Entretien

Trois questions à Léo Grasset, de DirtyBiology

20 novembre 2021
Par Sophie Benard
Trois questions à Léo Grasset, de DirtyBiology
©TDR

Léo Grasset vient de faire paraître Le Grand Bordel de l’évolution, dans lequel chaque chapitre introduit à un versant de la biologie évolutive. À l’écrit comme en vidéo, Léo Grasset reste rieur et concentré.

[Mise à jour du 24/06/2022] Léo Grasset, que nous avions interviewé à l’automne dernier, est, selon une enquête menée et publiée par Médiapart, accusé de viols et de « violences psychologiques et sexuelles » par huit femmes. Léo Grasset a contesté ces accusations le jeudi 23 juin et indiqué se tenir à la disposition de la justice.

[Article initial publié le 20/11/2021] Chacune de ses vidéos est l’occasion de se familiariser, à partir d’une interrogation étonnante, avec certaines des théories les plus pointues des sciences contemporaines. La légèreté de son ton et le sérieux de ses recherches et de son travail préparatoire en ont fait l’un des « vulgarisateurs » les plus suivis en France. Rencontre.

Qu’est-ce qu’une vulgarisation réussie ?

Alors ça, c’est la question à un million d’euros ! Il ne faut pas dire de bêtises, déjà. Je pense qu’il faut essayer de représenter le consensus et éviter d’aller dans des directions ou des théories trop iconoclastes. Ce qui importe dans la vulgarisation, je crois, c’est de montrer comment se produisent les connaissances, de faire apparaître les méthodes. On peut aussi en profiter pour faire apparaître les biais historiques et sociologiques. Sur Youtube, je suis contraint à un format plutôt court, et ça impose des choix. Pour vulgariser il faut choisir, on ne peut pas tout traiter, tout expliquer. La difficulté, c’est de n’être ni trop complexe ni trop chiant, mais de ne pas non plus rester trop en surface, auquel cas les gens se disent que ce n’est pas sérieux. Le simple fait de faire de l’humour peut donner l’impression que le travail n’est pas de bonne qualité : certains pensent que les sciences doivent à tout prix être des choses sérieuses. Moi je pense au contraire que les sciences devraient vraiment faire partie de la pop culture.

« Moi je pense que les sciences devraient vraiment faire partie de la pop culture. »

Léo Grasset

Pourquoi la biologie ?

Dans la biologie, ce qui m’intéresse, c’est le sous-texte. La biologie me permet de mieux réfléchir sur le monde, de manière générale. C’est un prétexte pour réfléchir, en fait. Avant, je parlais surtout de biologie [sur ma chaîne Youtube, ndlr], maintenant je me rends compte que si je m’entoure des bonnes personnes, si je fais correctement le travail de recherche, je peux parler de tout.

Après, si je fais de la vulgarisation sur Internet, c’est clairement que je n’ai pas pu faire autre chose : la recherche est trop mal financée, en France. Après mon master [de biologie évolutive à Montpellier, ndlr], j’ai décidé que je ne voulais pas de cette vie. Par contre, le master à été une véritable usine à questions. On ressort de la fac sans travail, certes, mais avec une curiosité nouvelle sur le monde.

Le grand Bordel de l’évolution, de Léo Grasset.©@Flammarion

Pourquoi ajouter un livre à vos vidéos Youtube ?

J’avais envie d’écrire un « vrai » essai de vulgarisation. Il y a une recherche de légitimité, c’est sûr. J’ai déjà publié une bande dessinée, La Grande aventure du sexe (Delcourt, 2017). J’ai aussi publié Le coup de la girafe (Seuil, 2015), qui est une compilation d’articles de mon ancien blog et de mes photos. Je voulais écrire un livre qui montre pourquoi la biologie évolutive c’est cool, pourquoi c’est vraiment intéressant. Et je ne voulais pas trop « angler », pour ratisser large, pour ne pas parler d’un seul sujet mais pouvoir en couvrir plusieurs. Avec un livre, je peux toucher un public encore plus large que sur Youtube, et j’aime aussi cette idée.

« Je voulais écrire un livre qui montre pourquoi la biologie évolutive c’est cool, pourquoi c’est vraiment intéressant. »

Léo Grasset

L’écriture a été un peu difficile, pour être honnête. Mon activité sur Youtube et sur les réseaux sociaux m’impose d’être présent en ligne, de poster très régulièrement. C’est difficile de dégager du temps pour un autre projet. J’ai un peu galéré, quoi. Finalement, le résultat est plus long que ce que j’aurais voulu ; je voulais vraiment un livre court, qui ne fasse pas peur. Et en même temps, il ne contient pas tout ce que je voulais y mettre. Il y a quelque chose de très frustrant dans ce genre de projets : on pourrait toujours rajouter des choses, des informations, des explications, voire en corriger. Maintenant je suis très curieux de recevoir les retours du public ; et en particulier ceux des chercheurs et chercheuses.

Le Grand Bordel de l’évolution, de Léo Grasset, Flammarion, 352 p., 20 €.

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Article rédigé par
Sophie Benard
Sophie Benard
Journaliste