À l’heure du tout numérique et du webtoon, les BD japonaises en couleurs sont de plus en plus nombreuses. Pour fêter ses 40 ans, Dragon Ball s’y met aussi, proposant une toute nouvelle édition « full color » ce 15 mai.
Jusqu’alors, les fans de mangas qui souhaitaient découvrir leurs héros favoris en couleurs devaient passer par la case anime. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles ces adaptations sont souvent plus populaires que leur matériau d’origine. Aujourd’hui, entre les anime comics, les rééditions deluxe et les œuvres nativement colorisées, la couleur s’invite de plus en plus dans les pages de nos mangas.
Mais à quel prix ? En effet, les impressions couleur font gonfler le tarif du livre et cet ajout à un format de bande dessinée conçu pour le noir et blanc peut déconcerter. C’est notamment le cas avec Dragon Ball, deuxième manga le plus vendu de l’histoire, qui revient dans une toute nouvelle édition baptisée « full color ».
Ici, les planches sont les mêmes, mais entièrement colorisées par un studio professionnel. Il est important de préciser que ce travail a été initié du vivant de l’auteur de Dragon Ball, Akira Toriyama, décédé le 1er mars dernier, et a été mené avec son accord.
Quelle est la plus-value de la couleur ?
La tradition veut que les mangas soient publiés en noir et blanc, mais c’est avant tout pour des raisons techniques. Les BD japonaises sont connues pour être publiées à un rythme soutenu et à un prix accessible pour tous. Sauter l’étape de la colorisation permet un formidable gain de temps et d’argent, mais aucune convention ne l’oblige.
Et ça, Elsa Brants l’a bien compris. L’autrice française est connue pour sa série Save me Pythie, bouclée en cinq volumes chez Kana. Pour Myrtis, sa nouvelle œuvre, elle a voulu s’amuser avec la couleur, en proposant une déclinaison en webtoon de son manga, en couleurs et sans surcoût, car uniquement disponible au format numérique.
« Si les mangas sont en noir et blanc, c’est surtout pour une question de coût, explique la mangaka. Ça permet d’avoir un tome à 8€, alors que la version couleur pourrait se vendre le double. Avec ce prix, on perdrait le lectorat visé. » D’où l’intérêt du webtoon qui, selon Elsa Brants, n’intéresse pas forcément les habitués du format papier, mais attire un nouveau public.
« Je ne pense pas que la couleur manque au manga, poursuit l’autrice. Lire un manga en noir et blanc est une habitude. On s’imagine nos propres couleurs. Ça nous rend un peu créateurs de l’univers et renforce notre lien avec l’œuvre. La déclinaison webtoon intéressera avant tout les lecteurs de ce genre. »
Les deux formats ont tendance à fusionner, avec d’un côté la publication papier des webtoons les plus populaires et, de l’autre, le nombre de mangas qui incorporent de la couleur dans leurs histoires, partiellement ou totalement. C’est le cas de Reno Lemaire dans sa série Dreamland, publiée chez Pika Éditions. Pour lui, la couleur doit être un plus, et il ne sort les feutres que pour marquer son lecteur.
« Je joue avec elle, explique-t-il. Par exemple, lors d’une scène d’affrontement, je dessine le sang en couleurs et le reste en noir et blanc. Parfois, je colorise une seule case de la planche. Pour fêter le 200ᵉ chapitre de Dreamland, j’ai tout fait en couleurs. En résumé, je ne me fixe aucune règle ! On peut faire ça en France parce qu’on a plus de temps que les Japonais. »
La colorisation de Dragon Ball est-elle une trahison ?
Envisager son manga avec de la couleur est une chose, en coloriser un qui a été publié en noir et blanc il y a 40 ans en est une autre. La « full color » est la sixième réédition de Dragon Ball, le manga le plus réédité de l’histoire en France. Et la plus-value est, pour la première fois, le fruit d’auteurs différents d’Akira Toriyama. Pour Reno Lemaire, c’est une hérésie. « Je ne lirai pas cette édition, affirme-t-il. Le manga est l’œuvre d’un seul auteur, et je ne prends que ses couleurs à lui, sinon, c’est une trahison. »
Pourtant, l’univers de Dragon Ball est sans doute le plus propice à une colorisation. Tout d’abord par le culte que représente son anime, qui joue beaucoup avec la couleur et notamment avec les différentes transformations, les « auras » de chaque personnage qui correspondent à une teinte bien précise. Il y a aussi les ennemis, souvent d’origine extraterrestre. Mais, surtout, le dessin s’y prête plus que dans les autres séries du genre.
Le style de Toriyama comporte beaucoup de traits, mais peu de trames (des motifs graphiques composés de points ou de lignes permettant de créer des effets d’ombre, de profondeur ou de matière, par exemple). De nombreux mangakas en abusent pour pallier l’absence de couleurs ; pas Toriyama. De fait, cette nouvelle édition propose une nouvelle expérience de lecture, qui ravira les fans les plus assidus de l’univers de Dragon Ball.
Cette saga n’a définitivement pas fini de faire parler d’elle, même après le décès de son auteur. Ce dernier a passé les derniers mois de sa vie à travailler sur Dragon Ball Daima, un tout nouvel anime, qui devrait faire suite à Dragon Ball Super.