Les premiers avis de la presse concernant le nouveau Mario sont tombés et ils sont dithyrambiques. Mais la proposition de Nintendo répond-elle vraiment aux attentes de celles et ceux qui rêvent d’un épisode en monde ouvert encore plus révolutionnaire que Super Mario Odyssey ?
On sait tous qu’il y a eu un avant et un après Super Mario 64, dont la sortie remonte à 1996 pour la version originale. Cela peut sonner comme une évidence, mais la réalité est la suivante : dans sa version actuelle, Mario a désormais deux visages. Ou même plutôt trois…
Les trois visages de Super Mario
Le premier est celui qui renvoie directement aux épisodes classiques de la franchise. On le reconnaît à ses niveaux se déroulant suivant un plan 2D traditionnel, à ses drapeaux de fin de parcours ou encore à sa formule compatible avec des parties endiablées à quatre joueurs. Ce Mario, c’est celui qui est né à l’époque du tout premier Super Mario Bros. (1985) et que l’on retrouve dans de nombreux volets, jusqu’à Super Mario Bros. Wonder aujourd’hui.
L’efficacité de cette formule n’a plus rien à prouver, même si chaque nouvelle itération trouve toujours d’habiles moyens de nous surprendre, alors que cela fait déjà plus de trois décennies que les joueurs l’ont adoptée.
Si ces jeux-là continuent de figurer parmi les projets stars de Nintendo, c’est parce qu’ils font l’unanimité auprès des joueuses et des joueurs et qu’il « suffit » d’un peu de génie pour moderniser un canevas forgé de longue date dans le moule de la plateforme 2D. Brillants, drôles et conviviaux, ils sont une valeur sûre dans la ludothèque de toutes les machines du constructeur. En 2009, par exemple, New Super Mario Bros. Wii était le premier du genre à introduire un mode coopératif à quatre joueurs en simultané.
Ce qu’il va se passer ensuite est remarquable : Nintendo opère une sorte de transition inattendue que l’on pourrait comparer au visage « 1.5 » de la série. Nous sommes en 2013 et Super Mario 3D World transpose sur Wii U le concept de Super Mario 3D Land (3DS) qui avait eu l’audace de combiner les formules 2D et 3D pour un résultat hybride très audacieux dès l’année 2011. Ce n’est pas pour rien que Nintendo le présente comme « un nouveau Mario en 3D qui se joue comme en 2D ».
Rien ne se perd chez Nintendo, tout se transforme, et ces expérimentations ont eu largement le temps d’infuser vers quelque chose de neuf lorsque vient le moment de concevoir les fondations de Super Mario Bros. Wonder sur Switch.
Cet épisode représente en quelque sorte l’aboutissement d’une formule à l’ancienne qui n’a jamais cessé d’évoluer pour continuer d’épater les joueuses et les joueurs, pourtant rodés à l’exercice. C’est peut-être bien le visage de l’excellence… mais pas celui de la consécration. Car, du point de vue d’une majorité de fans de la franchise, les vraies messies s’appellent plutôt Super Mario 64, Super Mario Galaxy 1 & 2 ou encore Super Mario Odyssey, dont la sortie remonte déjà à 2017.
Des envies de Mario en 3D
Avant de revenir plus en détail sur le cas de Super Mario Bros. Wonder qui, en dépit de son retour à la formule classique, est bien un immanquable de l’année 2023, il nous faut présenter le troisième visage de Mario. Celui de la 3D, celle qui nous avait estomaqués dans Super Mario 64 et que l’on reconnaît à ses caméras pivotables à 360°. C’est le visage de l’innovation, de l’audace et de l’envie d’aller vers quelque chose de vraiment inédit et ambitieux. C’est la formule qui permet le mieux de saisir comment Nintendo a réussi à négocier le virage de la 3D avec sa franchise la plus iconique.
On a beau aduler le concept des épisodes classiques sur un plan en deux dimensions, on ne peut plus y retourner avec le même regard une fois que l’on s’est noyé dans le cosmos de Super Mario Galaxy.
