Avec Le Livre des solutions, Michel Gondry est de retour au cinéma. Pierre Niney interprète l’alter ego du réalisateur de Eternal Sunshine of the Spotless Mind dans cet autoportrait aussi drôle que poétique. Le film est diffusé ce soir sur Canal+.
Malgré une variété de projets allant de la série (Kidding avec Jim Carrey) aux clips (-M-, The Chemical Brothers…), en passant par le court-métrage (Détour), Michel Gondry s’est fait plutôt discret ces dernières années.
En effet, il a fallu attendre huit ans, depuis Microbe et Gasoil (2015), pour voir le réalisateur revenir sur grand écran avec Le Livre des solutions. Événement cinématographique de la rentrée, le film propose une nouvelle plongée dans l’univers poétique de Michel Gondry. Mieux encore, le cinéaste versaillais signe ici son œuvre la plus personnelle, tout en restant fidèle aux penchants imaginaires et drolatiques qui ont parsemé sa filmographie précédente.
Le “film des solutions”
Dans ce nouveau récit en forme d’autofiction, on suit la vie chaotique de Marc (Pierre Niney), un cinéaste haut en couleur, qui, boudé par ses producteurs, va décider d’embarquer toute son équipe afin de finir le montage de son film dans les Cévennes chez sa tante Denise. Là-bas, après avoir subitement arrêté son traitement antidépresseur, il espère retrouver sa créativité ainsi que son génie – et cela, souvent au détriment du bien-être de ses proches ; une galerie de personnages féminins dans laquelle on retrouve Blanche Gardin, Frankie Wallach, ainsi que la douce Françoise Lebrun.
Cette dernière interprète la tante de Marc, Denise, bouleversante réincarnation de Suzette chez qui Michel Gondry passait chaque été dans les Cévennes durant son enfance.
Le réalisateur a pioché dans ses souvenirs et sa vie pour construire cet ego-trip irrésistible. Après s’être inspiré de son adolescence passée aux côtés d’un marginal pour Microbe et Gasoil, Michel Gondry choisit avec Le Livre des solutions d’explorer l’âge adulte à travers un alter ego fictif : prise de médicaments, dépression liée à sa bipolarité diagnostiquée sur le tournage de L’Écume des jours (2013), achat immobilier compulsif dans le sud de la France, clin d’œil à sa tante, mais aussi une inventivité débordante, tendre et fidèle à son génie… Le cinéaste tente de se raconter proprement, sans manichéisme. Grâce à cette création qui fait office de thérapie pour son auteur, Michel Gondry s’offre ici non pas un Livre des solutions, mais un film des solutions.
La magie du cinéma
Enfoui dans la tête du cinéaste depuis le tournage de Human Nature (2001), son premier film, le projet a mis du temps à mûrir. Au départ, le réalisateur voulait le produire aux États-Unis, en langue anglaise, avec Adam Driver. Puis, il l’a finalement recentré dans les Cévennes, en français. Un choix qui témoigne une fois de plus de l’empreinte personnelle que Michel Gondry laisse sur son œuvre en termes de scénario, et qui se poursuit dans la photographie.
Avec Le Livre des solutions, le metteur en scène replonge dans son imaginaire enfantin. Le « camiontage » de Charlotte (Blanche Gardin), ou encore le dessin animé interlude sur Max le Renard et son salon de coiffure fondent non seulement les ressorts de son cinéma onirique, mais permettent également de souligner la folie aussi dévorante que joyeuse du personnage principal.
Par ailleurs, la mise en scène du Livre des solutions est orchestrée autour d’un cinéma fait de bric et de broc à travers lequel Michel Gondry rend hommage à un septième art artisanal où les prises de vue réelle se mélangent à l’animation et aux arts plastiques. Un cinéma amusant et magique.
Le cinéaste avait déjà témoigné son amour pour le septième art « amateur » dans Soyez sympas, rembobinez (2008), comédie portée par Jack Black dans laquelle deux amis devaient réenregistrer les remakes des films cultes d’un vidéoclub après que l’un d’eux avait accidentellement effacé toutes les cassettes à cause de son cerveau électromagnétique.
L’homme et l’artiste
Difficile de ne pas voir dans Le Livre des solutions une œuvre témoin, scrutant également les tréfonds créatifs de Michel Gondry. Car, outre son statut d’homme aussi rêveur que mélancolique, le réalisateur interroge aussi le rapport du créateur à sa création.
Un lien de haine et d’amour, une connexion ambivalente, parfois obsessionnelle, représentés par le refus de Marc de regarder son propre film, autant que par son envie maladive de pureté et de beauté. Avec son personnage, Michel Gondry défend un cinéma qui a de l’âme et du cœur, quitte à le placer en opposition avec son entourage et à contre-courant du monde qui l’entoure.
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Entre éclair de génie et mégalomanie mal placée, Michel Gondry, qui scénarise également le film, offre un personnage aussi détestable qu’attachant. Pour cela, il a fait confiance à Pierre Niney qui, après des thrillers et drames pesants (Boîte noire, Goliath, Mascarades…), retrouve la fraîcheur de ses premiers pas devant la caméra. Une spontanéité que l’on avait pu découvrir dans Five (2016) d’Igor Gotesman et une folie qu’on lui connaît également depuis la série La Flamme (2020).
Pierre Niney n’a jamais caché son admiration pour le réalisateur d’Eternal Sunshine of the Spotless Mind (2004). Avec ce nouveau film, l’acteur réalise l’un de ses rêves de cinéphile et se paie le privilège d’incarner le cinéaste lui-même, entre pétages de plombs, tendresse, imagination débordante et poésie. Sûrement l’un de ses meilleurs rôles à ce jour.
Avec Le Livre des solutions, Michel Gondry règle ses comptes avec lui-même dans un film en forme d’autoportrait. Long-métrage bilan sur son statut d’homme, de créateur, mais aussi sur le bouillonnement de son cinéma, ce nouveau projet signe la réconciliation du cinéaste avec son public, mais surtout avec lui-même.
Un film symbole de guérison, qui lui aura permis de se remettre rapidement au travail. En effet, Michel Gondry a déjà repris la route des plateaux de tournage. Il s’attaquera prochainement à un biopic sur le chanteur et producteur américain Pharrell Williams.
Le Livre des solutions, de Michel Gondry, avec Pierre Niney, Blanche Gardin, Françoise Lebrun et Frankie Wallach, 1h42, le 13 septembre 2023 au cinéma.