Après La Femme de mon frère et Babysitter, la réalisatrice revient avec Simple comme Sylvain. Présenté au festival de Cannes et attendu ce 8 novembre dans les salles obscures, la cinéaste signe un film profondément beau, drôle et touchant. Rencontre.
Que ressentez-vous aujourd’hui, après avoir présenté Simple comme Sylvain à Cannes ? Rappelons que votre film a été ovationné pendant 7 minutes !
Je suis ravie de revenir ici. Le Festival de Cannes est une rampe de lancement pour les films à l’international. Ce qui est bien, c’est qu’on se dit que notre œuvre va être vue. C’est formidable s’il y a une portée mondiale et si notre message devient universel.
D’autant plus que Simple comme Sylvain a été chaudement accueilli et ça me soulage. Je travaille sur ce scénario depuis cinq ans, donc cette projection était comme un accouchement. J’ai l’impression que 1 800 personnes ont assisté à la naissance de mon bébé et m’ont applaudie pour ça.
Qu’est-ce qui vous a donné envie de raconter cette histoire ?
J’avais envie d’écrire et de raconter une histoire d’amour. C’est le genre de films qu’on a envie de revoir, une sorte de “film doudou”. Quand ma productrice a vu les premiers montages, elle m’a dit : “On est bien dans ce film, on a envie d’y rester ; c’est un bon truc à regarder le dimanche.” L’amour est une thématique universelle, elle parle à tout le monde.
Simple comme Sylvain est aussi une étude sur le couple. Je me questionnais moi-même sur la place qu’il prenait dans ma vie et dans ma tête. J’avais du mal à conjuguer couple, amour, désir et estime de soi. Je me suis confrontée à ces interrogations, et j’ai décidé d’en faire un film.
Vous êtes-vous inspirée de couples que vous connaissez ou de votre propre histoire pour l’écrire ?
C’est un mélange des deux. Je suis très observatrice dans la vie, donc je me suis inspirée à gauche, à droite. Ce ne sont pas des reproductions exactes de mes proches, mais mes personnages sont souvent des mélanges de deux ou trois couples. Je prends une petite partie de l’un, une petite partie de l’autre, et je construis les protagonistes à partir de cette base.
Les dialogues sont très bien écrits et très drôles. Comment les avez-vous rédigés ? Avez-vous capturé des phrases que vous entendiez dans la vie de tous les jours ?
Je pense que tous les auteurs font ça – en tout cas, moi, je le fais. C’est très dangereux d’être à mes côtés. Je dis souvent à mes amis : “Cette phrase, tu vas la retrouver dans mon film !” Je note toujours ce que j’entends et je prends énormément de plaisir à écrire mes dialogues. Je les travaille vraiment jusqu’à la dernière minute, même la veille ou sur le plateau pour changer un mot ou trouver le rythme comique.
Votre film nous interroge sur l’amour et je vous pose la question à mon tour : qu’est-ce que le grand amour et comment savoir si l’on est amoureux ? Finalement, n’est-ce pas quand on ne sait expliquer pourquoi on aime l’autre ?
C’est ce que dit le philosophe Vladimir Jankélévitch à la fin. Sofia [le personnage principal, ndlr] reprend cette idée à travers la parole de Bell Hooks (À propos d’amour). Elle explique que l’amour est un choix et qu’on peut ne pas le subir. Pour moi, il y a plusieurs étapes dans la vie et plusieurs façons d’aimer selon notre rapport à nous-mêmes. L’amour est protéiforme. On ne peut pas juger la raison, ni la manière dont les gens s’aiment.
En revanche, le plus important est de s’aimer assez soi-même pour ne pas entrer dans des schémas toxiques qu’on identifie comme de l’amour. On a été biberonnés et bercés avec ces idées dans notre imaginaire – et ça atteint particulièrement les femmes. Je voulais en parler dans mon film, et dire à ces femmes qu’elles doivent être en mesure de s’aimer assez pour refuser ces comportements et trouver un meilleur équilibre dans leurs relations.
Simple comme Sylvain s’interroge aussi sur les oppositions au sein du couple. Peut-on s’aimer malgré des caractères, des centres d’intérêt et des milieux sociaux différents ?
Les statistiques nous disent que non. À peu près 6 % des gens sortent de leur classe sociale pour vivre une relation amoureuse avec une personne d’une autre classe. C’est vraiment minime. Le couple, c’est un système social et politique. Ça n’a franchement rien à voir avec l’amour. On a lié ces deux concepts dans les années 1970, mais avant, on se mariait par alliance de famille, par alliance monétaire, ou par alliance de tribu.
Donc pour vous répondre : oui et non. Je pense qu’il faut un centre d’intérêt ou une base commune pour que l’amour perdure. Après, il faut se demander ce que l’on recherche dans une relation : est-ce que l’amour nécessite une sexualité ? Est-elle plus importante que la relation intellectuelle ? Ce sont des questions qu’il faut se poser.