Critique

Black Flies : Que vaut le film sélectionné à Cannes avec Sean Penn ?

20 mai 2023
Par Lisa Muratore
Sean Penn et Tye Sheridan dans "Black Flies".
Sean Penn et Tye Sheridan dans "Black Flies". ©FilmNation Entertainment

Avec Black Flies, Jean-Stéphane Sauvaire nous plonge dans le quotidien sombre de deux ambulanciers incarnés par Sean Penn et Tye Sheridan. Un film puissant et nerveux malgré un propos final décousu. Critique.

Sean Penn a décidé de faire le tour des festivals de cinéma cette année. Après être passé par la Berlinale afin de présenter son documentaire sur l’Ukraine, l’acteur américain est de retour sur la Croisette pour Black Flies. Sélectionné en compétition officielle, le film de Jean-Stéphane Sauvaire suit Ollie Cross (Tye Sheridan), un jeune ambulancier new-yorkais, qui va faire équipe avec Rutkovsky, un urgentiste expérimenté et désabusé, incarné par Sean Penn. Au volant de son ambulance et lancé dans la nuit, le tandem va être confronté à une extrême violence jusqu’à découvrir les risques d’un métier qui à chaque intervention ébranle leur santé, et leur croyance.

L’enfer new-yorkais

Jean-Stéphane Sauvaire signe un film coup de poing et immersif. De retour à Cannes après avoir présenté en 2017 Une prière avant l’aube qui retraçait l’incarcération d’un boxeur anglais en Thaïlande pour détention de drogue, le réalisateur a cette fois-ci choisi comme terrain de jeu la grosse pomme. Véritable acteur à part entière du long-métrage, la ville devient le berceau d’une violence perturbante tant pour le spectateur que pour les personnages.

Complètement immergé à travers les images stroboscopiques des gyrophares et le son cacophonique, mais aussi grâce à une mise en scène proche du documentaire, Jean-Stéphane Sauvaire nous plonge dans l’effervescence d’une ville au sein de laquelle personne ne peut échapper à la brutalité. Les patients, mais aussi les ambulanciers sont tous victimes de cet engrenage sombre dont il sera difficile pour les héros d’en sortir.

Sean Penn dans Black Flies.©FilmNation Entertainment

La violence qui gangrène la société, mais aussi la santé mentale – un sujet dont s’empare de plus en plus le divertissement actuel – sont au coeur du long-métrage. Les scènes d’intervention s’enchaînent ; on passe tour à tour d’une fusillade à un accouchement qui tourne mal ; tandis que le délire et la désillusion vont s’emparer des protagonistes.

Un film sombre

À commencer par celui de Tye Sheridan. Révélé par Ready Player One (2018) de Steven Spielberg, et The Card Counter (2021) l’acteur américain s’essaye à un nouveau registre. Plus mature, il dévoile une palette de jeu et d’émotions convaincante face au mastodonte hollywoodien, le charismatique Sean Penn. Les deux acteurs forment un duo interessant, dont la dynamique repose sur l’image du maître et de l’élève, et on ne peut s’empêcher de voir dans le premier la relève du second. Sans s’attarder sur leur passé ou leur parcours, les voilà balancés dans l’enfer new-yorkais.

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Tels des anges déchus, une comparaison qu’a employée Jean-Stéphane Sauvaire durant la conférence de presse cannoise à laquelle nous avons pu assister, ils arpentent la ville bien décidés à venir en aide à ceux qui en ont besoin. Or, plus on avance avec eux, plus ils vont dévoiler une facette sombre, dévorante, perturbante. Cette descente en enfer fonde tout l’intérêt du film qui témoigne d’une intensité qui nous prend aux tripes.

Extrait de Black Flies.

Il faudra toutefois souligner la principale fausse note de Black Flies : ses longueurs. Le récit initiatique d’Ollie s’embourbe dans des scènes finales à rallonge, et le propos se perd dans une succession de scènes émouvantes, violentes, mais aussi psychédéliques, dont on arrive plus à déterminer l’objectif. Cela aura pour conséquence d’offrir une conclusion laborieuse. Black Flies semble sombrer à son tour dans un tourbillon et une ébullition nerveuse, comme pris au piège de son propre sujet. Heureusement, le travail sur la mise en scène, le son, et l’interprétation de ses acteurs sauveront le long-métrage.

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Article rédigé par
Lisa Muratore
Lisa Muratore
Journaliste