Le film de Tian Xiaopeng sort au cinéma ce 21 février et suit les aventures étranges d’une jeune fille aspirée dans un royaume au fond des eaux.
Quelques années après Monkey King: Hero Is Back (2015), le réalisateur chinois Tian Xiaopeng est de retour au cinéma avec un film d’animation ambitieux, à la direction artistique sublime, mais qui manque d’impliquer le public au-delà d’un certain âge. Dans Le Royaume des Abysses, une jeune fille de 10 ans, Shenxiu, est entrainée dans les profondeurs maritimes et découvre un monde étrange. Elle fait la rencontre du Capitaine Nanhe et tous deux se lancent dans une grande aventure périlleuse.
Le Royaume des Abysses utilise le concept de l’appel à l’aventure et la découverte d’un monde onirique pour développer son propos. Le thème est classique, mais le voyage est surprenant, alliant différentes mythologies à un folklore singulier, tout en développant la relation entre deux laissés pour compte : Shenxiu et Nanhe.
Les plus aguerris le remarqueront aisément : derrière sa direction artistique colorée, Le Royaume des Abysses est métaphorique et utilise ses personnages et son intrigue pour traiter plus ou moins franchement du deuil, de la perte et de la reconstruction.
Une utilisation classique des codes, qui ne réinvente pas le genre mais parvient à se construire sur la multitude de détails visuels que le film propose. L’animation est belle, ne s’empêche aucune extravagance et va en plein dans l’étrange, le kaléidoscope de couleur et le psychédélique, pour enrichir une direction artistique qui ne cesse de se renouveler.
Chihiro au pays des merveilles
Par de nombreux aspects, le film s’inspire d’Alice au Pays des Merveilles (1951), du Voyage de Chihiro (2001) et même du jeu vidéo Little Nightmares (2017), en propulsant son personnage principal dans un lieu aussi intriguant qu’inquiétant. Hors Shenxi, les personnages de ce royaume sont dans leur propre bulle, avec leur propre obsession et la succession de poissons humanisés cherchant à tout manger fait froid dans le dos. L’ambiance anxiogène qui émane du film est constante.
Bien que le long-métrage soit chinois, l’héritage du studio Ghibli se fait ressentir, sans que la même minutie en émane dans l’écriture. C’est la limite du Royaume des Abysses : son écriture attendue et ses personnages superficiels.
Malgré son écrin original, le film ne parvient pas à développer suffisamment ses deux héros pour qu’un lien s’installe avec le public. Ils sont tantôt insipides, tantôt prévisibles et seule une émotion tardive permet in fine de s’y raccrocher.
La caractérisation des deux protagonistes tombe dans les travers du cinéma chinois. Trop exubérant, trop bruyant, loin des finesses d’écriture et de développement du cinéma d’animation japonais.
Le dénouement permet toutefois d’offrir un spectre d’émotion plus large. La portée symbolique et onirique du film prend tout son sens et donne enfin cœur aux deux héros tragiques, dans une conclusion simple et touchante.
Finalement, Le Royaume des Abysses fonctionne aussi dans l’intime, et il est curieux de constater que l’entre deux ne marche pas : il faut soit de la grandeur et du spectacle, soit de l’infime et de l’émotion.
Le Royaume des Abysses est un film d’animation familial. Sans avoir la grâce des grands films du genre, il peut compter sur sa direction artistique pour émerveiller, malgré les limites de son écriture.
Le Royaume des Abysses de Tian Xiaopeng, 1h52, au cinéma le 21 février 2024.