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L’Abomination de Dunwich : que vaut l’adaptation de l’œuvre culte de Lovecraft en manga ?

08 octobre 2023
Par Sofian Nouira
”L'abomination de Dunwich” est un manga de Gou Tanabe
”L'abomination de Dunwich” est un manga de Gou Tanabe ©Gou Tanabe 2023 / Kadokawa Corporation

L’univers de H.P. Lovecraft continue de fasciner et d’inspirer, et ce n’est pas Gou Tanabe qui dira le contraire. L’auteur japonais revient avec une nouvelle adaptation d’une œuvre du créateur de l’horreur cosmique : L’Abomination de Dunwich.

Gou Tanabe serait-il devenu obsédé par H.P. Lovecraft ? La question mérite d’être posée tant le mangaka semble décidé à adapter toute l’œuvre de l’auteur américain du début du XXᵉ siècle. À son actif, on compte déjà des revisites de L’Appel de Cthulhu, Dans l’abîme du temps, La Couleur tombée du ciel, Les Montagnes hallucinées, Le Cauchemar d’Innsmouth, ou encore Le Molosse.

Une fascination pour l’horreur

C’est maintenant au tour de L’Abomination de Dunwich de prendre vie en dessin sous le crayon de Tanabe. Une œuvre qui comptera cette fois pas moins de trois tomes. Avant de vous en dire plus sur le premier volume, attardons-nous un peu sur H.P. Lovecraft, pour ceux qui ne le connaissent pas ou peu.

Son surnom de « maître de l’horreur » n’a rien d’usurpé, tant sa contribution au genre littéraire de l’épouvante s’est avérée inestimable. Il est le précurseur de l’horreur cosmique, une sous-catégorie du genre où la terreur émane non pas de créatures surnaturelles ou de phénomènes occultes, mais de la prise de conscience de l’immensité vertigineuse de l’univers et de la relative insignifiance de l’espèce humaine.

Lovecraft plus vivant que jamais

Une innovation conceptuelle qui a permis à Lovecraft d’exercer une influence qui transcende la sphère littéraire pour s’insinuer dans divers domaines de la culture populaire, du cinéma aux jeux vidéo, en passant par les bandes dessinées. Les entités et les mythologies qu’il a façonnées, tel que l’emblématique Cthulhu, ont acquis le statut d’icônes culturelles, consacrant ainsi Lovecraft comme une figure indétrônable dans le panthéon de la littérature horrifique.

L'abomination de Dunwich, manga par Gou Tanabe
Une planche de L’Abomination de Dunwich, par Gou Tanabe.©Gou Tanabe 2023 / Kadokawa Corporation

L’influence de H.P. Lovecraft dans le monde du neuvième art est tout aussi indéniable. À travers bandes dessinées, mangas et comics, l’auteur américain a légué un riche héritage artistique, baigné dans l’horreur cosmique. Des œuvres comme Providence d’Alan Moore revisitent ses thèmes avec une profondeur déconcertante, tandis que le manga Les Montagnes hallucinées de Gou Tanabe s’attache à une adaptation fidèle et visuellement captivante.

Les comics ne sont pas en reste, avec des séries comme Locke & Key qui flirtent avec le « lovecraftisme ». Du côté de l’horreur plus traditionnelle, Fall of Cthulhu et The Lovecraft Anthology ravivent l’intérêt pour les mythes lovecraftiens en les introduisant à un nouveau public. L’influence de Lovecraft se décline ainsi en une multitude de facettes, toutes riches en mystères et en émotions fortes, prouvant que le maître de l’horreur est plus vivant que jamais dans la culture populaire.

La marque de fabrique de Tanabe

Donner vie aux horreurs cosmiques décrites par Lovecraft dans ses écrits n’était pas une mince affaire. Le postulat même des créatures de l’écrivain américain est qu’elles dépassent toute forme d’entendement humain.

Néanmoins, Gou Tanabe a déjà prouvé dans le cadre de ses précédentes adaptations qu’il n’avait pas son pareil pour donner vie aux horreurs qui peuplent le panthéon lovecraftien. Si vous êtes familiers avec ces adaptations antérieures, le style graphique de L’Abomination de Dunwich ne vous surprendra guère. Le dessin est méticuleux, chaque ombre et chaque trait contribuant à instaurer cette atmosphère d’oppression si caractéristique des œuvres lovecraftiennes.

L'abomination de Dunwich, manga par Gou Tanabe
©Gou Tanabe 2023 / Kadokawa Corporation

Ce souci du détail s’étend même aux visages des personnages, dont les expressions captent parfaitement l’horreur et la fascination qu’ils ressentent. Dans l’ensemble, le dessin est toujours aussi somptueux. Les cases sont souvent des petites fresques à elles seules, avec un niveau de détail toujours excellent, parfois même stupéfiant.

D’ailleurs, on est plus proche d’un style de BD franco-belge (certes en noir et blanc) que des lignes habituelles d’un manga. Ici, pas de grands yeux, pas de grands traits pour signifier le mouvement. Le rythme est assez lent, posé, et sied à merveille à l’univers de Lovecraft. Gou Tanabe est un véritable maître pour poser des ambiances à la fois mystérieuses et poisseuses.

©Gou Tanabe 2023 / Kadokawa Corporation

Nous avons aussi tout particulièrement apprécié les magnifiques planches en couleur en début de livre. Comme les autres adaptations du maître de l’horreur par Tanabe, L’Abomination de Dunwich montre bien les multiples facettes que peut revêtir le manga japonais. Comme les autres titres de cette collection, l’œuvre bénéficie d’une couverture en similicuir qui lui donne beaucoup de cachet, et la qualité d’impression s’avère tout aussi irréprochable.

Une réussite en gestation

La fidélité à l’œuvre originale est une constante dans le travail de Tanabe. Si vous avez lu L’Abomination de Dunwich de Lovecraft, la trame de l’histoire vous semblera très familière. Pour y coller au plus près, le mangaka a accompli un joli travail graphique pour signaler assez subtilement les transitions entre les époques narratives.

Il utilise des fonds noirs lorsque le récit revient sur des événements du passé et des fonds blancs pour les scènes du présent. Cependant, il le fait de manière si intégrée que nous sommes un peu passés à côté du procédé lors de notre première lecture – que nous avouons avoir débutée à une heure très tardive. Néanmoins, une fois cette pirouette assimilée, le manga déroule son récit sans heurts.

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Si vous êtes un nouveau venu dans l’univers des adaptations lovecraftiennes de Gou Tanabe, nous vous conseillons de commencer par une autre œuvre de l’auteur, telle que L’Appel de Cthulhu. Un récit en un seul volume qui offre une introduction plus progressive aux thèmes et au style des auteurs américain et japonais.

Vous n’en apprécierez que mieux L’Abomination de Dunwich par la suite. En effet, le premier volume que nous chroniquons ici est une œuvre qui ravira les aficionados du genre, mais qui pourrait laisser les novices sur leur faim. Elle ne représente que le premier tiers du récit et ne contient logiquement aucun climax, même si elle se laisse dévorer sans retenue.

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Article rédigé par
Sofian Nouira
Sofian Nouira
Journaliste
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