Avec Bâtiment 5, Ladj Ly s’attaque au mal-logement et signe un film aussi fort qu’important, malgré une certaine frustration dans son récit et sa mise en scène.
Après Les misérables (2019), Ladj Ly est de retour sur grand écran avec Bâtiment 5. Deuxième volet d’un triptyque consacré aux banlieues françaises, le réalisateur s’attaque cette fois-ci au mal-logement dans un film choral. Ce choix scénaristique est important pour le cinéaste et sa démonstration, dépourvue de manichéisme.
Comme dans Les misérables, Ladj Ly s’emploie, en effet, à explorer tous les points de vue, et à sonder toutes les réactions afin de dresser un portait humain, et nuancé de ses personnages.
L’importance de la vérité
Cette force, Ladj Ly la doit à sa connaissance du terrain, Bâtiment 5 étant à la fois inspiré de sa propre expérience, mais aussi des récits des habitants de la cité de Montfermeil, là où le cinéaste a grandi. L’univers cinématographique de l’artiste, malgré son empreinte fictionnelle, est marqué par une puissante véracité donnant au film sa forme quasi-documentaire.
Ladj Ly s’empare ici des problématiques de mal-logement avec un œil objectif, mais aussi émouvant présentant tour à tour le point de vue du maire (Alexis Manenti), et des élus, la lutte pacifiste des associations à travers Haby (Anta Diaw), ou encore la colère des habitants sur le point d’être exclus de leurs appartements avec le personnage de Blaz (Aristote Luyindula).
L’entremêlement des expériences jusqu’à leur entrechoquement dans un final sous tension, le soir de Noël, constitue le point culminant du film, dans lequel chaque personnage dévoile sa vraie nature.
La tension passe également par la mise en scène de Ladj Ly qui alterne entre des plans larges et fantomatiques sur une cité perdue, mais aussi des plans serrés dans les cages d’escaliers d’un bâtiment sur le point de tomber en ruines. On se rappelle ainsi une scène d’ouverture particulièrement saisissante dans laquelle plusieurs habitants de l’immeuble tentent désespérément de faire passer un cercueil entre les couloirs, ou encore la longue séquence d’expulsion qui souligne la violence et le désespoir auxquels sont confrontés tous les personnages.
Malgré cela, la mise en scène et la photographie de Bâtiment 5 sont moins marquées que celle des Misérables. En 2019, le film a eu l’effet d’une bombe, de par l’injustice et la frustration qu’il convoquait. Une véritable claque artistique et politique dans laquelle Ladj Ly dévoilait toute l’envergure de son cinéma, et de sa réflexion.
Si Bâtiment 5 dresse le même constat d’urgence, la frustration est double ici. Il y a tout d’abord, celle qu’implique l’inactivité de certains élus, la violence qu’ils rencontrent aussi, et le dialogue pacifiste qui peine à se faire entendre. Encore une fois, ce choix est important et montre la pluralité des regards que Ladj Ly s’emploie à saisir.
Ceci étant dit, la vraie frustration vient du scénario, qui peine à offrir un acte final pleinement réussi. Une fois l’expulsion menée, Ladj Ly choisit de ne pas donner de réponse quant au relogement des habitants expulsés. Si cela peut signifier la sensation d’errance et l’incompréhension des victimes d’un sytème, la démonstration aurait très certainement mérité une réponse… À moins que celle-ci ne soit au cœur du prochain film de cette trilogie.
Bâtiment 5 de Ladj Ly avec Anta Diaw, Alexis Manenti, Steve Tientcheu et Aristote Luyindula, 1h40, depuis le 6 décembre au cinéma.