À l’occasion de la sortie de A Place for My Hate, L’Éclaireur a rencontré le groupe de rock originaire d’Amiens, Structures, afin de parler de sa formation et de l’écriture de son premier opus. Entretien.
Retenez votre souffle, accrochez-vous, A Place for My Hate, le premier disque de Structures est enfin sorti ! C’est une déflagration, un déversoir d’émotions rugissantes dans un écrin rock aux accents 80’s, parfois 90’s. Donnez à ce duo de la mélancolie, un peu de colère puis de la tristesse et ils en feront un album exutoire, leur façon à eux de parler d’amour.
Un album très attendu, des années après un premier EP très remarqué par la critique. Le duo n’en finissait pas de sillonner les salles de concert de toute la France et les plus grands festivals. Ils sont même allés jusqu’en Chine ! Bercé par le post-punk outre-Atlantique, Structures s’exprime en anglais. On entend et se délecte des références à Joy Division, Nirvana, The Smiths, Depeche Mode, Fontaine D.C…
Nous étions à la release-party de l’album et la rumeur se confirme : si on aime les groupes live qui tabassent, il faut absolument les voir. Riffs brutaux, battements rapides… C’est sans concession et le sang ne fait qu’un tour dès que le groupe s’attaque à la scène. Pierre Seguin s’agrippe à son micro ; il incarne une figure puissante, mélancolique, mais bouillonnante quand il chante ses maux en s’offrant à son public. Marvin Borges-Soares, à la basse nerveuse, sort de son rôle sur le morceau Disasters, il s’empare seul du micro et déchaîne cette rageuse énergie. Il descend et s’unit à la fosse galvanisée et hurlante. Pas de répit, pas de ballades tranquilles, ce disque est la claque rock aux accents punk qui manquait à nos playlists cet automne.
Comment s’est déroulée la rencontre de Structures ? Pourquoi avez-vous choisi ce nom ?
Pierre Seguin : On a choisi le mot Structures quand on a fondé le groupe, car on cherchait un nom qui refléterait le mieux possible la sonorité de la musique que l’on faisait. Plutôt dure et froide. On cherchait un nom à consonance un peu germanique et on voulait surtout que ce soit un nom qui passe partout, qui puisse se dire dans toutes les langues.
Nous sommes nés et avons grandi à Amiens. Marvin et moi, nous nous sommes rencontrés à l’époque du lycée. Nous étions deux lycéens séparés, à deux bouts de la ville. On s’est croisés à la gare d’Amiens qui était un spot de skate à l’époque. La culture skate nous a rapprochés, on a beaucoup parlé de musique, puis on a décidé d’en faire ensemble.
Vous avez toujours une écharpe de la ville d’Amiens sur scène, comme une fierté. En quoi venir de cette ville est-il déterminant dans votre musique ?
P. S. : Le fait de venir d’Amiens, ça influence beaucoup la musique, je pense. C’est une ville aussi froide que chaude, au climat un peu bizarre. Il peut y avoir du brouillard, puis de la pluie qui te rentre dans la peau et qui te glace les os, et, d’un seul coup, tu ne sais pas pourquoi, alors que tu avais trop froid, un rayon de soleil va apparaître. C’est aussi une ville ambivalente, entre-deux. Ce n’est ni une grande ville ni une petite ville. Elle a un peu le cul entre deux chaises.
Je pense que ça cultive cette espèce de dualité qui est dans notre musique et qui nous pousse à faire quelque chose d’à la fois très froid et très chaud, qui fait transpirer. On vient aussi de milieux populaires avec Marvin, donc on a toujours été confrontés à une certaine dureté des choses. C’est pour cela que la musique que l’on fait s’est naturellement imposée à nous.
Votre premier album contient des thématiques rudes et des riffs abrasifs. C’est un album en forme de déversoir d’émotions. Pourquoi l’amour et la haine sont-ils les fils rouges ?