Le visage de la 3D, la vraie, c’est celui de la liberté. La liberté de courir après des papillons dans Super Mario 64 en enchaînant les triples sauts ou les saltos arrières pour bondir sur les branches des arbres. La liberté de se propulser d’un planétoïde à un autre dans Super Mario Galaxy, en brisant toutes les notions de barrières physiques qui limitent l’esprit d’évasion dans les jeux de plateforme habituels. Et puis, la liberté de se perdre dans l’immensité d’un jeu aussi ouvert que Super Mario Odyssey, dont chaque décor grouille littéralement de secrets.
Peut-on vraiment comparer les trois visages de Mario alors que le premier est fatalement bridé par une formule linéaire et une durée de vie réduite, tandis que le troisième développe ses univers sur des dizaines d’heures de jeu en monde ouvert ? On peut rétorquer que l’un n’empêche pas l’autre et que la sortie de Super Mario Bros. Wonder ne signifie en rien que les équipes de Nintendo ne sont pas déjà sur un autre volet plus proche des ambitions d’un Super Mario Odyssey. Sans doute. Toutefois, lorsque ce nouvel opus a été dévoilé au grand jour, les fans ont certes eu les yeux qui pétillent, mais ce n’était pas l’explosion de joie qu’aurait provoqué un Mario lâché dans un open world gigantesque !
Combien de temps devra-t-on patienter encore pour connaître le vrai successeur de Super Mario Odyssey ? Il sera, selon toute vraisemblance, l’ambassadeur de la prochaine console de Nintendo et il abritera probablement encore plus de mystères et de récompenses que les 999 lunes de l’épisode Switch. Mais, puisqu’il nous faut attendre, voyons à présent si Super Mario Bros. Wonder a vraiment les armes pour nous consoler.
Bienvenue au Pays des merveilles !
Les grincheux que nous sommes sont forcés de le reconnaître, ce nouveau Mario ne manque pas de panache. Et, bien que la formule traditionnelle soit certainement moins complexe à développer pour les équipes de Nintendo que celle d’un jeu visant à révolutionner la plateforme 3D en monde ouvert, on aurait tort d’y voir une solution de facilité. Tant d’épisodes ont emprunté cette voie que l’on pourrait craindre que tout a déjà été expérimenté en la matière. Super Mario Bros. Wonder a donc la lourde tâche de nous prouver le contraire en avançant des nouveautés de gameplay résolument inédites. Et il y parvient étonnamment bien.
On y trouve bien sûr de tout nouveaux pouvoirs engendrant des transformations inédites, mais c’est surtout l’idée fantaisiste de rendre les niveaux complètement « instables » qui fait vraiment tout le sel de cette nouvelle formule. Car, plutôt que d’introduire des éléments perturbateurs dans les niveaux, les conceptrices et concepteurs de Super Mario Bros. Wonder ont eu la folle idée d’imaginer que les environnements eux-mêmes seraient évolutifs. Mais pas d’une manière scriptée et prévisible. Ici, c’est bien l’action des fleurs prodiges qui déclenche ce phénomène d’altération des niveaux. On ne peut donc jamais savoir à l’avance ce qui va se passer et les choses ne se déroulent pas forcément de la même façon d’une partie à l’autre sur des niveaux pourtant a priori identiques.
Il faut dire que le Royaume des Fleurs a quelque chose d’assez insolite qui nous donne presque envie de le comparer au Pays des merveilles de Lewis Carroll. Le fait de pouvoir partager l’expérience avec trois autres joueurs en local rend d’ailleurs la proposition encore plus irrésistible. D’autant que, sur la douzaine de personnages jouables, certains sont spécialement destinés aux personnes qui ont envie de bénéficier d’un joker pour ne jamais mourir. Cela permet à toute la famille de jouer ensemble sans que personne ne soit pénalisé. Avec sa direction artistique à croquer, le titre cumule tellement de bizarreries que l’on n’a cesse de s’émerveiller.
Plus ouverte que ce que l’on pouvait craindre, la carte du monde de Super Mario Bros. Wonder offre une liberté de mouvement appréciable. Chaque joueur est assuré d’y trouver des défis adaptés à sa maîtrise du jeu et l’on résiste difficilement à l’envie de compléter l’aventure à 100 %. La partie sonore est évidemment pleine de surprises elle aussi, notamment grâce aux fleurs cancan qui ne peuvent s’empêcher de faire des commentaires. Avec son bestiaire frôlant l’hystérie collective, Super Mario Bros. Wonder dégage un je-ne-sais-quoi d’hallucinogène qui donne forcément envie d’y retourner.