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L’Homme le plus flippé du monde : l’anxiété sans complexe

07 février 2024
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L'Homme le plus flippé du monde.
L'Homme le plus flippé du monde. ©Théo Grosjean/Delcourt

À l’occasion de la sortie du tome 3 de L’Homme le plus flippé du monde, Théo Grosjean revient sur la genèse de sa série autobiographique à succès. Avec autodérision et tendresse, l’auteur libère la parole sur un mal-être psychique universel : l’anxiété.

Qui ne s’est pas déjà laissé emporter par ses angoisses, même les plus irrationnelles ? Dans sa série L’Homme le plus flippé du monde, Théo Grosjean lève le voile sur son quotidien d’anxieux : les longs silences dans une conversation, les voyages en covoiturage avec un conducteur inconnu ou un simple coup de fil pour prendre rendez-vous chez le médecin… Impossible de ne pas s’y reconnaître. Le dessinateur se raconte sans complexe et fait sauter les derniers boulons qui verrouillent la parole autour de la santé mentale.

Des réseaux sociaux à la BD, en passant par la série animée

En 2018, Théo Grosjean publie le premier épisode de L’Homme le plus flippé du monde sur son compte Instagram. « J’avais envie de créer un rendez-vous quotidien sur les réseaux sociaux pour ce personnage que j’ai imaginé comme mon alter ego, se remémore l’auteur. C’est au moment où Instagram a permis, grâce à une mise à jour, d’avoir plusieurs photos qui se suivent, que j’ai sauté le pas. »

L’Homme le plus flippé du monde©Théo Grosjean/Delcourt

Inspiré par le format des strips autobiographiques, déjà très populaires aux États-Unis à cette époque, l’auteur met en scène ses troubles anxieux dans des pastilles dessinées. « Ma principale inspiration, je ne l’ai pas puisée dans des BD, mais plutôt sur des forums comme Reddit. Pour parler d’anxiété, les gens utilisent des GIF ou des mèmes. Le fait d’en rire a été libérateur ! », confie-t-il. Un pur produit de la culture internet, en somme. D’ailleurs, cela se retrouve dans son lectorat : de 18 à 35 ans, des millennials à la génération Z, l’auteur touche avant tout cette jeunesse bercée par Internet.

Aujourd’hui, Théo Grosjean cumule plus de 208 000 abonnés sur Instagram. Ce succès a conduit à l’adaptation, quasi immédiate, de L’Homme le plus flippé du monde en bande dessinée – chaque tome publié par Delcourt s’est écoulé à plus de 31 000 exemplaires. Puis, en 2022 vient la série d’animation Flippé, diffusée sur Canal+.

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« Pendant le confinement en 2020, je reçois un appel : c’était Kyan Khojandi. Comment a-t-il eu mon numéro ? Aucune idée ! C’était surprenant d’avoir la voix de Bref [série créée et interprétée par le comédien de 2011 à 2012, ndlr] au téléphone. Il connaissait mon travail et voulait l’adapter en série d’animation. Il m’a donné beaucoup de liberté sur le projet. Lui aussi s’est énormément investi et a incarné la voix de mon personnage », se souvient l’auteur.

La BD qui met fin au tabou de l’anxiété

Si le succès est au rendez-vous, c’est que Théo Grosjean met le doigt sur un non-dit. Avec L’Homme le plus flippé du monde, l’auteur révèle ses propres troubles anxieux et invite les autres à parler des leurs. « Cette bande dessinée apporte un éclairage ludique, poétique et humoristique sur des problématiques partagées par beaucoup », observe Emma Scali, psychanalyste et autrice de Séries sur le divan – Histoires et personnages en thérapie, qui a découvert la série par ses patients. En France, 95 % de la population âgée de 18 ans et plus déclarent avoir au moins une grande source de stress ou d’anxiété (source : Ifop, 2022). Alors pourquoi un tel silence ?

Grâce au dessin, Théo Grosjean digère son propre vécu. « C’est le concept de la sublimation théorisé par Freud : transformer ses souffrances, ses douleurs, en une chose tangible qui libère l’auteur, mais libère également les autres. »

En tournant en dérision ses tourments, le dessinateur raconte avec humour et tendresse ses phobies quotidiennes. « Tout le monde, à un moment donné, se pose ces questions. Des broutilles a priori, mais qui sur l’instant vont prendre de grandes proportions. C’est typique de la problématique anxieuse : se focaliser sur des petites choses, puis les monter en épingle », analyse Emma Scali.

En passant par des médias accessibles, que ce soit Instagram, la bande dessinée ou la série d’animation, L’Homme le plus flippé du monde brise le silence et rend ces problématiques audibles pour le plus grand nombre. Pour les jeunes, lectorat majoritaire de Théo Grosjean, cela revient à rompre avec les générations passées qui minimisaient leurs propres souffrances et les difficultés psychiques. « Aujourd’hui, on est sorti du déni ! se réjouit la psychanalyste. Au lieu d’en faire des handicaps, le dialogue transforme la personne. Elle se réapproprie ses failles et en fait une force. »

C’est d’ailleurs le moteur de Théo Grosjean : « J’ai toujours utilisé le dessin dans un but de me détendre et d’extérioriser. Dans ma nouvelle série sur le thème de la famille, prépubliée sur Instagram depuis le 6 janvier 2024, je raconte que lorsque j’étais petit je me sentais souvent très mal à l’aise vis-à-vis de certains événements survenus dans ma famille. J’avais alors un instinct qui me poussait à dessiner. »

Cet élan a propulsé Théo Grosjean sur le devant des rayons BD. Grâce à lui, dans le monde de la santé mentale, il y aura, indéniablement, un avant et un après L’Homme le plus flippé du monde.

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