Le nouveau film de Michel Hazanavicius, en sélection officielle au Festival d’Annecy après Cannes, est une histoire aussi touchante que violente sur fond de guerre.
Avec La plus précieuse des marchandises, Michel Hazanavicius s’essaye à l’animation et livre un film aussi touchant qu’important, qui se présente comme un conte, tout en faisant un lien poignant avec la Seconde Guerre mondiale.
Le long-métrage suit ainsi la vie de Pauvre bucheron et Pauvre bucheronne quand cette dernière trouve un bébé abandonné sur une voie de chemin de fer après le passage d’un train. Entre la difficulté du quotidien, l’intolérance des habitants et l’horreur des camps non loin, La plus précieuse des marchandises s’affirme en rappelant l’importance du devoir de mémoire, tout en conservant son aspect fable.
Le film adapte ainsi le conte de Jean-Claude Grumberg et possède toutes les caractéristiques du genre. Entre l’anonymat des personnages principaux — nommés Pauvre bucheron et Pauvre bucheronne –, la difficulté du quotidien propre à la morale et au développement de thèmes ainsi que les valeurs humanistes, et la volonté manifeste de laisser planer une part de mystère sur les lieux et le temps, La plus précieuse des marchandises pourrait se concevoir dans un premier temps comme une « simple » fable. Très vite, pourtant, la réalité rattrape le spectateur et le plonge dans une vision réaliste de la Seconde Guerre mondiale et des camps de concentration.
En optant pour de l’animation, Michel Hazanavicius permet tout de même de laisser une certaine distance entre son sujet, ses images et la violence régulièrement présente. Le cinéaste dépeint à la fois la misère des personnages, tout en montrant la dureté du monde dans son ensemble, alors que la fausse croyance et la désinformation rythment le conflit et pousse hommes et femmes les uns contre les autres. Derrière cette ambiance pesante, un semblant d’espoir apparait lorsque Pauvre Bucheronne recueille une jeune enfant abandonnée, malgré la désapprobation de Pauvre bucheron.
Le film parvient à être touchant dans sa simplicité en dépeignant la relation au sein de cette famille « recomposée », où comment l’innocence et la bienveillance parviennent à briser toutes les armures, mêmes les plus solides. Par instant, La plus précieuse des marchandises se repose simplement sur la douceur de l’instant présent, respiration essentielle dans un climat anxiogène.
Toute la direction artistique du film parvient en réalité à manier ces différentes ambiances pour créer un tout cohérent et tangible. L’aspect « conte » permet à certaines coïncidences d’exister sans mal, alors que la beauté de l’animation offre autant de poids à la douceur qu’à la violence. Les images sont somptueuses, et le travail sonore aide à cette immersion, à commencer par l’excellent casting des voix, dont Jean-Louis Trintignant en narrateur.
C’est finalement via le regard posé sur l’humanité que La plus précieuse des marchandises s’érige comme un conte et une fable.
En développant la grandeur d’un côté et la bassesse de l’autre, en montrant la bonté désintéressée des uns et la méchanceté absolue des autres, le film dresse le spectre complet de l’humanité et transmet ainsi ses valeurs, sa morale et sa nécessité.
Deux ans après sa comédie horrifique Coupez !, Michel Hazanavicius livre le film le plus émouvant de sa carrière.
Première incursion réussie dans le monde de l’animation pour le cinéaste, qui parvient encore une fois à raconter un récit et des personnages avec sincérité, tout en rappelant que la fiction sert aussi à poser un regard sur l’Histoire pour ne jamais oublier, tout en disant avec humanité et talent que même au pire moment de l’humanité, l’espoir et la bonté peuvent exister.
La plus précieuses des marchandises, de Michel Hazanavicius, avec Jean-Louis Trintignant, Dominique Blanc, Denis Podalydès, 1h21, le 20 novembre 2024 au cinéma.