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Pourquoi la Nasa songe-t-elle à installer un réseau Wifi sur la Lune ?

28 octobre 2021
Par Thomas Estimbre
Le projet LunaNet.
Le projet LunaNet. ©NASA

Les États-Unis vont retourner très prochainement sur la Lune avec l’intention d’y rester. Les astronautes auront besoin d’une solution de communication et de navigation. La Nasa aimerait en profiter pour installer un réseau haut débit et les résultats de son étude pourrait, aussi, aider sur Terre.

En 1969, un petit pas de Neil Armstrong marquait l’histoire. L’astronaute américain, décédé en 2012, restera à jamais le premier homme à avoir posé le pied sur le satellite de la Terre. L’effervescence des années 1960 et 1970 permit à 12 astronautes, tous américains, de marcher sur la Lune. Un demi-siècle plus tard, le satellite figure de nouveau au cœur des préoccupations des grandes puissances : plusieurs grands programmes avec pour objectif la Lune sont en cours de développement et les États-Unis ont fixé leur retour pour 2024 avec Artemis.

Ce projet fait suite aux missions Apollo et doit permettre à la superpuissance d’établir « une présence à long terme ». Sur place, une architecture de type Internet appelé LunaNet devra répondre aux besoins (communication, navigation) des forces en présence. La Nasa ne semble pas vouloir se contenter de ce projet et confirme qu’elle étudie la possibilité d’installer un réseau Wifi sur la Lune. Situé du côté de Cleveland, dans l’Ohio, le Glenn Research Center est un des dix centres spatiaux de la Nasa et il aimerait profiter de cette opportunité pour lutter contre les inégalités numériques sur Terre. « Cela représente une excellente opportunité de développer des solutions aux défis auxquels nous serons confrontés lorsque nous enverrons des astronautes sur la Lune sous le programme Artemis », explique Mary Lobo, directrice du département d’incubation et d’innovation technologique au Glenn Research Center.

Sur Terre, des routeurs sur des lampadaires

Un article publié en début de mois sur le site de la Nasa indique que l’agence spatiale des États-Unis songe à utiliser son programme lunaire pour améliorer l’accès à Internet sur Terre. Elle estime que la fracture numérique est une « préoccupation socio-économique à travers les États-Unis » que la pandémie a particulièrement mis en lumière. Une étude de la National Digital Inclusion Alliance a révélé qu’environ 31 % des foyers de la ville de Cleveland – où se trouve le centre de la Nasa – n’ont pas accès au haut débit. Les révélations de cette enquête ont alerté le Greater Cleveland Partnership, une organisation qui œuvre pour le développement économique, qui a demandé l’appui du Glenn Reasearch Center pour « examiner les obstacles techniques aux inégalités numériques ».

La Nasa a donc décidé de travailler sur un moyen de résoudre « deux problèmes » : celui d’un moyen de communication sur la Lune et celui d’un réseau plus performant sur Terre. Les premiers résultats de l’étude, qui tiennent compte des défis techniques de l’environnement lunaire, révèlent que le fait d’installer des routeurs Wifi sur environ 20 000 lampadaires ou poteaux électriques permettrait de résoudre les problèmes de connectivité de Cleveland. « En espaçant les routeurs de 100 mètres au maximum, cette approche permettrait d’obtenir une vitesse de téléchargement [descendante] d’environ 7,5 Mb/s dans un foyer de quatre personnes », précisent les chercheurs. Responsable de l’équipe de recherche, Steve Oleson concède qu’une telle vitesse n’est pas suffisante pour du streaming en 4K, mais que cela serait suffisant « pour des travaux scolaires, passer des appels sur IP et d’autres activités » en ligne. Il ajoute qu’en espaçant les routeurs entre 50 et 75 m les uns des autres, il serait possible d’améliorer considérablement la bande passante.

Du Wifi sur la Lune, mais pour quoi faire ?

La tête dans les étoiles, la Nasa ne se contente pas de définir la voie à suivre sur Terre. La partie lunaire de l’étude prévoit l’installation d’une base dans le massif de Malapert, un grand cratère situé près du pôle sud de la Lune. Selon l’agence, cette zone répond aux « exigences » en matière d’exposition au soleil et de ressources utilisables, et permet d’établir les communications avec la Terre. Son réseau Wifi serait relié au Deep Spaces Network et tous les modules présents sur place devront être connectés. Il peut s’agir des passerelles, atterrisseurs, habitats ou encore des rovers.

La base lunaire imaginée par l’agence spatiale des États-Unis.©NASA

La Nasa reste néanmoins prudente et rappelle qu’il « existe de nombreuses inconnues en matière de connectivité Wifi sur la Lune ». De plus, elle ne dispose pas d’un réseau électrique développé ni même d’un Internet lunaire. L’alimentation du réseau apparaît en effet comme l’un des principaux défis que devra relever l’agence avant de proposer son réseau Wifi. En revanche, Steve Oleson note que son terrain est beaucoup moins sujet aux interférences. La Nasa précise que « l’équipe recommande de monter les routeurs sur plusieurs poteaux de 24 pieds [7,3 mètres] fixés aux habitats, aux atterrisseurs ou à tout autre matériel de grande taille ». Elle ajoute que « contrairement à une seule grande tour, cette approche assurerait aux astronautes dans les habitats la stabilité du réseau, tandis que les explorateurs mobiles pourraient se déplacer entre les routeurs ».

On constate donc que la Nasa veut développer un « réseau maillé » afin de proposer une connexion suffisante aux quatre coins des villes, ou sur la Lune. La présence d’un réseau Wifi viendrait en aide aux équipes sur place, leur permettant de communiquer plus facilement, de transmettre des données, de contrôler à distance des rovers lunaires ou d’améliorer la qualité des retransmissions en direct. Il ne s’agit que d’un concept, mais ce projet de Wifi lunaire continuera d’être développé et la Nasa espère qu’il pourra aider les villes américaines, voire les régions les plus reculées du monde.

Avant le Wifi, la Nasa avait développé une connexion haut débit entre la Terre et la Lune

Notons que la volonté de proposer une connexion haut débit sur la Lune n’est pas nouvelle. Dès 2013, des chercheurs du Massachusetts Institute of Technology (MIT) et de la Nasa avaient pu échanger des données entre la Terre et la Lune en utilisant quatre télescopes différents. Ces derniers, installés au Nouveau-Mexique, ont transmis des rayons laser par des colonnes d’air pour donner vie au projet LLCD (Lunar Laser Communication Demonstration). Les données ont parcouru les 384 633 kilomètres séparant la Lune de la Terre avec un taux de téléchargement de 622 mégabits par seconde. Ils ont également transmis des données de la Terre vers la Lune à 19,44 mégabits par seconde. « Communiquer à des débits élevés de la Terre à la Lune avec des faisceaux laser est un défi en raison de la distance de 400 000 kilomètres disséminant le faisceau lumineux », avait expliqué Mark Stevens du MIT Lincoln Laboratory.

En plus du Wifi, la Nasa a également choisi de faire appel à Nokia pour déployer un réseau 4G sur la Lune. Elle rappelait au passage que « les communications ser[aient] un élément crucial du programme Artemis ». Outre les États-Unis, d’autres grandes puissances telles que la Chine, la Russie, l’Europe ou l’Inde ambitionnent de revenir sur la Lune et auront à cœur de présenter des projets comparables.

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Article rédigé par
Thomas Estimbre
Thomas Estimbre
Journaliste
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