Comme beaucoup de vilains, la sorcière Agatha et le malfrat Le Pingouin ont une particularité : le public les adore, malgré les horreurs qu’ils ont pu commettre.
Pour la rentrée, deux super-vilains vont faire du bruit du côté des nouvelles séries. Le 19 septembre, Marvel dévoile Agatha all Along, un show centré sur l’ennemie de la Sorcière rouge (WandaVision). Du côté de DC Comics, c’est Le Pingouin, grand rival de Batman, qui est au cœur d’un spin-off du film de 2022, à retrouver dès le 20 septembre sur la plateforme de streaming Max. Très attendues par les fans des deux franchises héroïques, ces fictions seront l’occasion d’en apprendre davantage sur ces méchants et de, peut-être, mieux comprendre leurs agissements.
Si ces deux protagonistes ont droit à leur propre fiction, c’est parce qu’ils sont d’ores et déjà très appréciés du public. Malgré leurs crimes, les spectateurs les trouvent particulièrement intrigants et divertissants. On remarque la même affection pour bon nombre de vilains comme Voldemort – qui a pourtant tué de nombreuses personnes, dont les parents d’Harry Potter –, ou encore Negan dans The Walking Dead, qui a pour meilleure amie une batte de baseball qu’il utilise pour assassiner des innocents. Des méchants qu’on adore détester, mais qu’on finit souvent par apprécier pour plusieurs raisons.
Des imperfections diaboliquement intrigantes
Lors de l’annonce de la sortie d’Agatha all Along et de The Penguin, le public n’a pas tremblé d’effroi ou de dégoût, bien au contraire. Les fans du genre et de ces personnages ont tout de suite été intrigués et impatients de découvrir leurs univers.
Le public s’est aussitôt posé mille et une questions. Allons-nous enfin comprendre pourquoi ils sont si méchants ? Que vont-ils commettre comme crimes cette fois-ci ? Seront-ils aussi drôles que d’ordinaire ? Mais s’ils sont aussi curieux, c’est pour une raison bien précise.
« Les méchants sont souvent beaucoup plus intrigants et complexes que les gentils, explique la psychologue Marie Chaudagne. Certains sont plus intéressants et attirants, car ils nous font davantage réfléchir et attirent notre attention. Le cerveau est en général curieux et aime apprendre, voire comprendre. »
La psychologue spécialisée dans les émotions nous invite à réfléchir à une question : « Ne sont-ils pas plus réels, car imparfaits, avec des défauts, contrairement aux gentils ou héros ? » C’est ce point commun avec le public qui les rend plus attrayants.
Miroir, miroir : montre-moi ma part d’ombre
D’après une étude publiée en 2020 dans la revue Psychological Science, l’autre raison pour laquelle certains personnages machiavéliques sont appréciés du public, malgré leurs actes, c’est le fait qu’ils nous rappellent notre propre personnalité, notre passé ou nos traumatismes.
Il s’agit là de l’effet miroir. Nous finissons par les apprécier parce que nous éprouvons de la compassion ou nous reconnaissons en eux. Comme l’écrit dans l’étude la doctorante à l’université Northwestern Rebecca Krause, le public peut trouver un méchant étonnamment sympathique lorsqu’il partage des similitudes avec lui.
La psychologue, en accord avec cette analyse, ajoute que c’est cette connexion qui nous pousse à vouloir en apprendre plus sur les méchants de fiction. « Ces personnages peuvent toucher ce qu’on appelle notre partie sombre, définie par le psychanalyste suisse Carl Gustav Jung, disciple de Freud », souligne-t-elle.
Jung estime que nous avons tous une « part d’ombre qui enregistre tous nos désirs, intérêts, frustrations et peurs inacceptables et les refoule de manière inconsciente ». Marie Chaudagne ajoute que « les méchants peuvent faire écho à ces éléments refoulés et nous font nous projeter ou nous identifier partiellement, d’où l’attraction ».
Et si pencher vers le côté obscur avait du bon ?
Cette attirance pour une version plus sombre de nous-mêmes se produit même si des individus avec un tel comportement nous auraient rebutés dans le monde réel. La fiction agit comme un « refuge cognitif » qui nous permet de nous identifier à des personnages mauvais, sans ternir pour autant notre image.
« La fiction offre un moyen d’aborder les aspects sombres de notre personnalité sans nous amener à nous demander si nous sommes une bonne personne en général », confirme Rebecca Krause. « Les fictions permettent de se confronter à cette part d’ombre de manière sécurisée. C’est aussi ce qui se passe durant nos rêves ou cauchemars, qui nous aident à évacuer certains de nos “démons” », complète Marie Chaudagne.
S’il n’y a encore que très peu de séries et de films consacrés aux vilains, on note le succès de Cruella, la méchante des 101 Dalmatiens avec Emma Stone, de Hunger Games : la ballade du serpent et de l’oiseau chanteur, sur la jeunesse du terrible Coriolanus, ou encore du Joker, qui va bientôt avoir une suite avec Lady Gaga dans le rôle d’Harley Quinn.
Si The Penguin et Agatha all Along rencontrent le même succès, on peut facilement s’attendre à voir de plus en plus de fictions similaires. De notre côté, nous espérons un jour voir à l’écran un spin-off sur Ursula, la méchante de La Petite Sirène. Chacun ses plaisirs coupables.