À l’occasion du lancement de la nouvelle édition du FIBD, L’Éclaireur s’intéresse à un des albums en sélection officielle, La véritable histoire de Saint-Nicolas, une proposition artistique (trop) franche.
La bande dessinée a toujours été un réceptacle à l’innovation et l’expérimentation à travers l’art et le Festival d’Angoulême a toujours fait en sorte de mettre en avant différentes propositions. Sortir des conventions et des constructions classiques pour amener le propos plus loin et différemment fait partie des missions du neuvième art. La véritable histoire de Saint Nicolas (Frémok), de Thierry Van Hasselt, — auteur de Vivre à Frandisco (Frémok) — illustre bien l’idée avec une œuvre conceptuelle, à l’allure de conte, qui ne s’épargne pas certains travers pour autant.
Cet album raconte à sa façon l’errance de Saint-Nicolas dans un monde totalitaire et répressif en pleine pandémie de Covid. L’œuvre ne contient quasiment aucun dialogue pour être une succession de planches illustrées silencieuses. Plusieurs personnages font face à l’intolérance d’un monde capitaliste — surtout les enfants — et Saint-Nicolas compte bien les protéger, les chérir et aussi, se venger des puissants.
Impliquer le lecteur
De prime abord, La véritable histoire de Saint-Nicolas a quelque chose de fascinant. Sans texte, le lecteur devient actif dans sa découverte et utilise la représentation pour illustrer les échanges et les relations.
Mais toute la construction de Thierry Van Hasselt est également suffisamment limpide pour comprendre la portée des enjeux et le message que l’auteur cherche à faire passer : le monde est corrompu et les chefs d’États mangent des enfants. L’album est profondément politique. Dans une scène représentant de véritables hommes et femmes politiques, Saint-Nicolas fait face avec horreur et dégoût à la violence du monde, avant d’exercer de terribles représailles et d’amener les enfants vers un monde plus juste.
Si par certains aspects l’album est criant de vérité, l’ensemble peut paraître trop caricatural et repoussant pour véritablement convaincre. Au fur et à mesure des pages, le jusqu’au-boutisme plaisant du début tombe dans une certaine absurdité qui dessert le propos, malgré les bonnes idées et un trait souvent élégant.
Le Festival d’Angoulême a toujours eu pour vocation de mettre en avant des styles très différents et des propos assumés. La véritable histoire de Saint-Nicolas, en prenant une figure mythique connue pour la transformer dans un monde moderne, correspond parfaitement à l’idée et bénéficie d’une implication artistique totale de la part de son auteur. Trop parfois, puisqu’il se perd légèrement en cours de route en pensant que seule la subversion et la dénonciation suffisent, au détriment d’une simple émotion qui a du mal à naitre.
La véritable histoire de Saint-Nicolas de Thierry Van Hasselt, aux éditions Fremok, 160p., depuis le 28 septembre 2023 en librairies.