Évolutif ou doté de composants recyclés, le smartphone a un coût écologique qui peut – et doit – être réduit. Mais les utilisateurs doivent aussi faire un effort supplémentaire pour le garder le plus longtemps possible… et contribuer à son recyclage.
En 2022, 5,3 milliards de smartphones vont être jetés selon un rapport du forum international sur les déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE) paru le 13 octobre dernier. Autant de téléphones qui ne seront pas recyclés et dont on ne pourra pas réutiliser certains des 400 composants, à commencer par les métaux précieux.
Par définition, un smartphone n’est pas écologique
Tungstène, lithium, tantale, indium, magnésium, or, étain… du cuivre pour les fils, du cobalt dans les batteries, nos téléphones foisonnent de métaux précieux et rares. Et il serait beaucoup plus simple, plus écologique et moins coûteux de désosser et recycler un appareil vétuste plutôt que d’accroître l’extraction de minerais et toute la pollution qui en découle. Grâce au désassemblage d’une tonne de smartphones, on peut ainsi récupérer quelque 300 grammes d’or.
En prenant en compte les différents lieux d’extraction des métaux, de fabrication, de vente, etc., un smartphone fait quatre fois le tour du monde avant d’atterrir entre nos mains, selon l’Ademe, l’agence de la transition écologique.
Par définition, un smartphone n’est donc pas écologique. Mais des efforts sont possibles, que ce soit lors de la fabrication, en allongeant sa durée de vie ou en le désassemblant pour en récupérer les composants. À l’instar d’Apple qui utilise depuis 2018 un robot maison, baptisé Daisy, capable de désosser jusqu’à 1,2 million d’iPhone par an. Deux exemplaires existent dans le monde : un à Austin (Texas), l’autre à Breda, aux Pays-Bas.
Fairphone : le smartphone le plus écolo… qui ne l’est pas tant que ça
Mais, au-delà du recyclage, peut-on pour autant fabriquer un smartphone écologique ? On pense immédiatement à la marque Fairphone. Ce téléphone portable modulable, fabriqué avec une empreinte environnementale réduite et des méthodes de travail équitables est séduisant. Surtout, la promesse de Fairphone est une vraie réparabilité et une évolutivité qui doivent permettre de ne pas avoir à racheter de smartphone pendant de longues années. Et c’est crucial : on estime en effet que les 3/4 des émissions de CO2 de l’industrie du smartphone proviennent de la fabrication de l’appareil, du transport (avion, bateau ou camion) et de la première année d’usage.
Le hic, c’est que Fairphone n’avait pas anticipé une certaine forme d’obsolescence non programmée : un logiciel que l’on ne peut plus mettre à jour (Android) ou encore des composants trop datés et qui ne sont donc plus fabriqués. Résultat : l’évolutivité annoncée sur le premier modèle n’a pas fait long feu. Il a été mis sur la touche quatre ans seulement après son lancement.
Dur, dur. Mais la marque a appris de ses erreurs et, dix ans après ses débuts, en est aujourd’hui à son quatrième modèle (cinq si on prend en compte le Fairphone 3+). Lancé à l’automne 2021, celui-ci est vendu 579 euros.
« Personne ne peut garantir que ses produits sont “totalement propres”. »
Eva GouwensPDG, Fairphone
« Vous payez environ 100 euros de plus que pour des modèles comparables, explique Eva Gouwens, PDG de Fairphone. Mais, en contrepartie, nous faisons des efforts supplémentaires au niveau des conditions de travail, de l’environnement et de la réparabilité. » Cependant, malgré tous les efforts sur la traçabilité des composants et des matériaux, Fairphone n’est pas en mesure à l’heure actuelle d’affirmer que son smartphone est réellement éthique et écologique.
Conditions de travail dangereuses, métaux rares dont l’extraction est polluante ou qui a lieu dans des zones de combat… Fairphone préfère jouer la transparence plutôt que de botter en touche. « C’est non seulement un signe de crédibilité, mais aussi le premier pas vers l’amélioration. Personne ne peut garantir que ses produits sont “totalement propres” », assure-t-elle. Un pari qui porte ses fruits : la marque néerlandaise a vendu en moyenne 90 000 appareils par an en 2020 et 2021.
Des efforts chez les autres constructeurs
Si les principaux fabricants du marché sont loin d’avoir adopté les mêmes principes que Fairphone, on note cependant de vrais efforts ces dernières années. « Les constructeurs ont grandement amélioré la fiabilité des produits, reconnaît Charles Bocquillon, directeur général de Save, enseigne de réparation de smartphone. On a vu une vraie différence entre l’iPhone 11 et l’iPhone 12 chez Apple, par exemple. En cinq ans, nous avons enregistré une réduction par quatre des pannes. »
Et d’ajouter : « Alors que le rythme de renouvellement d’un smartphone était de 18 mois en 2017, il est désormais de 30 mois en moyenne en 2022. » C’est l’iPhone qui a la plus grande durée de vie en moyenne, selon différents sondages. Ce dernier est utilisé entre quatre et huit ans, tandis qu’un modèle Samsung a une durée d’utilisation comprise entre trois et six ans. Derrière, la durée de vie est moindre : deux à quatre ans pour un Huawei ou un Xiaomi, et deux à trois ans pour les modèles de la marque Oppo.
Fairphone, Samsung et Apple en tête de l’indice de réparabilité
Le smartphone d’Apple est celui qui garde le plus de valeur dans le temps et, avec les mises à jour régulières, sa réparation éventuelle se justifie davantage que pour un modèle Android. En outre, selon le classement Greenpeace des marques d’électronique grand public, Apple se place deuxième, juste derrière Fairphone. Châssis 100 % en aluminium recyclé, or recyclé certifié… Près de 20 % de l’ensemble des matériaux utilisés dans les produits Apple en 2021 étaient recyclés.
En revanche, si l’indice de réparabilité place encore le Fairphone en tête, c’est Samsung qui décroche la deuxième place, devant Apple. En la matière, la marque à la pomme a encore des progrès à faire, mais assume aussi sa position : elle préfère un produit avec une meilleure longévité, même si cela signifie que sa réparabilité sera moindre (composants peu accessibles, démontage complexe, etc.).
