Deux ans après sa sortie dans son pays d’origine, le polar de Soi Cheang est enfin visible dans les salles françaises. À cette occasion, L’Éclaireur vous livre trois bonnes raisons d’aller voir le film au cinéma.
1 Une descente aux enfers d’une noirceur viscérale
Sur le papier, l’histoire de Limbo (2023) peut sembler classique. Will, un jeune policier fait équipe avec Cham, un vétéran torturé aux méthodes parfois violentes et déconcertantes. Ensemble, ils enquêteront sur une série de découvertes macabres : des jeunes femmes sont retrouvées mortes dans des endroits sordides, la main gauche en moins. Pendant ses investigations, Cham recroisera Wong, une jeune femme de son passé qui l’obsède…
En un peu moins de deux heures, le réalisateur Soi Cheang nous plonge dans une véritable descente aux enfers dans les zones les plus pauvres de Hong Kong. Les deux policiers partent à la rencontre des oubliés de la métropole asiatique, croisant sur leur chemin clandestins, prostituées et toxicomanes. Alors que les victimes s’empilent, une course contre la montre commence, culminant dans une scène finale dantesque, laissant le spectateur à bout de souffle. Une radicalité qui ferait passer les polars et thrillers américains pour des promenades de santé. À réserver à un public très averti donc.
2 Un esthétisme à couper le souffle
Pour filmer la traque d’un tueur de femmes hongkongais, Soi Cheang a choisi le noir et blanc. Dès les premières minutes du long-métrage, on est tout de suite bluffé par la beauté des images, contrastant avec la crasse, la moiteur et la pourriture des décors. Des scènes de pluie, comparables à un personnage à part entière du film, viennent sublimer le désespoir des personnages, aux âmes aussi sombres que les ruelles de la métropole.
Pour retrouver la trace du tueur, les deux policiers devront explorer les pires recoins de Hong Kong, la ville s’apparentant parfois à une véritable poubelle à ciel ouvert. Désespérément, Cham et Will fouillent les ordures, où le plastique des sacs poubelle et le carton des emballages se mêlent aux corps humains, devenus eux-aussi les déchets de la métropole. Pas avare en action, Limbo contient également des scènes impressionnantes de poursuite et d’affrontements armés, accélérant le rythme vers une conclusion finale désabusée, annoncée dès les premières minutes.
3 Un réalisateur encore inconnu en France
Déjà auteur d’une quinzaine de films, Soi Cheang n’avait pas encore vu une de ses oeuvres diffusées en France. C’est maintenant chose faite avec Limbo, malgré les deux ans de retard par rapport à sa sortie à Hong Kong. En 2022, le polar avait reçu quatre Hongkong Film Awards (l’équivalent des Oscars en Chine), dont ceux du meilleur scénario, actrice, photographie et décor.
Plus tard en 2023, le film avait été présenté au festival Reims Polar. Après avoir décerné le grand prix à Limbo, le président du jury Cédric Jimenez (Bac Nord, Novembre) avait déclaré : « Pour moi, il n’y avait pas photo : c’était clairement le film le plus au-dessus de la sélection. Je me serais couché en travers de la route pour qu’on lui donne le grand prix ».
Soi Cheang a récemment présenté Mad Fate (2023), son nouveau film. Renouant une nouvelle fois avec le polar, le cinéaste raconte cette fois-ci la rencontre entre un diseur de bonne aventure et une jeune femme avec des pulsions de meurtre. Présenté au festival de Berlin en février 2023, le film n’a pas encore de date de sortie en France. On espère voir la suite de la carrière du Hong Kongais rapidement dans les salles françaises.