Lancée en septembre 2022, elle propose à ses utilisateurs de discuter et de créer des chatbots imitant la personnalité de célébrités.
À l’heure où nous pouvons converser et demander à des chatbots comme ChatGPT d’OpenAI ou Bard de Google, de nous aider à réaliser certaines tâches il est possible d’interagir avec d’autres robots conversationnels imitant la personnalité de… stars. C’est ce que propose Character.ai, une plateforme lancée en version beta en septembre 2022. Elle permet aux internautes de discuter avec des célébrités réelles ou fictives, mais aussi vivantes ou mortes, comme Elon Musk, Hermione Granger, Mario du célèbre jeu vidéo ou encore Michael Jackson.
Son objectif : « Donner vie au rêve de science-fiction de conversations ouvertes et de collaborations avec des ordinateurs. » La plateforme permet même à ses utilisateurs de créer leurs propres chatbots. En mai, elle a lancé son application mobile dans le monde entier, qui a rapidement rencontre du succès avec plus de 1,7 millions de téléchargements en moins d’une semaine.
Collaboration entre humain et ordinateur
Avant d’entrer dans le vif du sujet, revenons sur l’origine de Character.ai. Elle a été créée par deux anciens ingénieurs de Google, Noam Shazeer et Daniel de Freidas. Spécialisés en intelligence artificielle (IA), ils y dirigeaient une équipe de chercheurs à l’origine du système LaMDA. Frustrés par le refus de l’entreprise de lancer des chatbots, ils ont fini par la quitter fin 2021, comme l’a rapporté le Wall Street Journal. Estimant que ces systèmes pourraient révolutionner la recherche et d’autres domaines, ils ont fondé leur startup, Character Technologies, la même année.
De là est née la plateforme Character.ai, qui permet aux utilisateurs de collaborer avec un ordinateur pour écrire un dialogue. « Vous écrivez les lignes d’un personnage et l’ordinateur créé les lignes de l’autre personnage, vous donnant l’illusion que vous parlez avec l’autre personnage », peut-on lire sur son site. Cela est possible grâce à un superordinateur qui lit d’énormes quantités de texte et apprend à « halluciner », c’est-à-dire à inventer, les prochains mots dans une situation donnée.
Outre les célébrités, les internautes peuvent aussi parler avec des chatbots pour les aider au niveau personnel comme professionnel, avec un « psychologue » ou encore un assistant d’IA pour la programmation informatique. Les créateurs de Character.ai espèrent ainsi en faire « un outil utile pour l’imagination, le brainstorming, l’apprentissage des langues et une foule d’autres objectifs que nous n’avons pas encore imaginés ».
Discuter et donner vie à des personnages
Ses créateurs ont lancé une version mobile de la plateforme. Avec un ordinateur ou un smartphone, il est ainsi possible de découvrir et de converser avec des chatbots créés par d’autres internautes et qui disposent chacun de leur propre personnalité. Les utilisateurs peuvent aussi donner vie à leurs propres personnages.
Character.ai propose d’ailleurs deux modes de création. Le premier, Quick mode (mode Rapide), permet de créer un personnage en moins d’une minute, en choisissant son nom, son image, sa visibilité (qui pourra lui parler) et sa phrase d’introduction. « Vous me faites perdre mon temps. Je dirige littéralement le monde », dit par exemple un robot conversationnel imitant la personnalité d’Elon Musk. « Salutations. Je suis Diana, princesse de Themyscira, fille de la reine Hippolyta », en dit un autre imitant Wonder Woman. Le second mode de création, Advanced mode (mode Avancé), permet aux créateurs de « perfectionner leur personnage en utilisant des outils plus puissants ». Il est par exemple possible de soumettre au chatbot des exemples de réponses que celui-ci doit donner, en fonction des questions qu’il reçoit.
Comme OpenAI avec ChatGPT, les créateurs de Character.ai ont aussi lancé un abonnement payant en mai. Pour 9,99 $ par mois, les abonnés bénéficient de plusieurs avantages, comme un accès anticipé à de nouvelles fonctionnalités. Ils peuvent également obtenir plus rapidement des réponses de leurs célébrités préférées.
Un succès accompagné de dangers
Character.ai a beau avoir du succès, la plateforme est loin d’être parfaite et ses créateurs en sont conscients. Le premier problème est lié à son fonctionnement : les personnages inventent les prochains mots qu’ils vont dire. Une tendance déjà vue avec les robots conversationnels comme ChatGPT, et qui peut porter préjudice à des individus. Face à ce risque, Character.ai avertit ses utilisateurs à chaque début de conversation : « N’oubliez pas : tout ce que disent les personnages est inventé ! ». « Ainsi, bien qu’ils puissent être divertissants et utiles à bien des égards, ils peuvent également recommander une chanson qui n’existe pas ou fournir des liens vers de fausses preuves pour étayer leurs affirmations », précise en outre la plateforme dans sa FAQ.
Les chatbots peuvent également oublier des choses. Cela, car « il y a une quantité limitée de contextes de conversation que le personnage peut prendre en compte », expliquent Noam Shazeer et Daniel de Freidas. Ils cherchent actuellement à étendre ces contextes pour éviter que les robots conversationnels oublient des choses lorsqu’elles n’ont pas été « mentionnées récemment ».
Autre problème : selon les conditions générales d’utilisation de la plateforme, il est interdit de télécharger ou de transmettre des contenus violents, pornographiques, nuisibles ou encore de harceler des individus. Elle permet pourtant aux utilisateurs de modeler librement la personnalité de leurs chatbots, notamment avec le mode avancé. À cela s’ajoute le fait que ses créateurs cherchent à permettre la création « de personnages n’étant pas trop polis », vu que les célébrités réelles ou fictives (méchants dans les films et les séries…), ne le sont pas toujours. Ils pourraient aussi bientôt pouvoir lâcher des jurons, mais pas « des termes flagrants tels que des insultes ».
Enfin, alors que les chatbots de la plateforme peuvent uniquement s’exprimer par du texte, ils auront bientôt la possibilité de discuter à l’oral grâce à la synthèse vocale. Une telle fonction devrait ravir les utilisateurs, mais elle peut aussi être dangereuse. Ces personnages pourraient en effet être utilisés pour créer des deepfakes, à une époque où des IA capables de reproduire la voix sont déjà exploitées pour faire tenir des propos choquants à des célébrités ou pour nuire à des individus.