ChatGPT, Bard, Bing… Les IA qui font l’actualité nous viennent des États-Unis. La France peut-elle tirer son épingle du jeu ?
À l’image du secteur du numérique, l’intelligence artificielle, en particulier générative comme ChatGPT, est dominée par les États-Unis qui ne cessent de progresser en la matière. En Asie, la Chine veut créer ses propres modèles par méfiance envers les États-Unis, mais qu’en est-il en Europe et en France ? Si les idées et les cerveaux ne manquent pas, il existe cependant des freins à l’innovation.
Un pays trop frileux ?
Dans le secteur du numérique, que ce soit pour la réalité virtuelle, la santé ou l’intelligence artificielle, les entrepreneurs expriment les mêmes frustrations : alors que les startups américaines obtiennent des financements élevés rapidement, la France est plus à la traîne et les investissements sont à la baisse. « Ce qui est dingue, c’est qu’on a la matière grise en France, c’est une évidence, affirme Olivier Zetlers, fondateur de l’IA générative Yokai. La matière grise est là, les écoles sont là. Le problème, c’est vraiment les financements et l’émulation. »
Même si le secteur de la tech américain licencie en masse, y compris chez les Gafam, l’ambition, l’émulation et les salaires élevés peuvent attirer les meilleurs profils français dans les grandes entreprises.
Même constat chez les startups, qui doivent parfois partir aux États-Unis pour déployer leurs ailes, à l’instar de Hugging Face, entreprise créée par trois Français qui ont dû s’installer à New York il y a six ans pour lever suffisamment de fonds, comme l’a expliqué le cofondateur Thomas Wolf à BFMTV : « L’IA paraissait tellement loin à l’époque, c’était impossible de lever des fonds en France en se plaçant à aussi long terme. » Aujourd’hui, cette plateforme open source devenue incontournable dans le domaine de l’IA est valorisée à 2 milliards de dollars.
Ce que les entrepreneurs reprochent essentiellement à la France, c’est qu’elle n’a pas su anticiper les progrès des IA pour soutenir les entreprises et les chercheurs. Le pays a plutôt tendance, au contraire, à prendre le train en marche quand il y a un emballement médiatique, comme avec le métavers et les NFT l’année dernière. « Je pense que des choses sont en train d’être faites, estime Olivier Zetlers. Ça me paraît très normal et rassurant, mais ça arrive un peu tard. »
Des attentes au niveau éthique
Selon lui, l’Europe est particulièrement attendue au tournant sur les volets de l’éthique et de la réglementation de l’intelligence artificielle, comme elle l’avait fait pour le RGPD par rapport aux données : « Je pense que c’est là qu’on est attendus. C’est là où on est fort, où on est crédibles et écoutés. L’Europe est vue comme un organe un peu régulateur. Il va donc falloir vraiment identifier et lister les failles que peut engendrer l’IA et les risques qu’elle peut créer pour la société si ça s’emballe trop. »
À un moment où l’IA fait des progrès fulgurants, qu’elle a un énorme potentiel, mais qu’elle peut également causer de nombreux problèmes pour la société, il sera forcément nécessaire de réfléchir à des limites et des bonnes pratiques éthiques. Plusieurs organismes européens s’attaquent déjà à ces questions, comme la Cnil (et ses équivalents dans d’autres pays) qui s’intéresse à ChatGPT sur la question des fausses informations et des données personnelles, ou encore Europol qui s’inquiète de l’utilisation de ces intelligences artificielles par les cybercriminels, que ce soit pour rédiger des messages d’escroqueries ou programmer des virus. Si réfléchir à l’éthique et aux conséquences de ces technologies est évidemment primordial, l’Europe saura-t-elle faire la différence entre prudence et pessimisme ?