Présenté en compétition officielle au Festival de Cannes, The Substance est attendu ce mercredi 6 novembre au cinéma et séduit, par moments, par son postulat de départ ainsi que son jusqu’au-boutisme assumé.
La Française Coralie Fargeat a fait son entrée dans la compétition officielle en présentant The Substance. Le second long-métrage de la réalisatrice, après Revenge, suit Elisabeth Sparkle (Demi Moore), une star de cinéma reconvertie dans le fitness, qui voit sa carrière s’arrêter net quand son producteur (l’égocentrique Dennis Quaid) décide de la virer de sa propre émission. La raison ? L’ancienne célébrité n’a plus l’étoffe (physique) des débuts.
Car, au pays de la télévision, tout ce qui n’est pas rebondi, jeune et sexy n’a plus sa place devant les caméras. Alors, quand Elisabeth Sparkle, dépitée à l’idée de voir les feux des projecteurs s’éteindre, se voit proposer une mystérieuse expérience baptisée The Substance, elle saute sur l’occasion de retrouver sa jeunesse et son succès d’antan.
Car le but de The Substance est de créer un double parfait, « une meilleure version de vous-même ». Il suffit de partager le temps : une semaine l’une, une semaine l’autre. Un équilibre parfait de sept jours facile à respecter… du moins si vous suivez les instructions à la lettre.
Un body-horror prévisible
Grâce à ce postulat de départ alliant boby-horror façon David Cronenberg et propos sur la beauté et la célébrité déchues, Coralie Forgeat offre un long-métrage étrange dans lequel on plonge avec envie et curiosité. Du moins au début. Sa scène d’exposition brillamment exécutée autour du Hollywood Walk of Fame, sa mise en scène rythmée et chirurgicale, mais aussi la fragilité de Demi Moore annoncent un film bizarroïde face auquel on espère se prendre une claque.
Cependant, malgré une scène de transformation bien menée, des effets de caméra qui nous frottent jusqu’à l’épiderme des personnages et un jusqu’au-boutisme narratif bienvenu, The Substance demeure prévisible. Les événements s’enchaînent sans grande surprise pour dénoncer la quête absolue de la beauté, le culte des corps, de la jeunesse ou encore de la notoriété. Celle-ci, infondée, vaine et perdue d’avance, semble déjà avoir eu le droit à plusieurs traitements à la manière de The Neon Demon (2016) par Nicolas Winding-Refn.
Double “je”
Ceci étant dit, The Substance est une proposition de cinéma particulièrement intéressante dans l’aspect méta de son casting. Pour l’occasion, Coralie Fargeat s’est payé les services de Demi Moore, star des années 1990-2000 discrète depuis plusieurs années, qui trouve ici un rôle à contre-emploi en rivalisant avec son double « pulpé », incarné par Margaret Qualley. Les deux actrices sont aussi terrifiantes que fascinantes dans le film. La première nous séduit par sa fragilité, l’autre par sa beauté ingénue qui cache en réalité le pire des monstres. Leur duo fonctionne à merveille, Demi Moore symbolisant en un sens l’ancienne garde hollywoodienne et Margaret Qualley la relève.
Par ailleurs, le film joue avec la notion de double, de double féminin notamment, rappelant ainsi à nos mémoires Mulholland Drive (2001) de David Lynch. C’est dans ce propos et la dynamique des deux personnages que le film trouve sa richesse et, en définitif… sa substance ! Les deux comédiennes jouent un double je(u) et forment une seule et unique personne interrogeant les enjeux, les intérêts de chacun, mais surtout leur moralité.
Le sel de ce film réside également dans son humour. Étrangement drôle, il offre des scènes d’humour noir frénétiques et des comiques de situation bien trouvés, Coralie Fargeat jouant sans arrêt avec le regard et la gestuelle de ses personnages pour insuffler une respiration légère à son long-métrage.
Ceci n’empêche pas de passer par un malaise et un dégoût presque jouissifs, notamment dans le dernier acte de The Subtance. Le film fonce la tête la première dans le gore et les effusions de sang afin de présenter un monstre difforme.
Le travail sur le maquillage et les costumes est d’ailleurs particulièrement saisissant, tout comme la mise en scène baignée de sang, qui flirte avec un certain Stanley Kubrick.
Car, finalement, The Substance apparaît comme un hommage à plusieurs cinéastes dont Coralie Fargeat pourrait être la digne héritière. Ces clins d’œil n’ont pas suffit à convaincre le Jury de lui remettre la Palme d’or, mais le film a tout de même remporté le prix du meilleur scénario. En dépit d’un côté pop bienvenu – on notera la musique puissante impeccablement menée – et un casting dément, le film manque, en effet, d’une certaine profondeur dans plusieurs de ses thématiques. Aseptisée, sa mise en scène semble avoir déteint sur le propos. L’expérience de The Substance n’a pas totalement pris.