Entretien

Joël Dicker : “Si la chute déçoit, vous avez loupé votre effet”

28 février 2024
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Joël Dicker : “Si la chute déçoit, vous avez loupé votre effet”
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À l’occasion de la sortie de son dernier roman, Un animal sauvage, nous avons rencontré l’auteur à succès Joël Dicker. L’occasion d’évoquer avec lui son dernier livre et son univers.

Comment vous sentez-vous alors que votre dernier roman vient de paraître ?

On n’est jamais prêt, c’est ça qui est bien. C’est un bon trac, parce que ça veut dire qu’il n’y a pas de certitudes. S’il y avait des certitudes, il n’y aurait pas d’enjeu pour moi dans l’écriture. Les auteurs, les éditeurs, les libraires : tout le monde aimerait qu’il y ait une formule magique parfaite qui permettre d’écrire un livre en étant assuré d’un succès. Mais ce n’est pas le cas. J’aime le mystère qui règne autour de ça : pourquoi un livre marche ? Comme trouve-t-il ses lecteurs ? Il y a de la magie là-dedans.

Chaque livre est-il un recommencement ?

La page blanche est un plaisir pour moi, il y a tellement de possibilités, de liberté. J’écris un peu tout le temps, donc il n’y a pas vraiment de cycle définit, de fin et de début. J’ai toujours plusieurs textes en cours, des idées que j’ai griffonnées, des personnages que j’ai commencé à dessiner. Paradoxalement, c’est pendant la tournée promotionnelle du roman précédent que se dessine le suivant. C’est une période chronophage, mais elle est bénéfique parce qu’elle permet de sortir la tête des textes ; elle agit comme un révélateur. Les idées qui restent, les personnages qui me suivent, c’est dans cette direction qu’il faut aller.

La séquence promotionnelle, la rencontre avec le public, c’est quelque chose qui vous plaît ?

C’est très touchant. Il y a le plaisir de la rencontre, mais il y a surtout des échanges. On me parle de tel ou tel détail de mon livre que je n’avais pas envisagé sous cet angle, on me conseille des lectures. Je vois des gens qui me suivent depuis des années. J’ai l’impression de grandir avec eux… Donc oui, c’est beaucoup d’émotions.

Un animal sauvage est votre septième roman. Quel regard portez-vous sur votre parcours ?

J’ai souvent une pensée affectueuse envers le jeune auteur raté que j’étais, inconnu, pas publié, refusé partout, dans la dèche et qui se demandait bien ce qu’il allait faire. Je repense aussi beaucoup à l’écrivain de 27 ans, écrasé par le succès d’Harry Québert, ou en tout cas dépassé.

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J’ai mis beaucoup de temps à me rendre compte du succès du livre. Ça a démarré lentement et, quand ça a explosé, j’étais déjà sur la route en Suisse, en France et à l’étranger pour promouvoir le roman. Aujourd’hui, quand j’y repense, c’est vertigineux. Heureusement, Harry Québert n’était pas mon premier roman. Avant lui, il y a eu quatre romans refusés et un cinquième publié. Ça m’a aidé à prendre de la distance.

Par quoi commence l’écriture d’un roman ?

C’est souvent une atmosphère, donc assez vite un lieu. En tant que lecteur, j’ai envie d’un endroit dans lequel je me sente bien, en sécurité. J’essaie de reproduire ça en tant qu’écrivain. Cela ne veut pas dire qu’il ne va rien se passer ou qu’il ne va pas se passer des choses sombres ou dures. Je pense que je tiens ça de Conan Doyle ou Agatha Christie, un penchant pour le cosy mystery.

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Des villages de la côte est où on est bien, une petite ville de vacances, un palace dans les Alpes suisses, les beaux quartiers de la banlieue de Genève… Ce n’est qu’après que les personnages surgissent et que l’action commence, sans que je sache où tout ça nous emmène.

Quelques mots sur la construction narrative de ce texte ?

Pour écrire mes romans, je dessine une trame générale sans jamais faire de plan, en me laissant guider par mon instinct. Au fur et à mesure que j’avance dans le récit, je fais des allers et retours pour densifier ce que j’ai écrit dix pages plus tôt, pour que ça corresponde à la direction dans laquelle je vais. C’est ce qui explique les nombreux sauts dans le temps d’Un animal sauvage.

J’explique au fur et à mesure, sous tous les angles, les tenants et les aboutissants de ce qui est en train de se passer. Et puis, c’est un moyen de fabriquer du rythme. En fait, j’imagine l’écriture comme une discussion avec mon lecteur : je lui raconte une histoire dont il ne connaît aucun acteur et donc je multiplie les digressions pour resituer les enjeux, les secrets.

Quelle est pour vous la clé d’une intrigue réussie ?

Toujours se demander si la découverte finale, le twist qu’on va servir au lecteur sur un plateau à la fin du récit vaut la peine. Peu importe si le suspense est réussi tout au long du livre, si la chute déçoit, vous avez loupé votre effet.

Dans Un animal sauvage, vous explorez un autre poncif du thriller. Vous ressentiez le besoin de changer de mécanique ?

Je voulais écrire une histoire de braquage justement parce qu’au fond, c’est une action assez simple : on entre, on braque, on repart. Le suspense se joue tout autour de ces quelques minutes de tension. On peut raconter beaucoup de choses, entremêler un tas d’histoires. Le braquage est un prétexte, un fil rouge auquel le lecteur se raccroche, mais le plus important se joue à côté.

On se croirait aussi parfois dans un drame conjugal !

Le couple, c’est le terrain de jeu parfait pour le romancier. Parce que c’est une source de joie et de bonheur, de tracas et de soucis, d’incompréhensions, de secrets et de mensonges. Et tout le monde peut s’identifier à ça.

Quel sens donnez-vous au titre, Un animal sauvage ?

Une invitation à s’écouter plus, à laisser éclater l’instinct primitif qu’on a tous en nous et qu’on refuse souvent de suivre ou qu’on oublie parce qu’on se soucie trop des autres.

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