The Beanie Bubble est disponible sur Apple TV+ dès ce vendredi 28 juillet. À cette occasion, L’Éclaireur a rencontré ses deux acteurs principaux, Zach Galifianakis et Elizabeth Banks, ainsi que son duo de réalisateurs, Kristin Gore et Damian Kulash.
Attendu ce vendredi 28 juillet sur Apple TV+, The Beanie Bubble revient sur la frénésie autour des Beanie Babies qui s’est emparée du monde des jouets dans les années 1980 et 1990. Véritable phénomène initié par Ty Warner et sa partenaire, Robbie, ces peluches animales ont conquis la planète entière, il y a 40 ans. Une révolution commerciale filmée par Kristin Gore et Damian Kulash, dans laquelle on retrouve Zach Galifianakis et Elizabeth Banks.
Le duo d’acteurs dévoile une palette de jeu sombre et sérieuse, loin de la légèreté des comédies qui les ont révélés (Very Bad Trip, 40 ans toujours puceau…). Car malgré son univers bigarré, la série raconte principalement la trajectoire d’une entreprise, de ses fondateurs, et de ses figures féminines entre rêve américain (brisé) et guerre des sexes. Autant de sujets qui font écho à notre société actuelle et que scrute de plus en plus le cinéma aujourd’hui.
Pourquoi avoir voulu raconter l’histoire des peluches Beanies Babies ?
Kristin Gore : Je voulais raconter une histoire qui prenne pour toile de fond une idée joyeuse et colorée, qui parle d’un engouement pour ces animaux en peluche qui ont fait perdre la tête aux consommateurs. Ils les ont vraiment traités comme de l’or pendant plusieurs années. C’est tellement absurde et ridicule que ça en devient divertissant. C’est aussi une toile de fond pour une histoire plus profonde, celle que nous voulions vraiment raconter sur la notion de valeur, la relation que les femmes entretiennent avec le rêve américain, et sur la façon dont nous en sommes culturellement arrivés là où nous en sommes maintenant.
Damian Kulash : C’est tellement surréaliste et absurde l’époque par laquelle est passée l’Amérique avec cette frénésie. J’aime l’idée que l’on pourrait croire que c’est simplement une histoire drôle et loufoque. Mais vous verrez qu’en dessous, il y a tous ces thèmes sombres aux conséquences sérieuses. Nous étions ravis d’explorer cette dualité.
En tant qu’acteurs, qu’est-ce qui vous a attirés dans cette histoire ?
Elizabeth Banks : J’aime vraiment mon personnage, Robbie. Elle représente incroyablement bien les travailleurs et travailleuses qui se font avoir par un système. Elle est très inspirante et je me suis sentie connectée à elle, à plusieurs niveaux. J’ai eu l’impression que lorsque Ty lui a retiré les rênes de l’entreprise, toute sa vie et son identité se sont effondrées. C’est vraiment déchirant, mais aussi excitant en tant qu’artiste à explorer. Puis, il y avait sa résilience. La plupart des films pourraient se terminer sur le piétinement de cette femme, sans explorer sa rédemption, mais The Beanie Bubble l’a fait. J’aime le fait qu’elle obtienne sa revanche. C’est aussi l’une des choses qui m’intéressait le plus dans ce projet.
Zach Galifianakis : J’ai rapidement été approché par Damian et Kristin. Ils m’ont donné le livre, je l’ai lu, et j’ai découvert un personnage que je n’avais jamais joué. Il est assez maladroit pour que je puisse l’incarner. L’environnement dans lequel le film se déroule était vraiment excitant. Les années 1980-1990 étaient une période très vive et bouillonnante pour les entreprises américaines. Le film nous permet aussi de comparer les décennies précédentes à notre époque actuelle. C’est comme une sorte d’avertissement.
« C’est une histoire d’outsider. Ce sont des gens qui ont dû se battre contre un système qui était déjà truqué à l’avance. »
Kristin GoreRéalisatrice et scénariste de The Beanie Bubble
Zach, le public vous connaît pour vos rôles dans des comédies populaires. Comment avez-vous appréhendé le personnage de Ty Warner ?
Z.G. : Il peut être considéré comme un méchant, mais je pense qu’il a probablement réussi, car il possède un charme en lui, un charme maladroit que les gens aimaient. Je voulais apporter ce charme parce que, comme beaucoup de chefs d’entreprise, il doit y avoir un élément de séduction pour que les gens investissent dans une personne et sa boîte. Puis, au fur et à mesure que le film avançait, j’ai pu montrer sa face sombre.
L’aspect physique de Ty est important. Ses costumes et son look vous ont-ils aidé à rentrer dans le personnage ?
Z.G. : Oui, bien sûr. Quand les maquilleurs sculptaient mon visage, ou le tiraient pour montrer la chirurgie plastique qu’il subissait, ça m’a beaucoup aidé à rentrer dans le personnage. Cela vous aide vraiment à former son essence. Je portais aussi des vêtements que je n’ai jamais portés dans un film. C’était un type de personnage différent pour moi, plus difficile à jouer. Je l’ai d’ailleurs beaucoup remis en question, même pendant le tournage, de par cet aspect physique particulier qu’il avait. Maintenant, c’est au public de voir s’il est prêt à l’accepter de cette façon.
