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Les jeux vidéo sont-ils (enfin) accessibles aux joueurs en situation de handicap ?

16 avril 2023
Par Marion Piasecki
Les jeux vidéo sont-ils (enfin) accessibles aux joueurs en situation de handicap ?
©Frame Stock Footage/Shutterstock

Après trop d’années dans le déni, l’industrie du jeu vidéo prend conscience de l’importance de l’accessibilité. Mais est-ce suffisant ?

La question de l’accessibilité pour les utilisateurs en situation de handicap touche tous les domaines du numérique et les jeux vidéo n’y font pas exception. Alors que cette problématique était complètement ignorée, depuis plusieurs années les choses bougent enfin chez les constructeurs et éditeurs de jeux. L’occasion de faire un état des lieux et d’aborder le cas de la France en particulier.

Une problématique complexe

S’il est difficile de rendre tout accessible à tout le monde, c’est parce que les handicaps et les besoins sont très variés, comme l’explique Maxime Viry, cofondateur et CEO de Be Player One : « On a tendance à penser que le handicap n’est que moteur (une paralysie par exemple), alors même que cela ne représente que 10% des personnes en situation de handicap. On oublie ainsi trop souvent qu’il y a d’autres types de handicap. Certains sont visibles, comme les handicaps auditifs, visuels ou mentaux, mais la grande majorité sont invisibles : les handicaps psychiques, cognitifs, ou liés à des maladies invalidantes comme le cancer, l’insuffisance cardiaque et le diabète. » De plus, certains handicaps sont évolutifs, donc les besoins d’un même joueur peuvent changer avec le temps. C’est pour ces raisons qu’il n’y a pas une seule solution pour rendre un jeu vidéo accessible, il est nécessaire d’ajouter de nombreuses fonctions.

Les éditeurs communiquent rarement sur les différentes fonctions qu’ils mettent en place, donc les joueurs doivent faire leurs propres recherches avant d’acheter un titre pour ne pas risquer de dépenser de l’argent pour rien.

Selon lui, les joueurs en situation de handicap sont confrontés à trois problèmes : le manque d’accessibilité des jeux vidéo (pas de fonctions spécifiques), le manque de solutions hardware (difficile de trouver des manettes adaptées qui soient financièrement accessibles) et le manque d’informations sur le niveau d’accessibilité des jeux vidéo. Les éditeurs communiquent rarement sur les différentes fonctions qu’ils mettent en place, donc les joueurs doivent faire leurs propres recherches avant d’acheter un titre pour ne pas risquer de dépenser de l’argent pour rien.

Quelles solutions ?

Pour répondre à une telle diversité de besoins, il existe de nombreuses fonctions d’accessibilité : « Certains jeux comme The Last of Us Part II, grande référence en matière d’accessibilité, incluent plus de 60 options. » On ne va pas toutes les citer ici, mais voici quelques exemples de fonctions inclues dans différents jeux : pour les personnes sourdes et malentendantes, des sous-titres et une compensation des informations sonores par des informations visuelles ; pour les joueurs ayant un handicap moteur, pouvoir choisir quelle touche correspond à quelle action (remapping) et verrouiller automatiquement des cibles dans les jeux de tir ; pour les personnes photosensibles ou ayant des troubles de l’attention, désactiver les arrière-plans dynamiques, etc.

Des contrastes élevés peuvent être utiles pour les joueurs malvoyants, en particulier dans des univers sombres comme dans The Last of Us Part II.©Naughty Dog

Du côté du hardware, c’est-à-dire de l’équipement, il existe des manettes spécialisées. Par exemple, elles peuvent être hypersensibles, utilisables avec une autre partie du corps comme le pied ou le menton, ou encore être fixées sur un support ou un bras articulé pour les fauteuils roulants.

Ces solutions auraient bien plus de mal à être concrétisées sans un écosystème qui les soutient. Maxime Viry constate cependant que « l’Amérique du Nord a un train d’avance sur la question de l’accessibilité des jeux vidéo relativement au Vieux Continent. En France, le sujet commence à intéresser après avoir été longtemps laissé de côté ». Une grande partie de l’écosystème français sur cette question vient encore de l’associatif avec deux types d’associations : celles spécialisées dans l’accessibilité des jeux vidéo comme Handigamers et celles parlant plus généralement de handicap comme AFM et APF France Handicap. Elles permettent non seulement de communiquer sur les outils qui existent, mais aussi de participer au financement de l’achat de matériel et des déplacements à des événements gaming.

Pour les acteurs privés, « il existe une myriade de petites structures travaillant de près ou de loin sur le sujet, explique Maxime Viry. Be Player One est cependant la seule société à s’intéresser à la mise en accessibilité des jeux vidéo en France, et la seule au monde à le faire sous le prisme de la technologie. »

Parmi les équipements spécialisés, l’AGF1rst Touch et le Fantastick sont des contrôleurs hypersensibles pour les joueurs ayant peu de force et d’amplitude de mouvement.©Accessible Gaming First

Les mentalités évoluent

Après de longues années de système D et de frustration de la part des joueurs ayant un handicap, les constructeurs et les éditeurs de jeux ont fini par s’intéresser à l’accessibilité et la voient même comme quelque chose de positif : « Là où ils n’ont vu pendant longtemps en l’accessibilité qu’un ajout de contraintes de développement et des coûts supplémentaires dans la création, ils voient aujourd’hui l’importance pour les handigamers, mais aussi l’intérêt financier : avec une personne sur six dans le monde qui déclare vivre avec un handicap, c’est une part de marché considérable ! ». Logitech avait ainsi mis en vente des accessoires adaptés fin 2019 et Microsoft a dévoilé les siens fin 2022. Pour donner plus de visibilité et de valeur à l’accessibilité, les Game Awards ont lancé une catégorie « meilleure innovation en accessibilité » en 2020. Même s’il y a encore du chemin à parcourir, Maxime Viry considère que cette prise de conscience et ces progrès sont très encourageants : « La démocratisation progressive du sujet du handicap nous laisse quoi qu’il en soit espérer de futures grandes innovations pour les années à venir ! »

« Sven van de Wege, non voyant, fait partie des meilleurs joueurs mondiaux de Street Fighter. Chaque personnage, mouvement, action, a pour lui un son qui lui est propre, qu’il a appris par cœur, afin de se représenter le jeu. »

Maxime Viry

Du côté des joueurs eux-mêmes, les modèles restent rares, mais ils existent. Certains streamers n’hésitent pas à parler ouvertement de leur handicap, à l’instar d’Étoiles, qui plaisante régulièrement sur son diabète de type 1 et avait expliqué cette maladie dans le très populaire talk-show Popcorn sur Twitch. Dans l’esport, l’équipe française Rebird est la première équipe de handi-esport au monde, tandis que d’autres équipes « classiques » intègrent directement des joueurs handicapés. Autre exemple, « Sven van de Wege, non-voyant, fait partie des meilleurs joueurs mondiaux de Street Fighter. Chaque personnage, mouvement, action, a pour lui un son qui lui est propre, qu’il a appris par cœur, afin de se représenter le jeu. » Comme pour les athlètes handisport de haut niveau, le problème des handi-esportifs, au-delà de l’accessibilité, se situe également dans l’absence de financement et de sponsors.

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Article rédigé par
Marion Piasecki
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Journaliste
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