Critique

Cascadia : le jeu paisible qui fait beaucoup de bruit

12 octobre 2022
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Cascadia : le jeu paisible qui fait beaucoup de bruit
©Lucky Duck Games

Le jury du Spiel a rendu son verdict : Cascadia est le jeu de société de l’année. Votre mission sera de vous rendre dans le Nord-Ouest des États-Unis, de façonner des paysages somptueux et d’y faire vivre des animaux sauvages. Zénitude, harmonie, nature… Cascadia est une immense réussite ludique qui remplit les poumons d’air frais.


Chaque discipline artistique à son prix prestigieux. Pour les jeux de société, il s’agit des Spiel de Jahres, décernés chaque année à l’ouverture du salon des jeux d’Essen en Allemagne, le plus gros événement ludique du monde.

L’oscar des jeux !

Cette récompense, créée en 1978, est décernée par un jury composé de journalistes spécialisés. Les jeux sont décortiqués et notés selon leur originalité, la fluidité de leurs règles, leur direction artistique et la pertinence de leurs mécaniques. Le prix se divise en trois catégories : le meilleur jeu jeunesse (kinderspiel), le meilleur jeu expert (kennerspiel) et, enfin, le meilleur jeu de l’année (Spiel de Jahres). Récompense remportée cette année par Cascadia, véritable réussite ludique doublée d’un beau succès en boutique. Constat d’autant plus étonnant que son auteur n’est pas (encore) un concepteur de jeux confirmé.

Cascadia, de Randy Flynn.©Lucky Duck Games

Dans les contrées de Twin Peaks

Randy Flynn, le créateur de Cascadia vit dans la région de Seattle, au nord-ouest des États-Unis, au milieu des paysages de la célèbre série de David Lynch. Première création de Flynn, le jeu est une ode à sa région. Cascadia n’est pas une région administrative à proprement parler, mais son nom désigne les paysages entourant la Columbia River. Elle traverse plusieurs États, de l’Alaska à l’Oregon, en passant par Washington.

Après la conception de nombreuses versions inabouties, Cascadia a réussi à trouver preneur auprès d’un éditeur. Randy Flynn insiste sur l’aide reçue par un groupement d’auteurs locaux, sans lequel la version finale n’aurait jamais vu le jour. Un réseau qui a permis à Flynn de tester son jeu auprès de professionnels aguerris et qui lui a ouvert les portes des éditeurs. Aujourd’hui, fort du succès (triomphe) de Cascadia, Randy Flynn prépare le lancement de sa nouvelle création : Tabriz. Cette dernière devrait faire l’objet d’une campagne de financement participatif dans les prochains mois.

C’est quoi ce jeu de tuiles ?

Cascadia fait partie de la famille des jeux dits de collection et de placement de tuiles : les joueurs ont pour objectif de composer les magnifiques paysages de cette région. Pour ce faire, ils ont à leur disposition un tas de tuiles (dont la quantité diffère en fonction du nombre de joueurs) symbolisant un ou plusieurs éléments de paysage (montagnes, rivières, plaines, forêts, marécages). Également à leur disposition, des pions représentant un animal (ours, wapitis, saumons, buses et renards).

©Lucky Duck Games

Le principe du jeu est alors simple : composer un paysage harmonieux avec des étendues de même type les plus vastes possibles, tout en disposant les animaux de façon à remplir une mission tirée au hasard en début de partie (établir la plus grande ligne de saumons possible, créer des groupes d’ours adjacents, avoir les buses isolées…). À chaque tour, un joueur doit piocher une tuile de paysage et récupérer l’animal qui lui est associé. Les tours se suivent jusqu’à ce que la dernière tuile soit posée. Les comptes sont alors faits pour désigner le vainqueur, sachant que plus une surface est grande et plus elle rapporte de points.

Facile à comprendre, difficile à maîtriser

Si les règles sont simples, leur exécution l’est beaucoup moins. Des contraintes sont évidemment au rendez-vous. À chaque famille de paysage sont associés un ou plusieurs animaux qui réduisent les choix d’habitats. Il est par exemple totalement interdit de placer un saumon dans un paysage si son logo en est absent. Toute la subtilité du jeu réside dans la gestion de ses choix. Vous mourez d’envie de prendre une tuile « montagne » afin d’agrandir votre chaîne, mais vous voyez qu’il sera impossible de placer l’ours que vous allez récupérer… Le wapiti qui vient d’être pioché vous tend les bras pour finir un objectif, mais la tuile paysage qui lui est associée viendra briser l’harmonie de votre paysage…

Afin de réduire la composante hasard de la pioche et de ne pas condamner les malchanceux, Cascadia donne la possibilité de gagner des pions « nature ». Ils autorisent alors, lorsqu’ils sont joués, à échanger l’animal qui est associé à une tuile paysage ou à se défausser d’un pion animal peu inspirant. Une action précise au cours du jeu permet de gagner ces pions nature : placer un animal sur une tuile « paysage unique avec logo animal unique ». Il est aussi possible de les thésauriser. Chacun rapporte en effet un point de victoire.

©Lucky Duck Games

Au fur et à mesure de l’avancée de la partie, les joueurs doivent composer la région « parfaite » en réagissant et en improvisant aux faits de jeux qui ne leur sont pas favorables. Cascadia oblige à choisir une stratégie en début de partie tout en restant alerte et réactif pour s’adapter à la rivière de paysages et d’animaux qui se crée au fil des tours.

Les raisons du succès

Il est toujours difficile d’expliquer les raisons d’un succès… Une évidence ressort cependant lorsqu’on joue à Cascadia : la plénitude. Son concept même, la gestion harmonieuse de la nature, fait fureur auprès des joueurs.

Ces dernières années, nombre de succès dans l’univers des jeux de société, aussi bien en boutique que sur les sites de financement participatif (Kickstarter, Gamefound, Ulule…), tournent autour de cette thématique. La crise du Covid et les problématiques environnementales semblent donner envie aux fans de jeux de société non seulement de s’évader, mais aussi de respirer. Cascadia répond brillamment à ces deux désirs.

Plénitude encore avec une mécanique de jeu simple à appréhender (seulement quatre pages de règles !), ce qui en fait une expérience à vivre en famille. Le tout sans tourner en rond rapidement tant la courbe d’apprentissage est grande. Les experts peuvent sans cesse améliorer leur score et aller plus loin avec l’amplitude des possibilités de Cascadia.

Plénitude enfin avec le peu d’interaction entre les joueurs De l’aveu de Randy Flynn lui-même, si l’on veut être une peau de vache avec son voisin de table, Cascadia ne sera pas le jeu adéquat. Au pire, un joueur prendra la tuile que son successeur convoitait. Le jeu reste une compétition, avec des points et un vainqueur, mais tous les joueurs ont le sentiment d’avoir accompli quelque chose.

L’auteur encourage d’ailleurs les joueurs à photographier leur paysage en fin de partie pour le poster sur les réseaux sociaux. Cascadia se définit comme beau, tranquille et harmonieux. Autant de qualificatifs que l’on aimerait associer à notre époque.

Dans la même veine que Cascadia, voici quelques jeux pour vibrer au grand air :

  • Parks : une magnifique balade dans les parcs naturels américains
  • Wingspan : gérer les oiseaux et leurs habitats.

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