Le film est marqué par une patte des années 1980 et 1990 dans les costumes, la musique, et les décors. Comment avez-vous travaillé en tant que réalisateurs pour recréer cette atmosphère. Pourquoi ces décennies-là sont-elles si importantes aujourd’hui à la télévision et au cinéma ?
D.K. : Les années 1980 et 1990 sont particulièrement importantes en ce moment parce que les enfants de ces décennies sont désormais des adultes. C’est aussi la dernière grande période qui avait une atmosphère clairement définie, parce que dès qu’Internet est arrivé, on a eu ce lavage culturel de toutes les époques, et les décennies qui ont suivi étaient moins définies.
Pour notre film, nous voulions revenir à cette époque, sans tomber cependant dans le pastiche, ou le cliché des années 1980 et 1990. Nous voulions que ça ressemble à cette époque, certes révolue, mais aussi à un passé dans lequel tout était encore possible. Donc, au lieu d’utiliser des couleurs criardes et la froideur numérique qui symbolisent souvent les années 1990 et la fin des années 1980, nous avons opté pour une teinte chaude pour représenter une sorte de passé ensoleillé et infini. Nous voulions que ça inspire cette fable qui représente cette promesse et l’espérance que les personnages avaient pour l’avenir à l’époque.
« The Beanie Bubble, c’est aussi l’histoire de ces travailleurs qui construisent l’entreprise au nom d’une figure mythologique au sommet, et qui, en fin de compte, prend tout le crédit et tout l’argent pour laisser ces travailleurs sans rien. »
Elizabeth BanksActrice dans The Beanie Bubble
Peut-on dire que The Beanie Bubble est un film féministe ?
K.G. : Complètement. Beaucoup de personnes peuvent se reconnaître dans ces trois femmes (Robbie, Maya et Sheila). Je pense aussi que c’est une histoire d’outsider. Ce sont des gens qui ont dû se battre contre un système qui était déjà truqué à l’avance.
E.B. : Je pense que c’est un film féministe. Kristin aurait pu raconter l’histoire de n’importe qui à travers lui. Mais le personnage de Ty Warner est intéressant, car il a profité des femmes, il pouvait les manipuler. Je pense qu’il y a beaucoup de politique des genres dans le film. Ty est un homme-enfant qui a besoin du soutien émotionnel des femmes, car il ne l’a jamais obtenu de la part des hommes. Il a été abandonné par sa figure paternelle. Il avait besoin de ces femmes dans sa vie, mais pour se sentir puissant vis-à-vis d’elles. Je pense que c’est une dynamique qui est ancrée dans notre société et dont les hommes profitent tout le temps.
Pourquoi le cinéma aime-t-il tant raconter l’histoire les grandes franchises commerciales ? On pense au Fondateur (2016), à Air (2023) ou encore à Tétris (2023).
K.G. : Ces franchises ont été des marqueurs pour beaucoup de gens à l’époque de leur création. Je pense que ceci a participé à leur donner un sens.
E.B. : Ça peut paraître assez simple : les gens achètent des Beanies Babies en masse, mais en réalité, c’est une histoire plus complexe que ça, car ils ont besoin d’appartenir à une communauté et d’avoir le sentiment d’avoir découvert quelque chose avant tout le monde. Ceci a vraiment été motivé par ces mères et femmes au foyer de la banlieue de Chicago qui n’avaient en quelque sorte rien d’autre à faire et se sont senties très puissantes en achetant ces jouets à leurs enfants, en gagnant aussi de l’argent grâce à la revente.
Ces franchises et The Beanie Bubble également, c’est aussi l’histoire de ces travailleurs qui construisent l’entreprise au nom d’une figure mythologique au sommet, et qui, en fin de compte, prend tout le crédit et tout l’argent pour laisser ces travailleurs sans rien. Finalement, c’est quelque chose qui depuis la fin des années 1990 perdure. C’est parce qu’il y a cette panne, encore aujourd’hui, que l’on est tant passionné par ces histoires. Cette mise en perspective est exploitée dans ce film, j’ai trouvé cela vraiment puissant.
Z.G. : Ce sont souvent des histoires d’opprimés, une histoire de haillons vers la richesse. Habituellement, il y a de la richesse en jeu et je pense que les gens sont attirés par cela. Il y a dans la culture américaine et occidentale une réelle énergie à créer une entreprise. C’est un véritable objectif à avoir. Et que ce soit Nike en vendant des baskets à l’arrière de sa voiture, en vendant des livres et des vélos, comme Jeff Bezos l’a fait, ou en vendant des animaux en peluche comme Ty l’a fait, je pense qu’il y a toujours une histoire intéressante d’une entreprise naissante essayant de démarrer, surtout lorsque ces dernières se transforment elles-mêmes en monstres majeurs. C’est ce qu’il s’est passé avec les Beanie Babies. Les gens veulent voir comment ces objets sont construits.