Disponible ce vendredi 30 décembre sur Netflix, White Noise est le troisième film que Noah Baumbach réalise pour la plateforme. Si le long-métrage nous embarque à nouveau au cœur de la sphère familiale, difficile toutefois de comprendre le propos plus large qui se dégage de cette œuvre. Critique.
Trois ans après Marriage Story (2019), Noah Baumbach poursuit sa collaboration avec Netflix. Cette fois-ci, le réalisateur américain a décidé de s’attaquer au roman de Don Delillo, Bruit de fond (1985). Pour l’occasion, il retrouve un Adam Driver méconnaissable sous les traits d’un professeur d’université charismatique du nom de Jack, ainsi que sa collaboratrice fétiche, sa femme Greta Gerwig. L’actrice et réalisatrice incarne, quant à elle, une mère de famille du nom de Babette.
Avec White Noise, Noah Baumbach dresse le portrait d’une famille recomposée. Difficile de ne pas penser aux thématiques de prédilection du cinéaste lorsque l’on découvre ce joyeux bazar : une fois de plus, il met en scène le couple, la famille, sa destruction, ainsi que les obstacles qu’elle va rencontrer.
Seulement, on dépasse ici le cadre intime pour une histoire plus universelle qui va questionner des grands thèmes de société. Le ressort scénaristique de l’accident chimique permet de donner une plus grande ampleur à White Noise, là où The Meyerowitz Stories (2017) et Marriage Story (2019) dépeignaient avec sensibilité et pudeur des règlements de comptes familiaux, ainsi que le divorce d’un couple.
Noah Baumbach change d’échelle
Il y a dans le film White Noise une certaine frénésie qui contraste avec le reste de la filmographie de Noah Baumbach. Le ton alterne sans arrêt entre la comédie, le film d’horreur catastrophe et le drame plus classique hollywoodien dans lequel s’ancre cette famille recomposée. Un triptyque intéressant qui offre une nouvelle envergure à l’œuvre du cinéaste et qui apporte du rythme au long-métrage. Toutefois, cette exaltation de mise en scène se fait souvent au détriment du propos, sans que les spectateurs y trouvent une cohérence.
Les thématiques s’enchaînent à une vitesse folle et White Noise s’écroule par instants sous le poids des nombreux sujets qu’il aborde. La saturation médiatique de la vie quotidienne, la consommation effrénée, la quête de la nouveauté, la dépendance aux médicaments, la désintégration de la famille, les catastrophes d’origine humaine et la violence endémique de la société américaine… Tous les travers de la société capitaliste sont passés au crible sans cette satire, le film apocalyptique servant finalement de simple prétexte pour aborder toutes ces thématiques.
Une tentative manquée ?
À première vue, ces ruptures de ton offrent un point de vue intéressant qui donne à réfléchir, sans toutefois nous offrir d »explication. Il faut dire que s’attaquer à l’œuvre de Delillo est un vaste pari, qui peut se révéler dangereux au cinéma. On sent bien que Noah Baumbach a voulu adapter le plus fidèlement possible le roman de l’auteur, mais qu’il ne parvient pas totalement à donner une conclusion satisfaisante. Il en ressort une indigestion parfois agaçante dans laquelle les genres cinématographiques et les thématiques se mélangent. Le film fait davantage office de démonstration que de véritable quête de sens, bien que le titre White Noise (bruit blanc ou bruit de fond en français) puisse être appréhendé comme une métaphore intéressante du chaos qui envahit tous les pans de la société moderne.
D’un point de vue plus intime, cependant, le cinéaste prouve encore une fois qu’il sait filmer les scènes de famille, dysfonctionnelles, faites de faux-semblant, mais aussi le questionnement personnel de chacun sur l’amour ou la mort. Ceci associé au ton caustique du long-métrage nous rappelle des créations telles que la série Years & Years (2019) qui prenait le point de vue d’une famille britannique prise entre ses considérations personnelles et celles du monde.
White Noise arrive également à point nommé sur la plateforme, un an après le fameux Don’t Look Up d’Adam McKay, qui, comme le film de Noah Baumbach, fait office de présage obscur sur l’état de nos sociétés et de bilan de fin d’année peu reluisant. Les deux œuvres se font étrangement écho et soulignent le regard que portent cinéastes et showrunners d’aujourd’hui sur l’avenir, au même titre que des écrivains modernes tels que Delillo dans les années 1980. Ceci apporte du poids à White Noise. Seulement, contrairement à Don’t Look Up, le film apparaît plus complexe et le cadre moins bien délimité.
Malgré plusieurs longueurs et un propos qui a du mal à se concrétiser, il faut toutefois souligner la prestation du casting. Adam Driver et Greta Gerwig excellent dans leurs rôles, entre drôlerie et sensibilité. On soulignera également la photographie, qui évolue au fil des événements, ainsi que la patte rétro des costumes et des décors, inspirée des années 1980.
En définitif, et malgré plusieurs ressorts intéressants, White Noise apparaît comme une tentative échouée de Noah Baumbach. Le cinéaste a voulu s’attaquer à une œuvre bien trop large pour le cinéma. Les nombreuses thématiques sociétales, mises en perspective avec la sphère familiale, apportent certes une nouvelle envergure en termes de mise en scène, mais témoignent également d’une accumulation trop lourde dans l’appréhension de son sujet.
Le scénario est verbeux, sans que l’on comprenne où Noah Baumbach veut nous emmener. Tout y passe, des névroses de notre monde à la surconsommation, en passant par la condition humaine, avec la sensation que ces thématiques satirico-apocalyptiques ont déjà été vues et revues au cinéma. Car si, en 1985, le roman dépeignait avec une précision incroyable l’avenir de la société outre-Atlantique et du monde, son adaptation cinématographie en 2022 apparaît moins inédite et semble faire beaucoup de bruit pour rien.
White Noise, de Noah Baumbach, 2h16, avec Adam Driver, Greta Gerwig et Don Cheadle. Le 30 décembre 2022 sur Netflix.