Notre sélection de jeunes auteurs et autrices à suivre de près. Des nouveaux venus dans le monde impitoyable de la littérature, qui relèvent haut la main le défi du premier roman. Focus sur cinq livres qui méritent toute votre attention.
| Du même bois, de Marion Fayolle
On adorait déjà l’illustratrice et autrice de bandes dessinées – on citera entre autres La Tendresse des pierres (2013) ou Les Amours suspendues (2017) –, on est aujourd’hui sous le charme de la romancière. Marion Fayolle réussit une entrée remarquée dans la « Blanche » de Gallimard.
Roman social, récit intime, long poème en prose : Du même bois est une ode mélancolique à un lieu perdu et à un temps révolu. L’écrivaine se remémore la ferme familiale en Ardèche, raconte cette ruralité belle, mais rude, où les différentes générations cohabitent, où le quotidien s’articule autour des bêtes, où le silence règne et les blessures se dissimulent. Avec un verbe rempli d’images qu’on aimerait voir dessinées, elle s’interroge sur ce que faire famille signifie et interroge le poids du souvenir dans la transmission.
| La Descente à la plage, d’Alexis de Moulliac
C’est l’histoire d’un homme qui a soif. Sur une petite île écrasée par le soleil au large de la Sicile, au lendemain d’une fête endiablée dont l’été a le secret, Dario se lève avec la gorge désespérément sèche. Toutes les bouteilles de sa chambre sont vides, alors il s’élance au-dehors. En compagnie de Virgilio, un enfant étrange qui connaît les lieux par cœur et semble deviner à l’avance ses moindres décisions, le héros misanthrope et solitaire s’embarque dans un absurde chemin de croix.
Il se rend d’épicerie en échoppe, de café en bar d’hôtel, sans jamais pouvoir étancher sa soif. Sans qu’on en comprenne la raison, l’eau a disparu de l’île. Aux côtés d’une galerie de personnages hauts en couleur, Dario va tenter d’élucider le mystère au risque de comprendre qu’il a en fait atterri en Enfer. Alexis de Moulliac déploie un récit habile qui allie onirisme, poésie et suspense haletant. Une tragédie grecque dans laquelle l’homme doit faire face à son destin.
| Créatine, de Victor Malzac
À seulement 27 ans, l’écrivain agrégé de lettres Victor Malzac, auteur de trois recueils de poésie, nous offre l’un des romans les plus audacieux de cette rentrée d’hiver. Sous la forme d’un monologue déroutant, furieux, porté par une langue oralisée à l’extrême, il façonne un personnage truculent, un fan de Schwarzy, obsédé par le culte du corps, un « mascu » qui s’enfonce dans ses diatribes virilistes et nous raconte son adolescence triste et embrigadée.
Sa solitude, son rapport vicié aux filles, cette périphérie ennuyeuse qui le voit grandir, et puis la découverte au cinéma de Conan le Barbare qui lui donne un but : être un gros balèze pour plaire aux filles et conquérir le monde. Un texte drôle et féroce qui pointe du doigt les injonctions cruelles faites aux garçons pour devenir des hommes.
| Le Roi est nu, de Mathieu Falcone
Un simple coup d’œil à la couverture du premier roman de Matthieu Falcone et vous savez que vous avez affaire à une satire féroce. Avec impertinence et humour, l’auteur se frotte à l’exercice périlleux de la politique-fiction et imagine une élection présidentielle de 2027 qui prend une bien étrange tournure. Quelques mois avant d’inviter les Français à se rendre aux urnes, Michel, le Président en place, décide de restaurer la monarchie et de devenir Michel Ier.
L’homme providentiel devenu roi des Français pour sauver un pays à la dérive. Avec talent, Matthieu Falcone se mue en caricaturiste d’un monde politique qui a perdu la tête, il moque le militantisme, s’effare du pouvoir des réseaux sociaux. Un petit théâtre du pouvoir drôle et absurde. Toute ressemblance avec des faits et des personnages existants serait purement fortuite.
| Cinq Petites Tristesses, de Léontine Behaeghel
À seulement 25 ans, la journaliste Léontine Behaeghel apporte sa contribution à une bouleversante littérature de l’emprise qui s’étoffe au fur et à mesure que la parole se libère. À travers le personnage de Léonie, elle raconte avec une honnêteté et une lucidité sidérantes la relation qu’elle a entretenue à 19 ans avec son parrain de 62 ans.
Elle retrace la lente descente aux enfers d’une jeune fille prise au piège de ce qu’elle croit être de l’amour, qui se coupe du monde et de ses proches. Elle dissèque les mécaniques malsaines sur lesquelles repose cet ascendant subtil, mais redoutable. Elle célèbre surtout l’écriture et la littérature comme arme d’émancipation pour se libérer une bonne fois pour toutes du joug du monstre.