Critique

J’ai enfin pris le temps de voir Le Nom de la rose

21 février 2024
Par Robin Negre
Sean Connery et Christian Slater dans “Le Nom de la rose”.
Sean Connery et Christian Slater dans “Le Nom de la rose”. ©Films Ariane

À l’occasion de sa ressortie en salle le 21 février 2024, L’Éclaireur s’intéresse au chef-d’œuvre de Jean-Jacques Annaud.

Avant même de découvrir Le Nom de la rose (1986), je visualise bien, plus jeune, l’image de Sean Connery dans son habit de moine, son regard vif et son sourire en coin, me demandant dans quelle aventure James Bond allait désormais se lancer.

Quelque temps après, toujours jeune, je découvre en réalité le film de Jean-Jacques Annaud, sans bien en comprendre sa portée, mais indéniablement marqué par ses scènes les plus fortes – qu’elles soient sulfureuses ou angoissantes – et par une ambiance générale pesante. Des années plus tard, l’évidence s’impose : il est temps de réellement découvrir Le Nom de la rose et de comprendre pourquoi c’est, effectivement, un chef-d’œuvre.

L’enquête commence…©Films Ariane

Le Nom de la rose adapte le livre d’Umberto Eco publié en 1980 et suit l’investigation menée par Guillaume de Baskerville dans une abbaye bénédictine du nord de l’Italie en 1327, alors que plusieurs décès sèment le trouble au sein de la petite communauté.

Sean Connery incarne le personnage principal, accompagné du jeune apprenti interprété par Christian Slater, narrateur du film. Dès les premières minutes, la reconstitution historique de cette abbaye isolée en pleine campagne parvient à créer toute une ambiance anxiogène. Aucun salut à cette époque, l’obscurantisme règne en maître et toute tentative de curiosité est vite réprimandée.

Un thriller intemporel

Seul espoir au sein de ce monde plongé dans les ténèbres : Sean Connery, mélange habile de James Bond et Sherlock Holmes, doté d’une intelligence et d’une logique implacables lui permettant d’exister au-dessus de la superstition et des autres membres du lieu. L’enquête débute instantanément et, même des décennies après sa sortie, je suis surpris de constater à quel point Le Nom de la rose garde une rythmique et une narration modernes.

Avec sa cadence menant les protagonistes de découverte en découverte, le film parvient à la fois à faire exister ses personnages tout en développant cet aspect de thriller intriguant. Un meurtre, deux meurtres et la sensation de voir Sean Connery – encore – comprendre la situation avant le reste des personnages, mais également avant moi. Tel un professeur enseignant à une classe, l’acteur déclame les vérités et les déductions, armé de son accent reconnaissable, de son charisme intemporel et de sa bienveillance caractéristique.

Les rencontres sont étranges.©Films Ariane

Si Le Nom de la rose a bien une qualité prédominante, c’est l’interprétation de Sean Connery ! Toutefois, Jean-Jacques Annaud ne se repose pas seulement sur la prestance de sa star principale. Avec une virtuosité technique impressionnante, il donne cœur et vie à son film grâce à une mise en scène minutieuse, utilisant les spécificités du lieu pour enrichir son propos.

Le long-métrage est la plupart du temps glaçant, anxiogène et même effrayant. Le réalisateur ne s’en cache pas : les acteurs jouaient dans le froid, pour rendre la vie de l’époque le plus authentique possible. Les pierres grises, la neige, la buée sortant des bouches… Tout le film crie l’austérité du Moyen-Âge. Les visages sont marqués, les corps affamés, et seule la peur d’une présence supérieure dicte les actions.

L’effroi de la période

Par de nombreux aspects, je découvre dans Le Nom de la rose une représentation de la foi de l’époque que je n’avais absolument pas saisie lors de ma première découverte. L’Église se déchire, tente d’imposer son influence et, dans un dernier acte saisissant, l’Inquisition fait son entrée. La cruauté de la période en devient insoutenable.

Après le thriller, Le Nom de la rose devient un film de procès et montre le seul verdict possible : coupable par aveux, ou coupable par aveux obtenus sous la torture. L’incroyable F. Murray Abraham s’érige comme antagoniste principal de Sean Connery et plusieurs intrigues liées à l’arc principal coexistent. La richesse du Nom de la rose ne cesse de m’impressionner, tant son réalisateur arrive à passer d’une intrigue à l’autre sans jamais dénaturer son film.

L’horreur du Moyen-Âge.©Films Ariane

Thriller, film de procès, mais aussi romance et buddy movie, Le Nom de la rose touche plusieurs genres et les utilise brillamment selon les scènes. Oui, certaines sont sulfureuses et continuent d’impacter des années après, mais les plus marquantes sont parfois les plus simples : les silhouettes qui marchent dans la pénombre, les personnages qui évoluent au sein d’un labyrinthe de pierres, le regard qui s’illumine (encore) de Sean Connery quand il trouve une solution. Par sa subtilité, Le Nom de la rose convoque à la fois l’intime et le grandiose.

Certains plans montrent à quel point la situation est presque dérisoire : un groupe de fanatiques prêt à bruler un coupable désigné, qui tente d’exister malgré le silence et l’obscurité étouffante du lieu et de l’heure. Le Nom de la rose révèle la condition humaine de l’époque : des hommes et des femmes apeurés, dans un monde bien trop grand et dangereux pour eux, qui trouvent pour seule raison d’exister le conflit et la violence.

Un duo de cinéma mythique.©Films Ariane

Derrière l’intrigue ludique, le film est d’une grande profondeur. Aucune surprise, dès lors, de voir à quel point j’étais passé à côté du propos la première fois que je l’ai découvert. En terminant ce visionnage, une pensée m’assaille : et si Le Nom de la rose ne m’avait pas encore révélé tous ses secrets ?

Tel Guillaume de Baskerville qui découvre mystère après mystère – jusqu’à un dénouement des plus intelligents –, peut-être que le film de Jean-Jacques Annaud nécessite d’y revenir, à nouveau, dans quelques années et de constater comment l’âge m’offre de nouvelles pistes de lecture ?

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Replonger dans ce climat d’obscurantisme ne sera pas chose aisée. Entre la violence des hommes et de l’époque, il n’y a pas beaucoup de répit ou de lumière dans Le Nom de la rose, et c’est aussi pour cela que c’est un grand film.

Malgré tout, je sais que si d’aventure je décidais d’y replonger, je ne serais pas seul : Sean Connery répond toujours à l’appel et la malice de son regard semble murmurer une seule chose : « Tout va bien se passer. »

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