Marvin Borges-Soares : Ce sont des émotions primaires et primordiales pour nous. L’amour et la haine sont des sentiments que nous ressentons chaque jour dans nos vies. Elles sont indissociables l’une de l’autre. C’était évident pour nous, avec notre passif, notre vécu, d’aller dans cette direction et d’aborder ces sujets. Les morceaux que j’ai écrits retranscrivent les sentiments que je ressentais quand je les écrivais. J’allais mal le lendemain de soirées et ça me permettait de passer mes longues journées dépressives, d’essayer de comprendre pourquoi j’étais dans cet état.
Cela m’a permis d’écrire des choses que j’avais du mal à exprimer dans la réalité. Désormais, mon écriture est plus rédemptrice et thérapeutique. Heureusement pour ma santé, j’écris dans d’autres circonstances que dans celles qui m’ont amené à le faire à la base.
P. S. : C’est un album qui parle d’amour par le prisme de la dualité de ce sentiment. La colère et la haine sont des dérivés de l’amour. Pour nous, la haine, c’est le manque d’amour, c’est ce qui vient souvent aussi après l’amour. Tout est lié et on s’est dit que la meilleure façon de parler d’amour, c’était de parler de son opposé. La haine, c’est la haine de plusieurs de choses. Par exemple, dans Cold Touch, on parle du côté cyclique de ses sentiments dans une relation, du recommencement et de la rechute… C’est aussi un morceau qui parle du deuil, de la mort au sens propre, mais aussi de la mort des sentiments, de l’éloignement, car c’est ça aussi l’amour. On avait besoin d’un endroit où mettre cette haine.
Marvin, vous ne chantiez pas sur les singles précédents. Aujourd’hui, vous signez plusieurs titres, notamment Disaster, pourquoi ce changement ?
M. B. S : Avant, nous étions quatre dans le groupe, c’était plus difficile de trouver sa place. Maintenant que nous sommes deux, ça l’est moins. C’est aussi parce que j’écris plus. C’était important pour moi de prendre cette place, d’avoir cette parole et de mettre les mots sur mes émotions autrement que par les instruments.
Je montre maintenant une facette que jusqu’ici personne ne connaissait. Disaster, par exemple, parle d’une relation qui n’est plus saine, qui ne peut plus durer, mais qu’il faut sauver, car il y a encore des sentiments. On y retrouve la thématique amour-haine de l’album.
Pourquoi avoir fait le choix de chanter en anglais et non en français ?
P. S. : Ce n’est pas un choix. On ne décide pas forcément de la musique que l’on fait ni de comment on la fait. Elle s’impose à nous avec les influences que l’on écoutait depuis toujours : de la musique anglophone, américaine, australienne… Nos références rock ne sont pas françaises. Pour nous, le rock français sonne faux, parce que nos références sont anglophones. On a une forme de déterminisme dans notre musique, qui vient de nos influences.
Quelles ont été vos influences pour cet album, justement ?
M. B. S : Je dirais Nine Inch Nails. Trent Reznor n’est pas juste une personne inspirante parmi tant d’autres. Il a changé ma vie et m’a aidé dans mes moments de doute, de solitude, de crises, d’anxiété et de destruction. Il m’a permis d’être ce que je suis aujourd’hui. Il y a aussi Brian Molko de Placebo, qui a permis à l’ado footballeur que j’étais de s’accepter et de faire ce qu’il voulait vraiment.
P. S. : On s’est posé beaucoup de questions sur ce qu’on avait envie de faire, on s’est inspiré de ce qu’on aime depuis toujours, Joy Division, New Order, The Smiths, The Cure, Depeche Mode… Il y a toutes ces influences que l’on aime dans ce disque.
Quelle collaboration rêveriez-vous de faire ?
M. B. S : Dans l’idéal, faire des titres avec Boy Harsher. Pour un duo, Brian Molko de Placebo ou Lana Del Rey, et pour faire un album, je dirais, bien sûr, Trent Reznor.
P. S. : Trent Reznor, mais je crois que ça m’intimiderait ! Faire une collaboration avec une “idole” ça risque d’être décevant. Et puis il y a la peur, de mon côté, de ne pas être à la hauteur. La collaboration que j’aimerais le plus, c’est celle qui surprendrait le plus, qui serait inattendue.