Décryptage

Pourquoi de plus en plus de jeux vidéo sont-ils adaptés en séries ?

11 août 2024
Par Sarah Dupont
“Fallout”, le 11 avril 2024 sur Prime Video.
“Fallout”, le 11 avril 2024 sur Prime Video. ©Prime Video

L’essor de ces adaptations révolutionne l’industrie du divertissement. Des succès comme The Witcher et The Last of Us prouvent leur potentiel, tandis que de nouveaux projets ambitieux promettent de captiver encore plus de spectateurs.

« [Les jeux vidéo] vont probablement devenir la première source d’inspiration d’Hollywood. » En avril dernier, Jonathan Nolan (le frère du réalisateur derrière Oppenheimer et Inception) le reconnaissait au micro d’une poignée de journalistes à Cannes : il est un « gamer ». C’est certainement cette passion pour la manette qui lui a donné l’idée de se lancer dans l’adaptation sérielle de Fallout, une franchise vidéoludique connue pour son monde post-apocalyptique.

« Je me suis rendu compte qu’aujourd’hui, la narration des jeux vidéo était devenue, à bien des égards, plus ambitieuse, plus avant-gardiste et plus punk rock que le cinéma ou la télévision », a renchéri le scénariste lors des Canneseries 2024. Son pari a d’ailleurs été couronné de succès : sa série a enregistré pas moins de 65 millions de spectateurs dans les deux premières semaines de sa diffusion, en avril dernier sur Prime Video.

Des échecs aux succès

Jonathan Nolan n’est ni le premier ni le dernier à avoir flairé le filon. The Witcher, The Last of Us, Arcane, Twisted Metal… La liste des séries dont les scénarios s’inspirent de jeux vidéo continue de s’allonger. Et pour cause : ces adaptations sont devenues de plus en plus populaires ces dernières années, ouvrant une nouvelle ère de créativité et d’innovation dans le monde du petit et du grand écran.

Pourtant, le principe n’est pas nouveau. Dans le passé, plusieurs adaptations ont été tentées, notamment en longs-métrages. Ces derniers sont désormais célèbres pour avoir été des flops retentissants. Parmi eux, Super Mario Bros. (1993) et Street Fighter (1994) sont régulièrement cités.

Plus récemment, des films comme Assassin’s Creed (2016), malgré un casting prometteur, et Warcraft (2016) ont également échoué à répondre aux attentes des spectateurs, au même titre que Resident Evil: Welcome to Raccoon City (2021) et Monster Hunter (2020).

Assassin’s Creed (2016)©Copyright 2016 Twentieth Century Fox

Pour beaucoup de spécialistes, cet échec réside en grande partie dans le manque de fidélité aux jeux originaux et dans des scénarios mal conçus, ne parvenant pas à capturer l’essence des univers vidéoludiques. Ces tentatives infructueuses ont longtemps laissé croire que les œuvres vidéoludiques ne pouvaient pas être proprement adaptées à l’écran. Mais les récents succès, à l’image de Fallout, laissent penser qu’une nouvelle génération de scénaristes, qui a probablement grandi en jouant à ces jeux, est en train de changer la donne.

Le triomphe de la série sur les films

C’est le format de la série qui explique, en grande partie, ce renversement. Contrairement aux films, il offre davantage de temps et de flexibilité pour développer les intrigues et les personnages, permettant une adaptation plus fidèle et plus approfondie. De fait, les arcs narratifs peuvent être étendus sur plusieurs épisodes ou saisons, de quoi mieux capturer la complexité des histoires originales.

L’une des premières œuvres à avoir rompu le cercle vicieux est sans doute The Witcher, sorti en 2019 sur la plateforme Netflix. Cette série a orchestré un changement majeur en réussissant à combiner fidélité au scénario et production de haute qualité. Selon Richard Middleton, du magazine canadien TBI Vision, cette production a ainsi montré que « la télévision peut exploiter une base de fans déjà établie et offrir une narration riche et immersive ».

L’œuvre avec Henry Cavill a alors ouvert la voie à d’autres succès mondiaux, comme The Last of Us, sortie en 2023 sur HBO et particulièrement saluée par la critique. « [Le format de la série] évite la frustration que peut procurer un long-métrage de deux ou trois heures, dans lequel il est plus difficile de multiplier les points de vue, de créer de l’attachement aux personnages sur le long terme », attestait de son côté Julie-Anna Grignon, scénariste et podcasteuse, pour le site Slate.

Elle poursuit : « C’est ce qu’on a vu dans The Last of Us, qui prend le temps de développer la relation complexe entre Joel et Ellie, ou de s’offrir un bottle episode [en référence à l’épisode 5 sur Henry et Sam, ndlr] sur des personnages à peine évoqués dans le jeu ».

S’inspirer de l’univers, réinventer le scénario

Le jeu vidéo offre également la possibilité aux scénaristes de reprendre l’univers sans s’attacher nécessairement aux scénarios originaux, en créant quelque chose de nouveau. C’est le cas de Fallout où Jonathan Nolan et son équipe ont su exploiter le riche univers post-apocalyptique de l’œuvre pour développer une série originale, tout en respectant son atmosphère et ses thèmes.

Un autre exemple notable est celui d’Arcane, basé sur l’univers de League of Legends. Plutôt que de suivre strictement les événements du jeu, la série animée explore les origines et les histoires de plusieurs personnages clés, permettant ainsi une narration plus profonde et nuancée. Une approche elle aussi saluée, notamment pour sa capacité à capturer l’essence des protagonistes tout en offrant une proposition rafraîchissante et innovante aux téléspectateurs.

De nouveaux projets en cours

Face à ce succès, nul doute que la multiplication de séries adaptées de jeux vidéo se poursuive. Elles représentent désormais une véritable mine d’or, autant pour les plateformes de streaming que pour les développeurs de ces jeux. Après la diffusion de son show télévisé, le jeu The Last of Us a par exemple établi de nouveaux records, avec une augmentation de 238 % des ventes.

D’autres projets très attendus sont déjà en préparation, comme l’adaptation de God of War annoncée par Prime Video, ou encore les séries Assassin’s Creed et Tomb Raider par Netflix. Certains poseront des défis considérables aux cinéastes et scénaristes, en raison de leurs univers complexes. Reste à voir s’ils parviendront à adapter l’inadaptable à l’écran.

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