Tout au long de la semaine L’Éclaireur est au Festival de l’Alpe d’Huez pour vous partager ses temps forts. Rencontres, comédies et raclettes, on vous raconte tout.
Jour 3 de l’Alpe d’Huez, et L’Éclaireur ne compte plus le nombre de raclettes ou de fondues ingurgitées depuis le début de la semaine. Programme tout aussi riche que ces plats : la sélection de ce mercredi 17 janvier qui a débuté avec la projection de Comme un Prince. Porté par Ahmed Sylla et Mallory Wanecque, il s’agit du premier long-métrage d’Ali Marhyar.
Figure de proue de la série Family Business, le cinéaste filme ici l’histoire d’un champion de boxe, Souleyman, qui après une bagarre dans une boîte de nuit, voit ses chances de participer aux Jeux anéanties. Obligé d’effectuer des travaux d’intérêts généraux, il est envoyé à Chambord. D’abord insensible au lieu, Souleyman finit par s’intéresser au château, à ceux qui y travaillent, et notamment à Eddy, la responsable événementiel, qui va l’embarquer dans un autre univers. Mais sa rencontre avec Mélissa, une jeune adolescente au talent exceptionnel pour la boxe, va remettre en question ses projets.
Avec ce premier film, Ali Marhyar offre une comédie dramatique placée sous le signe de la seconde chance. Ahmed Sylla s’offre ici un rôle à contre-emploi, plus profond que ses précédents comédies, tandis que Mallory Wanecque dévoile une capacité de jeu aussi brute que puissante. Comme un Prince peut également compter sur une galaxie de personnages secondaire amusants. Pour l’occasion, le réalisateur a rappelé ses compatriotes de Family Business, Igor Gotesman, Jonathan Cohen, mais aussi Julia Piaton.
Tous, dans leur registre, apportent un souffle nouveau à cette comédie dramatique, et permet de mélanger les univers entre absurdité, romance, mais aussi un discours parfois social sur l’abandon et la famille. Présenté hors compétition à l’Alpe d’Huez, le film est actuellement projeté dans les salles obscures françaises.
Objectif BAC !
Mais Comme un Prince n’est pas la seule comédie dramatique que nous avons pu découvrir ce mercredi. On pense aussi, bien évidemment, à Ma part de Gaulois de Malik Chibane. Adapté de l’auto-fiction de Magyd Cherfi (Zebda), le long-métrage filme les conséquences de l‘indépendance algérienne sur une famille d’immigrés installée en France dans les années 1970. On suit plus particulièrement Mourad (Abdallah Charki), et sa mère (Adila Bendimerad), obsédée à l’idée que son fils décroche le bac.
Coups de pression et tricheries, la matriarche de la famille est prête à tout pour que son fils intègre le cursus général. Or, quand Mourad rencontre de nouveaux amis qui lui font découvrir la musique au moment où se dessine l’ombre de Mitterand sur les élections de 1981, l’adolescent est tenté de se détourner du sacro-saint baccalauréat au grand dam de sa mère.
Touchant, le long-métrage peut compter sur son duo d’acteurs, drôle dans ses excès et ses obsessions, mais aussi très inspirant de part cette soif de liberté à laquelle Mourad aspire. Malik Chibane dresse le portrait personnel – et pour cause le film est inspiré d’une auto fiction – du lien, souvent intangible, mais puissant, d’un fils avec sa mère.
Cependant, à travers leur trajectoire, les deux personnages ont une résonance plus forte et font écho aux destins de nombreux algériens en quête de repères et de reconnaissance dans la France des années 1970. Ma part de Gaulois prend ainsi une dimension sociale, et politique, malgré des moments plus légers. Le mélange des genres, entre drame et comédie, constitue d’ailleurs le sel de la mise en scène, quant à elle immersive, inventive, et fluide.
À ce propos, L’Éclaireur a pu s’entretenir avec les deux acteurs principaux de Ma part de Gaulois. L’interview sera à retrouver prochainement sur notre site.
Une anthologie autour de l’argent
La compétition continue avec la découverte d’un nouveau long-métrage, second film de la journée : Heureux Gagnants, de Maxime Govare et Romain Choay, à qui l’on doit Les Crevettes Pailletées (2019). Le film est construit sous forme d’anthologie, ou, autrement dit, via plusieurs histoires indépendantes qui se succèdent pour créer un tout cohérent, lié par une thématique similaire et un postulat commun : remporter plusieurs millions d’euros à la loterie. Heureux Gagnants a ainsi les qualités et les inconvénients du film à sketchs : d’un côté, l’ensemble est très rythmé et permet de découvrir une galerie de personnages, de l’autre, le film peut parfois manquer d’unité ou perdre en investissement émotionnel vis-à-vis des personnages.
Heureusement, les réalisateurs arrivent à développer leur propos sans se restreindre et livrent avant tout une comédie noire savoureuse, qui utilise une situation d’apparence idyllique pour confirmer que non, l’argent ne fait pas vraiment le bonheur.
Heureux gagnants dispose ainsi de quatre histoires traitant du même sujet et convoquant différents sous-genres, entre le film de casse, la romance, le thriller, ou le fantastique. À chaque fois, la situation dégénère et vient alimenter une paranoïa ou une jalousie autour de l’argent. Fabrice Eboué et Audrey Lamy incarnent un couple à la dérive, Pauline Clément une rêveuse idéaliste face au charmant Victor Meutelet — que nous avons eu l’opportunité de rencontrer — alors qu’Anouk Grinberg, entre autre, se glisse dans la peau d’une infirmière honnête qui ne veut pas se laisser tenter par le gain. Chaque histoire a une base similaire : des personnages au destin plus ou moins heureux découvrent qu’ils viennent de remporter une somme astronomique et doivent gérer ce nouveau statut financier et social. Parfois, la quête du gain passe par une pure illégalité ou par de l’opportunisme, posant déjà les bases de la décadence à venir.
Mais Heureux Gagnants est bien une comédie, et traite de cette situation avec un sens aiguisé du macabre et du second-degré. C’est un conte moderne, ou la morale vient souligner la conclusion de chaque situation et montre comment une simple décision — jouer à un jeu de hasard évidemment, mais également toute autre décision presque minime — peut changer des vies. Derrière les blagues et les quiproquos se trouve ainsi un exécutoire presque jouissif du postulat. Quelques scènes plus graphiques poussent l’absurde jusqu’au bout et les comédiens s’en donnent à cœur joie dans cette succession de malaise, d’hypocrisie, de violence, mais aussi d’émotion. Le film rappelle souvent l’excellent Les Nouveaux Sauvages (2014) de Damián Szifron, dans sa capacité à laisser libre court à une certaine folie expéditive et punitive.
Heureux Gagnants est donc un autre temps fort de cette nouvelle édition du Festival de l’Alpe d’Huez et rappelle s’il le fallait encore à quel point la comédie présentée durant cette semaine de célébration peut lorgner vers des genres différents et peut exister dans une multitude de styles. La troisième journée s’achève avec une bonne dose d’humour noire, et de fromage, alors qu’un manteau de neige blanc recouvre la station.