Après sa présentation à la Mostra de Venise en 2023, Priscilla est attendu à partir de ce mercredi 3 janvier dans les salles obscures. Adapté des mémoires de l’ex-épouse du King, le film raconte l’histoire intime de l’un des couples les plus mythiques de la pop culture américaine et catalyse tout ce qui fait la filmographie de Sofia Coppola. Critique.
Trois ans après la comédie On the Rocks, sortie directement sur la plateforme de streaming Apple TV+, Sofia Coppola est de retour au cinéma avec Priscilla. Huitième long-métrage de la réalisatrice révélée en 1999 par Virgin Suicides, le film se concentre sur la vie de Priscilla Presley, ex-épouse d’Elvis Presley, et sur sa relation avec ce dernier derrière les portes de Graceland.
Adaptation des mémoires de Priscilla Beaulieu, Elvis et Moi, écrites en 1985 aux côtés de Sara Harmon, le long-métrage marque le retour de Sofia Coppola au genre du biopic. Après un exercice réussi avec Marie-Antoinette en 2006, la réalisatrice s’attaque cette fois-ci à une héroïne contemporaine de la pop culture américaine.
Elvis, mon ex toxique
Contrepoint au Elvis (2022) de Baz Lurhmann, Priscilla sonne presque comme une revanche en choisissant d’offrir le point de vue de la célèbre jeune femme. On découvre alors Priscilla Beaulieu (Cailee Spaeny), une adolescente qui s’éprend du King alors qu’elle n’a que 15 ans, et qui quitte sa famille, basée en Allemagne, pour partir vivre chez la superstar aux États-Unis. Puis, une jeune femme qui, aveuglée par ses désirs, évolue dans un Graceland aussi merveilleux qu’effrayant.
La mythique résidence sert ici de cage dorée dont Priscilla va se sentir de plus en plus prisonnière. Le rêve se transforme en cauchemar, le glamour et la passion des débuts laissant la place à une relation toxique. Elvis, incarné par Jacob Elordi, n’a plus l’aura qu’on lui connaît, et l’artiste a laissé place à un homme aussi charmeur que nocif.
Sofia Coppola choisit ici de déboulonner la statue d’Elvis. Ainsi, elle n’utilise jamais les musiques du chanteur dans sa bande originale, ne le montre jamais sur scène ni en studio d’enregistrement. Ce choix de mise en scène apparaît judicieux et permet aux spectateurs de se concentrer avant tout sur la trajectoire de Priscilla, et sur l’emprise qu’elle subit.
Capturer Priscilla grâce à la mise en scène
C’est d’ailleurs l’une des forces de Sofia Coppola : mettre sa mise en scène au service de son propos. Si, avec ce nouveau long-métrage, la cinéaste offre une œuvre plus contemplative que ses précédentes, c’est avant tout pour souligner l’errance de Priscilla, sa solitude ou encore son addiction aux médicaments. Le huis clos, quant à lui, est un artifice réfléchi qui vient renforcer la sensation d’enfermement de notre héroïne, le piège qui se referme doucement sur elle. Par exemple, Sofia Coppola n’hésite pas à filmer Priscilla dans l’intimité de sa chambre avec Elvis ou à la montrer derrière les barrières d’un Graceland fantomatique.
Même chose concernant les plans serrés sur le visage de la brillante Cailee Spaeny. La cinéaste tente de capturer son sujet grâce à une mise en scène qui crie toute l’emprise subie par notre héroïne. Un choix qui peut parfois rendre le film redondant et lui conférer certaines longueurs, mais qui démontre surtout toute la réflexion de la cinéaste autour de ses œuvres.
Sofia Coppola est une artiste du détail qui n’hésite pas non plus à souligner l’évolution de son personnage à travers les vêtements et la coiffure ; deux éléments qui permettent à l’interprète principale, Cailee Spaeny, lauréate à la dernière Mostra de Venise du prix d’interprétation féminine, d’incarner Priscilla à travers les années. Face à elle, un Jacob Elordi ténébreux, dont le charisme rappelle à nos mémoires le terrifiant Nate Jacobs de la série Euphoria.
Ce duo électrique parvient, grâce à une présence à l’écran puissante, à montrer toute l’aura qui faisait le charme d’Elvis et de Priscilla en tant que personnalités publiques, mais aussi à nous embarquer dans leur relation complexe. Gratter le vernis de la célébrité, quitter le monde rose pailleté, symbole ultime de la filmographie de Sofia Coppola, et offrir un portait intime de ces icônes, c’est là tout le but de Priscilla.
Priscilla, une héroïne typique de Coppola
Outre le voyage émotionnel des personnages, le film est également un condensé de la filmographie de la cinéaste. Le long-métrage aborde l’adolescence contrariée à la manière de Virgin Suicides, dissèque le couple façon Lost in Translation (2003), tout en offrant un regard acerbe sur la célébrité et ses dérives comme dans Somewhere (2010). Par ailleurs, Priscilla catalyse également l’amour de Coppola pour les grandes héroïnes du septième art.
Après Kristen Dunst, Scarlett Johansson ou encore Elle Fanning, c’est au tour de Cailee Spaeny de briller devant la caméra de l’artiste, qui lui offre un rôle féminin et féministe dans la continuité des sœurs Lisbon, de Marie-Antoinette ou de Martha Farnsworth dans Les Proies (2017). Un rôle qui en dit long sur la condition des femmes : les héroïnes de Sofia Coppola, malgré leur tendresse et leur puissance, sont tour à tour incomprises, tourmentées, malmenées ou violentées.
Priscilla est ainsi le dernier témoin d’une œuvre solide, construite en plus de 20 ans de carrière. En mélangeant des éléments de sa filmographie à une figure de la pop culture, Sofia Coppola est parvenue à redonner la parole à celle qui a longtemps vécu dans l’ombre du King et à offrir un drame saisissant. Un retour aux sources que l’on attendait depuis longtemps !
Priscilla, de Sofia Coppola, avec Cailee Spaeny et Jacob Elordi, 1h53, le 3 janvier au cinéma.