Ce concept fait beaucoup parler de lui pour son application aux réseaux sociaux, mais il existe depuis longtemps.
Après le métavers, Meta mise sur le fédivers. « Nous prévoyons d’intégrer Threads au fédivers, un réseau social ouvert composé de différents serveurs exploités par des tiers », indique Meta sur le site d’Instagram, à propos de son nouveau réseau social disponible en Europe depuis le mois dernier. Si ce concept ne vous dit rien, son principe est simple : il s’agit de permettre aux utilisateurs d’une plateforme d’échanger avec ceux d’une autre sans avoir à s’y inscrire. Explications.
Un système qui existe depuis la construction d’Internet
Le fédivers est un mot-valise, une contraction entre les termes « fédération » et « univers ». Bien que ce concept soit difficile à comprendre, l’association de défense des libertés fondamentales en ligne La Quadrature du Net en propose une définition, le décrivant comme un « ensemble de médias sociaux composé d’une multitude de plateformes et de logiciels, où les uns communiquent avec les autres grâce à un protocole commun ».
Le protocole en question est, la plupart du temps, ActivityPub, que l’on peut considérer comme le langage universel des réseaux sociaux décentralisés. Il permet aux sites qui l’utilisent de créer des passerelles entre leurs serveurs respectifs et, donc, de communiquer entre eux.
Si l’on parle aujourd’hui de fédivers par rapport à Threads, ce concept est bien plus ancien. Il a été créé en 2008, avec le site web identi.ca, une plateforme semblable à X (ex-Twitter). Il permet aux individus de télécharger le logiciel pour ensuite l’installer sur leurs propres serveurs. À partir de là, ils peuvent communiquer avec les utilisateurs et utilisatrices, comme si tout était sur le même serveur. Son créateur, Evan Prodromou, est considéré comme l’un des pionniers du fédivers.
« Surtout, cela permet donc de quitter une plateforme sans se couper de ses ami·e·s, notamment face à un réseau social qui abuserait des données personnelles de ses utilisateur·rice·s ou qui aurait des politiques de modération ou de mise en avant de certains contenus problématiques. »
La Quadrature du Net
Le système d’interopérabilité de ce concept existe pourtant depuis la construction d’Internet. C’est grâce à celui-ci qu’il est possible pour les utilisateurs de Gmail d’écrire à ceux d’Outlook ou de Yahoo Mail par exemple. Le courrier électronique fonctionne ainsi comme un fédivers.
Un concept aux nombreux avantages
Avec l’interopérabilité, le fédivers offre plusieurs avantages aux utilisateurs des réseaux sociaux. Étant en mesure d’échanger avec les utilisateurs d’une autre plateforme sans y posséder de compte, une personne est libre de choisir sur laquelle elle veut s’inscrire. Autrement dit, elle n’est pas obligée de créer un compte pour chacun d’entre eux.
« Surtout, cela permet donc de quitter une plateforme sans se couper de ses ami·e·s, notamment face à un réseau social qui abuserait des données personnelles de ses utilisateur·rice·s ou qui aurait des politiques de modération ou de mise en avant de certains contenus problématiques », souligne La Quadrature du Net. Chaque plateforme établissant ses propres règles en matière de modération avec le fédivers, les utilisateurs peuvent en effet choisir l’approche qui leur convient le mieux.
L’association n’est pas seule à prôner l’interopérabilité sur Internet. C’est aussi une volonté de l’Union européenne avec le Digital Markets Act (loi sur les marchés numériques). Visant à lutter contre les pratiques anticoncurrentielles des géants de la tech, elle oblige notamment ces entreprises à rendre leurs messageries (iMessage, WhatsApp…) interopérables, permettant à leurs utilisateurs de communiquer avec ceux d’autres services comme Signal ou Telegram.
Une intégration mal vue par certains
Actuellement, peu de réseaux sociaux font partie du fédivers. Parmi eux figurent Mastodon, Tumblr ou encore Flickr. Threads en fera donc bientôt partie. Le mois dernier, Mark Zuckerberg, PDG de Meta, a annoncé le lancement d’une expérimentation permettant aux utilisateurs de services utilisant le protocole ActivityPub de voir les messages publiés sur Threads. Une nouvelle bien accueillie par Mastodon : « C’est un pas vers le Web social interopérable que nous défendons, s’est réjoui son PDG, Eugen Rochko. Actuellement, les gens doivent choisir entre X, Mastodon et Threads et les effets de réseau jouent un rôle dominant dans ce choix ».
« Si nous ne signons pas le Fedipact, nous partageons les craintes exprimées. »
La Quadrature du Net
L’intégration de Meta dans le fédivers ne plaît cependant pas à tout le monde. Pour La Quadrature du Net, « l’arrivée de Facebook sur le fédivers ressemble à la stratégie de prendre les devants, d’agir tant qu’il n’existe pas encore d’encadrement, afin de cannibaliser le fédivers en profitant de la circonstance de l’effondrement de Twitter ». L’association estime que le géant américain, champion de la centralisation, ne devrait pas être accueilli à bras ouverts dans cet univers et elle n’est pas la seule. Considérant que l’entreprise représente un danger pour le fédivers, des administrateurs d’instances de ce réseau ont notamment lancé un « Fedipact », dont les signataires se sont engagés à bloquer les services de Meta de leur propre territoire.
« Si nous ne signons pas le Fedipact, nous partageons les craintes exprimées », a déclaré La Quadrature du Net, ajoutant que Threads et les autres services de Meta arrivant sur le fédivers seront bloqués par l’instance Mastodon qu’elle gère « tant qu’une obligation d’interopérabilité accompagnée d’un régulateur capable de tenir tête aux Gafam et autres géants du numérique ne sera pas introduite en droit ». Réunissant plusieurs réseaux sociaux, il est ainsi possible qu’une guerre éclate dans le fédivers.