Le champion de la catégorie « Initié » du Festival (ludique) de Cannes a aussi remporté l’assentiment de notre rédaction.
Nous n’aurions pas aimé être à la place du jury au moment de choisir l’As d’or dans la catégorie « Initié » cette année. En effet, parmi les trois nommés, Alice Is Missing et Turing Machine étaient deux véritables pépites, particulièrement innovantes et immersives, bien difficiles à départager. Voilà peut-être pourquoi les jurés ont récompensé le troisième challenger : Challengers !, justement.
Oui, oui, le jeu étrange avec un poussin géant, un dinosaure et une super-héroïne sur la boîte. Une sorte de Gloubi-boulga ludique, un peu tape à l’œil, mais à la proposition moins originale que son apparence, puisque Challengers ! repose sur le principe de… la bataille. Rien de bien incroyable, de prime abord, mais, après quelques parties, nous sommes forcés de reconnaître que nous avions eu bien tort de regarder ce petit titre de haut. S’il ne faut pas juger un livre à sa couverture, il ne faut pas non plus snober un jeu en se fiant seulement à sa boîte.
Bien plus qu’une simple bataille
Malgré sa thématique en apparence assez primaire, ce jeu de deck-building cache de nombreuses subtilités. Oui, nous n’hésitons pas à employer le terme de « subtile » pour parler de ce qui se présente comme un tournoi de baston entre plusieurs équipes loufoques dont les joueurs incarnent les sélectionneurs.
Et en même temps, s’il a atterri en catégorie « Initié », c’est bien qu’il réservait quelques surprises tactiques. On l’a dit, le concept de base est assez simple : il faut piocher dans son deck – placé face cachée – des cartes dont la valeur doit dépasser celle de la carte adverse. Cela permet de remporter le drapeau placé au centre du terrain d’affrontement.
Lorsque l’un des joueurs a révélé toutes les cartes de son deck, la manche prend fin et celui qui détient le drapeau remporte des points de victoire qui serviront à désigner le grand gagnant à l’issue des sept manches d’une partie. Dit comme ça, ça sonne plutôt simpliste, cette affaire. Mais c’est là qu’une kyrielle de petites règles entrent en scène pour pimenter le jeu.
Par exemple, s’il y a plus de deux challengers, la partie se joue en duels organisés sur plusieurs terrains d’affrontement, avec des participants qui s’invitent parfois sur le champ de bataille de leurs voisins. La composition du deck et la sélection de nouvelles cartes pour le renforcer demandent également un peu de réflexion, à cause des pouvoirs et des synergies que certaines d’entre elles peuvent déclencher.
Enfin, la mauvaise gestion d’un banc de « blessés » pourra entraîner la défaite d’un sélectionneur. Ainsi, on se rend bien compte, une fois les premières manches d’échauffement passées, qu’on ne peut pas s’en remettre entièrement à la chance et qu’il va falloir se montrer fin stratège.
Très vite, on s’intéresse à la complémentarité des cartes, on calcule sur le long terme et on croise aussi un peu les doigts, quand même, pour sortir le bon atout au bon moment. Bref, on se prend au jeu et on laisse tomber ses a priori un peu snobs pour plonger dans la mêlée en riant.
Pas seulement pour les initiés
À force d’ajouter des subtilités à la mécanique de base, les créateurs de Challengers ! auraient pu le complexifier à outrance, mais ce n’est vraiment pas le cas et, bien qu’il soit classé parmi les jeux « Initiés », on aurait presque tendance à le compter dans la catégorie « grand public ». En effet, toutes les petites règles complémentaires sont assez vite intégrées par les joueurs et on n’a aucun mal à imaginer ce jeu animer les dimanches après-midi d’une famille.
Chacun pourrait y trouver son compte : le côté stratégique pour les adultes et l’aspect jouissif de terrasser l’adversaire pour les enfants. D’autant que l’esthétique assez cartoonesque du matériel aide à faire passer en douceur les règlements de compte qui ne manqueront pas d’avoir lieu durant le tournoi.
Car c’est bien tout l’intérêt de ce jeu qui, s’il dispose de règles pour des parties en solo, dévoile tout son potentiel à partir de quatre concurrents acharnés. Et même si l’âge minimum recommandé est de 10 ans, il y a de bonnes chances pour que ses mécaniques parlent au plus grand nombre. La bataille, tout le monde connaît, et les notions de base des jeux de deck-building sont de plus en plus répandues du fait du succès d’applications comme Hearthstone ou Marvel Snap, dont se rapproche beaucoup Challengers !.
Voilà pourquoi nous sommes bien obligés de nous excuser auprès de Johannes Krenner et Markus Slawitscheck : de bêtes a priori ont failli nous faire passer à côté de leur jeu. Heureusement que le jury des As d’or n’a pas fait cette erreur, car Challengers ! a vraiment le potentiel pour transformer des soirées entre amis ou en famille en grandes batailles hilarantes.