans La Panthère des Neiges ©Haut et Court

Au contact du photographe et plié à l’immobilité de l’affût, Sylvain Tesson découvre alors un rythme auquel ses grandes marches ne l’avaient pas accoutumé. Un tout autre rapport au monde s’offre à lui :  « Le photographe naturaliste ne fend pas l’espace, il s’installe dans le temps », dira l’écrivain à propos de cette expérience méditative et esthétique. À la longue, les méditations tessoniennes sur la décadence de l’homme moderne, déclamées en voix off, peuvent paraître redondantes et risquent de dérober à l’image sa propre puissance révélatrice. Néanmoins, la beauté du film ne flanche pas : les yeux du spectateur cherchent obstinément à déceler dans la moindre image cette présence animale fondue habilement dans le décor, demandant à l’observateur un certain effort d’imagination – jusqu’à atteindre enfin l’émerveillement, suscité par le moment ultime du dévoilement de l’animal, dont l’on aperçoit la majestueuse silhouette se dessiner en contre-jour, sur une ligne de crête, tout là-haut, sur le toit du monde.

La Panthère des Neiges, réalisé par Vincent Munier & Marie Amiguet – 1h32 – avec Sylvain Tesson et Vincent Munier – En salles le 15 décembre 2021

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Article rédigé par
Félix Tardieu
Félix Tardieu
Journaliste