La bande dessinée est un terrain de jeu fantastique pour aborder des thèmes de société modernes comme l’environnement, le développement durable ou le respect de la nature. À l’occasion de la Journée mondiale de la Terre le 22 avril, voici une sélection de BD qui propose des pistes de réflexion sur ces sujets.
L’urgence écologique est une thématique au cœur des préoccupations et la BD, comme toutes les formes d’art, propose une quantité d’ouvrages foisonnante sur la question. Mais plutôt que de s’intéresser à des albums typés reportage ou documentaire, la sélection à découvrir ci-dessous se concentre sur des œuvres de fiction (et science-fiction pour la majorité) qui traite d’écologie, sans oublier d’autres questionnements tout aussi intéressants.
| Frontier
Le récit prend place dans un univers dans lequel l’humanité s’est tournée vers l’espace après avoir épuisé les ressources de la Terre. Cette ruée vers l’or futuriste est menée par de grandes corporations et au milieu de cette exploration industrialisée, se rencontrent trois personnages : une scientifique passionnée dont le travail a été pillé, un mineur qui n’a jamais connu la planète bleue et une mercenaire qui remet sa réalité en question. Sans oublier un petit singe échappé d’un laboratoire.
Derrière sa poésie, ce space opera signé Guillaume Singelin est un album particulièrement riche. La BD confronte les points de vue, tantôt pessimiste sur l’avenir, tantôt rempli d’espoir pour l’humanité. Mêlant admiration du cosmos, critique du capitalisme (notamment de l’industrialisation spatiale) et réflexion écologique, l’auteur reste dans la nuance et offre en plus une esthétique particulièrement travaillée pleine d’originalité.
Depuis sa sortie, Frontier a fait sensation auprès du public et de la critique. Lauréat du prix Landerneau 2023, l’album édité par l’époustouflant Label 619 et Rue de Sèvres a également remporté en janvier dernier le prix Éco-Fauve RAJA. Cette distinction récompense chaque année au célèbre Festival de la BD d’Angoulême un ouvrage pour son traitement des enjeux écologiques.
| La Brute et le Divin
Dans ce roman graphique, le lecteur découvre Eva, jeune ingénieure dans une grande entreprise, qui cherche à changer de vie. Elle décroche une mission qui l’envoie sur une petite île isolée du Pacifique et s’embarque dans une nouvelle vie plus proche de la nature avec sa chienne Puce. Mais la solitude ne durera qu’un temps avant qu’une entreprise ne jette son dévolu sur l’île et ses fonds marins.
Avec cet ouvrage, Léonard Chemineau, autrefois ingénieur spécialisé de l’environnement et du développement durable, aborde de plein front ses sujets de prédilection, notamment la transition écologique. Derrière ce récit survivaliste se cache une fable écologique engagée, superbement illustrée avec une palette de couleurs chatoyantes qui rendent hommage à la beauté des fonds marins.
Paru chez Rue de Sèvres, cet album est une excellente introduction à ces thématiques pour tous les lecteurs. Fabriquée avec des papiers recyclés et des encres végétales, la bande dessinée elle-même a d’ailleurs été pensée pour s’accorder avec le propos de l’auteur.
| NeoForest
Cette BD nous plonge dans un futur post-apocalyptique où nous découvrons NeoForest, la Grande Forêt Centrale, au temps du NéoFéodalisme, société qui maîtrise la génétique mais reprend une organisation moyenâgeuse. L’histoire se concentre alors sur 3 personnages principaux : le comte Cocto au beau milieu d’un conflit politique, sa fille Blanche qui part à l’aventure dans la forêt et Paul Greem, militant opposé au comte.
Le traitement des personnages est l’une des forces du récit, qui va au-delà des 3 principaux protagonistes. L’auteur Fred Duval installe un univers très riche, foisonnant de technologie au milieu de cette nature recréée qui ne semble pas avoir livré tous ses secrets. Le style graphique de Philippe Scoffoni est très marqué, employant en grande partie différentes teintes de vert et de marron.
À travers cette nouvelle société, bon nombre de thèmes contemporains sont abordés, notamment la question environnementale. Cet album a ainsi fait partie de la sélection 2024 pour le prix Éco-Fauve, comme Frontier cité précédemment. Le tome 2 de la bande dessinée éditée par Dargaud devrait être publié cette année pour compléter l’histoire.
| Poison Ivy
Direction outre-Atlantique cette fois-ci pour une série DC Comics consacrée à l’une des ennemies emblématiques de Batman : Poison Ivy. La militante écologiste Pamela Isley de son vrai nom se lance dans une quête à travers les États-Unis : répandre une infection pour éliminer l’humanité qui détruit la planète. Mais au fil de son voyage, l’anti-héroïne multiplie les interrogations et remet en question son plan initial.
Ici Poison Ivy n’est pas qu’une simple femme fatale ou bioterroriste. La scénariste G. Willow Wilson en fait un personnage plus complexe au fil des épisodes. Sous sa plume, elle devient symbole des préoccupations contemporaines telles que l’écologie et le féminisme. De plus, l’artiste Marcio Takara offre de belles planches et retranscrit très bien les émotions des personnages.
Aux USA, le comics a connu un tel succès qu’il a été prolongé bien au-delà de sa durée initiale. Dans l’Hexagone, 3 tomes édités par Urban Comics sont pour le moment disponibles. Un excellent point de départ pour découvrir ce personnage qui n’a pas toujours eu droit à un si bon développement.
| Swamp Thing
Petit bond dans le passé pour cette sélection, toujours chez DC Comics. Car comment parler nature et comics sans évoquer Swamp Thing, ou la Créature des Marais dans sa traduction française. Créée dans les années 70, cette entité élémentaire à l’apparence monstrueuse, habitée par la mémoire d’un homme, incarne la puissance d’une nature agressée par l’être humain. La créature en devient son fervent défenseur, muée par une volonté de survivre plutôt que de se venger.
La plus célèbre série autour du personnage est à mettre à l’actif d’Alan Moore, illustre nom du comics (Watchmen, V pour Vendetta…), épaulé par de grands dessinateurs. Sur une quarantaine d’épisodes à partir de 1984, l’auteur livre une prestation mythique et se frotte à des thèmes matures pour l’époque, allant de l’écologie à la critique capitaliste en passant par l’identité ou l’amour.