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Espagne : un tribunal reconnaît le traumatisme d’un modérateur de contenu comme « maladie professionnelle »

23 janvier 2024
Par Kesso Diallo
Pour le juge, les fonctions exercées par cet employé étaient « le déclencheur unique, exclusif et incontestable » de ses problèmes psychologiques.
Pour le juge, les fonctions exercées par cet employé étaient « le déclencheur unique, exclusif et incontestable » de ses problèmes psychologiques. ©mundissima / Shutterstock

Un juge a statué que les problèmes de santé mentale d’un modérateur sont le résultat de son travail de surveillance de contenus violents pour Meta.

Suicide, automutilation, contenus pédopornographiques…, les modérateurs sont confrontés à de nombreux contenus choquants sur les réseaux sociaux. Ils passent des heures à les visionner pour éviter que les utilisateurs ne les voient, nuisant à leur propre santé mentale. En Espagne, un juge vient de statuer que leurs troubles psychologiques doivent être considérés comme une « maladie professionnelle », rapporte l’AFP. 

Crises d’angoisse, cauchemars, peur panique…

Le juge a rendu son verdict dans le cadre d’une affaire impliquant un sous-traitant de Meta, la société mère de Facebook. Révélée par le quotidien catalan La Vanguardia, elle concerne un Brésilien de 26 ans ayant commencé à travailler en septembre 2018 pour CCC Barcelona Digital Services, une entreprise appartenant au canadien Telus International et chargée de modérer des contenus sur Facebook et Instagram. 

Le rôle de ce modérateur était d’examiner des contenus extrêmement violents (torture, décapitation de civils, suicide, automutilation). Une tâche qui l’a conduit à un arrêt de travail huit mois après son embauche, à cause de graves troubles. Citant des rapports médicaux, le jugement publié la semaine dernière mentionne des crises d’angoisse, des cauchemars, des problèmes de sommeil et une peur panique. Le jeune Brésilien, qui ne travaille plus pour Meta, est toujours suivi psychologiquement. 

Procédure et plainte contre Meta

Pour le juge, les fonctions exercées par cet employé étaient « le déclencheur unique, exclusif et incontestable » de ses problèmes psychologiques. Il a ainsi suivi l’analyse de l’inspection du travail espagnole, qui avait publié un rapport accablant en mai 2022 et infligé une amende à CCC pour son inaction « alors qu’elle était consciente des problèmes psychologiques de ses travailleurs ».

C’est la première fois qu’un tribunal espagnol reconnaît que les problèmes de santé mentale d’un modérateur sont le résultat de son travail de surveillance de contenus violents, d’après les avocats de l’employé à l’origine de la procédure. À celle-ci s’ajoute une plainte pénale « contre CCC et Facebook Espagne » en raison des graves infractions citées dans le rapport et du préjudice subi par les employés. Elle a été déposée fin octobre par Fransesc Feliu, avocat de l’ancien modérateur. 

Le groupe Telus International a, lui, exprimé sa déception suite à la décision de la justice espagnole, assurant que le « bien-être » de ses salariés était sa priorité. Il prévoit de faire appel. La loi espagnole « stipule clairement que pour que ce type de maladies soient considérées comme des maladies professionnelles, elles doivent résulter exclusivement […] de ce travail », a déclaré l’entreprise, considérant que ce n’était pas le cas dans cette affaire.

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Article rédigé par
Kesso Diallo
Kesso Diallo
Journaliste