À l’occasion du nouvel album d’Étienne Daho Tirer la nuit sur les étoiles, retour sur la carrière du Parrain de la pop française.
Virus X, Boyfriend, Le Phare et Tirer la nuit sur les étoiles, en duo avec Vanessa Paradis… Les quatre extraits annonçaient le nouvel album d’Étienne Daho entre lyrisme orchestral et musique électronique, parcouru par de véritables déclarations d’amour. Depuis plus de 40 ans, l’artiste enchante ses fans avec une pop classe, souvent mélancolique, à l’image de son interprète discret surnommé « Le Parrain de la pop française ». Retour sur la carrière d’un artiste énigmatique, qui n’a jamais voulu se répéter.
De bien jolies flammes
Les premiers articles au sujet d’Étienne Daho se sont souvent trompés : le chanteur n’est pas né à Rennes, mais bien à Oran, en Algérie. Après de premières années insouciantes passées à la station balnéaire de Cap Falcon, à une vingtaine de kilomètres de la ville, la vie d’Étienne Daho bascule le jour où son père abandonne sa famille. Kabyle militaire de formation et musicien, le patriarche prend le livret de famille et fait passer sa nouvelle compagne pour son épouse.
Ce père absent, Étienne Daho le revoit en 1986, un soir d’hiver. Alors que le chanteur connaît le succès avec Pop Satori, il est informé, quelques minutes avant de monter sur la scène de L’Olympia, que son père sera présent avec sa nouvelle famille. L’annonce est un choc pour l’artiste qui refusera par la suite de recevoir la visite dans les coulisses de celui qui lui a un jour dit adieu en Algérie. Cette histoire sera racontée dans le morceau Boulevard des Capucines, publié sur l’album L’Invitation en 2004.
Si Étienne Daho a toujours été discret sur sa vie personnelle, ses traumatismes ont toujours donné lieu à l’écriture de chansons. Ainsi, quelque temps après l’abandon de son père, le chanteur découvre Oran dans les deux dernières années de la Guerre d’Algérie : une ville ravagée où la mort semble omniprésente. Ces visions de corps mutilés sur le trottoir, de sang sur le bitume ont inspiré le morceau De bien jolies flammes, ballade en apparence joyeuse. Ou bien sur l’album Blitz (2017), où Étienne Daho racontait de façon imagée cette péritonite qui a failli lui coûter la vie en 2013, dans le morceau Les Flocons de l’été. L’écriture est une passion pour Étienne Daho, mais aussi une nécessité.
Une figure de la scène musicale rennaise
Passionné obsessionnel de musique (il confie avoir écouté le premier album du Velvet Underground en boucle pendant près d’un an), Étienne Daho se passionne pour les disques de Pink Floyd, de Serge Gainsbourg, des Beach Boys… Alors que le jeune chanteur commence à écrire ses propres morceaux, après plusieurs voyages successifs dans le bouillon culturel de Londres et de Manchester, Étienne Daho fait la première rencontre importante de sa vie : Jacno. Pionnier du punk en France avec les Stinky Toys et sa compagne Elli Medeiros, le musicien deviendra par la suite la figure de la new-wave française avec le morceau Rectangle en 1979.
C’est à l’époque des Stinky Toys que Jacno fait la rencontre de Daho, qu’il aide à enregistrer son premier album, Mythomane en 1981. Après la sortie de ce disque passé inaperçu, Étienne Daho enregistre sa suite, produite grâce à la sortie de son single Le Grand Sommeil. Avec son tube Week-end à Rome et sa pochette iconique créée par le duo d’artistes Pierre et Gilles, La Notte, La Notte (1984) devient le premier succès d’Étienne Daho et marque le début de sa légende.
Album de new-wave délicat et mélodieux, La Notte, La Notte est donc son premier classique, mais aussi un album iconique de la « scène rennaise ». Proche d’Hervé Bordier, futur créateur du festival culte des Transmusicales, le chanteur confie également la production de son deuxième album à Franck Darcel, membre du groupe Marquis de Sade, autre icône locale. À partir de là, tout s’accélère pour Étienne Daho qui signe par la suite Pop Satori (1986), sommet de la pop française, avec les tubes Épaule tattoo, Duel au soleil, et surtout Tombé pour la France, qui fait passer le chanteur dans une autre dimension.
Le Parrain
Dans les années 1980, Étienne Daho est une véritable star. Avec le succès de Pop Satori et de Pour nos vies martiennes (1988), d’où seront tirés Bleu comme toi et Des heures hindoues, l’artiste devient un gros vendeur de disques et une personnalité à part sur la scène française. Passerelle entre la culture anglo-saxonne dont il se réclame et la chanson française, Étienne Daho devient également une figure queer en laissant planer le doute sur sa sexualité et en s’engageant publiquement pour le Sidaction.
Un engagement aux répercussions étonnantes : le début des années 1990 est marqué par la rumeur persistante de la mort de l’artiste. Le chanteur s’en amuse en 2005, sur le plateau de Thierry Ardisson : « J’était en plein burn-out à l’époque. Je vivais à l’étranger, je pensais que la rumeur allait s’estomper rapidement… » Après cette période sombre au cours de laquelle Étienne Daho envisage même le suicide, il se retire des médias et devient plus rare, cultivant sans le vouloir cette légende de « Parrain de la pop ».
Si l’image d’Étienne Daho est indissociable de la new-wave des années 1980, sa discographie n’en est pas moins intéressante depuis les années 2000. Enregistrée avec le guitariste de Chic Nile Rodgers, Dominique A et la chanteuse de Blondie, Debbie Harry, Les Chansons de l’innocence retrouvée (2013) s’impose comme l’un des meilleurs albums du chanteur, prouvant au monde qu’il n’était pas qu’une légende, mais aussi un artiste contemporain à part entière.
Et si Étienne Daho occupe une place aussi importante dans le paysage musical français, c’est certes grâce à sa musique, mais aussi à son sens du partage et sa curiosité sans borne. De 2017 à 2019, la Philarmonie de Paris proposait ainsi l’exposition Daho l’aime pop !, rétrospective de la musique populaire à travers les yeux du chanteur. L’artiste rendait alors hommage à ses confrères, proposant même une sélection de morceaux dans le livret de l’exposition, de Lio au groupe Catastrophe, en passant par Isabelle Adjani. « Je n’ai pas de plaisir coupable, j’assume tout ce que j’écoute, tant que c’est bien », expliquait Daho au micro d’Antoine de Caunes dans l’émission Popopop.
Cette curiosité pour l’évolution de la musique, la nouvelle génération lui rend bien et le chanteur collabore régulièrement avec cette dernière. On en veut pour preuve le morceau Mortelle, enregistré avec l’artiste électronique Rone, et Virus X avec Italoconnection, premier extrait de son nouvel album Tirer la nuit sur les étoiles.
Après les expérimentations de l’album Blitz, Étienne Daho est de retour avec Tirer la nuit sur les étoiles, douzième album studio d’une grande carrière. À son écoute, pas de doute possible : le chanteur n’a rien perdu de sa classe, ni de sa pertinence.