Le film réalisé par Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte propose avec brio une nouvelle adaptation du classique d’Alexandre Dumas.
Après avoir écrit le diptyque Les Trois Mousquetaires, Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte reviennent avec une nouvelle adaptation de l’œuvre d’Alexandre Dumas en passant, cette fois-ci, derrière la caméra.
Le Comte de Monte-Cristo, plus grande histoire de vengeance de la littérature française, suit le destin tragique d’Edmond Dantès, bien décidé à faire payer les hommes responsables de son emprisonnement. Sélectionné hors-compétition au Festival de Cannes 2024, le film a été présenté aux festivaliers le 22 mai et a reçu l’une des plus belles ovations de cette sélection cannoise, avant sa sortie officielle, ce vendredi 28 juin dans les salles obscures. À raison !
En presque trois heures de film, les deux scénaristes et réalisateurs ont le temps de bâtir une histoire complète et profonde en proposant une version aussi moderne que respectueuse de l’esprit de Dumas. C’est la grande force du long-métrage : accepter la thématique principale liée à la vengeance sans chercher à édulcorer certaines décisions et actions du personnage principal, quitte à lui donner le rôle du méchant par moments.
À côté de ça, l’injustice absolue subie par Edmond Dantès — et particulièrement bien représentée lors de la première heure —, pousse le spectateur a automatiquement se joindre à son camp et à voir dans cette histoire de vengeance un exécutoire jouissif des pulsions les plus primaires de l’humanité. Se venger, quel qu’en soit le prix, et se venger en préparant méticuleusement son plan.
Pierre Niney, magistral
Le Comte de Monte-Cristo suit ainsi les péripéties connues par tous d’Edmond Dantès : la vie heureuse idyllique, l’emprisonnement au Chateau d’If pendant près de 15 ans, puis, les représailles. Tout au long du film, Pierre Niney incarne avec un talent absolu les différentes facettes d’Edmond Dantès, au point de livrer ce qui est sans doute l’une des plus grandes prestations de sa carrière. Entre sa bienveillance, son désespoir, sa haine et sa transformation physique selon les moments du film — maquillages et coiffures sont bluffants —, l’acteur s’empare du rôle et le façonne à son style sans jamais tomber dans le piège de l’absurde, ni perdre en crédibilité. La plus grande réussite du Comte de Monte-Cristo est sans conteste l’implication de Pierre Niney et sa performance.
L’acteur n’est néanmoins pas le seul à se démarquer et à permettre au film de rester très haut : Pierfrancesco Favino incarne un Abbé Faria mémorable, Anamaria Vartolomei donne à Haydée sa prestance et son charme, et Laurent Lafitte se délecte dans ce rôle d’antagoniste perfide.
Le Comte de Monte-Cristo est une histoire de vengeance, mais également un récit d’aventure et de mystère. Lorsque le personnage d’Edmond est emprisonné au Chateau d’If et fait la rencontre de l’Abbé Faria, le discours énigmatique du compagnon de cellule d’Edmond concernant un mystérieux trésor offre au film son point de bascule : que faire avec une richesse infinie et une haine profonde en son cœur ?
Tout le long passage dans les cellules du Chateau d’If est l’un des plus grands moments du film, grâce à la caractérisation des personnages et le développement des thématiques principales de l’histoire.
Raconter sans dire
Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte arrivent de facto à utiliser le langage cinématographique pour donner les grandes pistes de lecture aux spectateurs. Sans jamais alourdir le récit par de l’exposition superficielle, ils savent se contenter d’un regard, d’un geste ou d’une émotion sur le visage pour poser les enjeux et les destins des différents personnages. Le film voyage constamment et fait évoluer protagonistes et antagonistes en fonction de leurs envies et de leur rapport aux autres.
Tout aussi réussi, le film ne cherche pas à dévoiler toutes les facettes et l’histoire d’Edmond Dantès lors de sa préparation vengeresse. En gardant une part de mystère, Le Comte de Monte-Cristo cultive à la fois son rapport à l’aventure et à la fresque épique, ainsi que le charisme de son personnage principal, capable d’avoir plusieurs coups d’avance sur les autres.
Avec un rythme soutenu permettant de faire passer les presque trois heures de film sans jamais les ressentir, Le Comte de Monte-Cristo évolue visuellement tout au long de son déroulé.
Là encore, les scénaristes/réalisateurs adoptent une posture minutieuse concernant la direction artistique. Après une introduction joyeuse et colorée, ils teintent leur œuvre d‘une allure plus gothique, respectant l’œuvre de Dumas. Lorsque le comte se déclare pour la première fois, l’ambiance s’assombrit et la photographie suit cette évolution. Dans une scène mémorable au sein d’une demeure éclairée à la bougie, le macabre est à son paroxysme, tout comme la violence sous-jacente d’Edmond.
Sans jamais édulcorer son propos autour de la haine et de la vengeance, Le Comte de Monte-Cristo est également une histoire d’amour et une romance touchante entre deux amants injustement séparés. La relation entre Pierre Niney et Anaïs Demoustier est particulièrement belle, soutenue par un thème musical récurrent qui offre au film ses moments les plus poétiques.
Intense, riche et incarné à chaque stade de la production, cette nouvelle adaptation du Comte de Monte-Cristo rappelle à quel point le livre d’Alexandre Dumas est intemporel. Sans pour autant perdre de vue l’aspect contemporain de la mise en scène et de l’ambiance, le film d’Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte est une œuvre particulièrement dense et assumée, qui ne transige jamais avec son ambiguïté. La vengeance est définitivement un plat qui se mange froid.
Le Comte de Monte-Cristo d’Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte, 2h58, avec Pierre Niney, Laurent Lafitte, Anaïs Demoustier et Bastien Bouillon, au cinéma le 28 juin 2024.