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Nathan Devers : homme de l’être

14 février 2024
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Nathan Devers : homme de l’être
©Patrice Lenormand

Finaliste du prix Goncourt, philosophe établi, chroniqueur télé à succès, tout ça à 25 ans : portrait d’un intellectuel surdoué.

Après Alexandre Jardin, Fatou Diome et surtout Diana Filippova, autrice du sublime De l’inconvénient d’être russe, c’est au tour du philosophe et romancier Nathan Devers de se confier à livre ouvert dans la précieuse collection « Itinéraire » d’Albin Michel. Penser contre soi-même est le récit intime et touchant d’un moment de bascule intellectuelle radicale, de ceux qui bouleversent à tout jamais une vie.

Après une enfance guidée par un judaïsme zélé, Nathan Devers se destinait à être rabbin. Mais, au lycée, il a brutalement cessé de croire. Une révélation inversée, provoquée par une rencontre avec la philosophie, la littérature et par un désir furieux de se questionner plutôt que de savoir. Aux certitudes de la transcendance, le petit protégé de BHL a préféré le doute philosophique et les errances magnifiques du roman. Grand bien lui a pris : à 25 ans, il est déjà un intellectuel établi.

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Itinéraire d’un surdoué

Dans un récit autobiographique qui donne du grain à moudre, il revient sur son enfance et raconte avec beaucoup d’humour et d’autodérision une adolescence entièrement tournée vers la religion juive, jusqu’à l’obsession. Les heures passées à la fameuse synagogue de la rue Ancelle, à Neuilly, à se passionner pour la Torah ; le Nouvel An juif dans sa famille qui se métamorphosait pour l’occasion ; son lycée, « cocon de feujs » et « royaume de la darka géante »… S’il n’épargne pas sa communauté, il peint un hommage émouvant à cet environnement privilégié qui lui a permis de s’épanouir intellectuellement. Car, dans un jeu de miroir troublant, se dévoile une autre part de lui-même. « Je » est un autre, disait Rimbaud. Nathan lui aussi a changé de nom. Né Naccache le 8 décembre 1997, il est devenu Nathan Devers. « De vers comme notre condition. Depuis l’absence et vers elle », écrit-il dans Penser contre soi-même.

Sa découverte de la lecture et de l’écriture a fait l’effet d’une bombe dans un monde de vérité indéboulonnable. La fiction a répandu son charmant poison. Se plonger entièrement dans des histoires. En recréer d’autres face à la page blanche. L’idée lui plaît. La philosophie aussi fait irruption dans sa vie. Plutôt que d’avancer des réponses, elle pose des questions. À la certitude, elle préfère la contradiction. Ce sera donc une classe préparatoire hypokhâgne, la voie royale des amoureux des lettres. Mais Nathan Devers n’a pas le temps, il veut brûler les étapes.

Au sortir d’une représentation de la pièce Hôtel Europe avec Jacques Weber, il prend la plume pour écrire au metteur en scène qu’il admire, Bernard-Henri Lévy. Les deux hommes se rencontrent, s’apprécient et le philosophe le prend sous son aile. En 2018, il le place même à la tête de sa revue, La Règle du jeu. Il a à peine 21 ans. Dans le milieu littéraire, moqueur et cruel, on le surnomme « Bébé-HL ».

Course à la légitimité

Des commérages qui sont loin de déstabiliser le prodige, sûr de sa force. L’année suivante, il publie son premier essai, Généalogie de la religion, un ouvrage impressionnant de maturité dans lequel il se propose de « relire la Bible à travers elle et contre elle » – toujours cette confrontation entre philosophie et religion.

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Un premier roman suit l’année suivante, Ciel et Terre, qui reçoit un accueil beaucoup plus timide. Difficile dans le paysage intellectuel français fait d’étiquettes, d’être un jeune écrivain protéiforme qui se pique à la fois de réflexion et de fiction.

Il faut dire qu’on ne sait plus où donner de la tête avec le trublion littéraire. Mieux que quiconque aujourd’hui, il incarne la posture de l’intellectuel à l’ancienne qui aime le débat et la confrontation avec des pensées qu’il réfute. Preuve de sa maîtrise épatante de l’art périlleux du contrepied, sa présence régulière sur CNews depuis 2021. Caution jeune, premier de la classe, modéré, de l’émission polémique L’Heure des pros, talk-show droitisé à l’extrême animé par l’ancien journaliste sportif reconverti en analyste politique Pasacal Praud. Il réussit le pari de donner de la hauteur à une émission souvent basse du front. Une noble mission qui fournit toutefois à ses détracteurs quelques belles munitions.

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Comme un joli pied de nez, c’est finalement la publication d’un second roman qui va achever d’offrir à Nathan Devers sa légitimité dans le milieu littéraire et intellectuel. Finaliste du prix Goncourt, en lice pour le Goncourt des lycéens, Les Liens artificiels remporte un large succès lors de la rentrée littéraire 2022. Roman balzacien à souhait, le livre raconte la descente aux enfers d’un jeune homme aux illusions perdues, Julien Libérat, un musicien raté qui vit cloitré dans son studio de Rungis et subsiste chichement grâce à une série de petits boulots. Il ne croit plus en rien et se laisse lentement décrépir. Puis, un jour, il découvre l’existence de Heaven, un monde parallèle conçu par un génie du métavers – un refuge. Un refuge qu’il ne souhaite plus quitter, jusqu’à nier sa propre identité, jusqu’à fuir totalement la réalité. Porté par un humour noir corrosif, par un habile sens de la narration et par une réflexion troublante sur l’avènement des mondes virtuels, Les Liens artificiels est la preuve éclatante des multiples talents de Nathan Devers.

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