Avec trois premiers épisodes, la série Disney+ préquelle au Star Wars le plus détonnant de la saga tient toutes ses promesses.
Se déroulant cinq ans avant le début de la Bataille de Yavin (Star Wars Episode IV : un nouvel espoir) et le déroulement du film Rogue One: A Star Wars Story, la série Andor avait pour enjeu de donner plus de profondeur aux personnages du film de Gareth Edwards. À commencer par Cassian Andor, aux ambitions souvent troubles, un rebelle un brin trop opportuniste dont on devinait déjà un passé torturé par les premières années du règne de l’Empire.
Dès son introduction, la série, écrite par Tony Gilroy – déjà co-auteur de Rogue One –, donne un contexte très différent de ce à quoi les amateurs de Star Wars sont habitués. C’est en effet dans une maison-close quasi déserte que l’on découvre Cassian, le visage creusé par la fatigue, à la recherche d’un être cher. Sa rencontre avec deux gardes d’une corporation de sécurité privée au service de l’Empire va bien mal tourner, le précipitant un peu plus dans sa volonté de fuir la planète Ferrix.
Planète décharge
Ferrix, c’est une planète quasi désertique qui sert de dépotoir aux forces de l’Empire, entre autres. Les épaves qui finissent là sont l’une des rares sources de travail pour une population pauvre, mais soudée, qui n’hésite pas à contourner les lois au besoin pour arrondir de quelques précieux crédits leurs misérables existences. Et si l’Empire est à l’apogée de son règne, les forces rebelles n’étant pas même évoquées, il inspire déjà le mépris et la colère des habitants, soumis à des contrôles arbitraires et à la suffisance des membres de sa corporation de sécurité alliée, la Pre-Mor.
Excès de zèle décisif
La nature humaine restant identique, même à des années-lumière de la nôtre, de petits arrangements entre officiels peu regardants et ferrailleurs magouilleurs permettent aux plus téméraires de récupérer des pièces rares dissimulées dans des vaisseaux abandonnés, moyennant finance. Ces habitudes déplaisent de plus en plus à certains inspecteurs de la corporation en charge de Ferrix, et les exploits de Cassian ne restent pas longtemps sans écho. Un prétexte tout trouvé pour un jeune enquêteur en chef de la Pre-Mor, Syril Carn (Kyle Soler), bien décidé à se lancer dans l’action après des années de laisser-faire qui n’ont fait qu’exacerber sa haine ainsi qu’un arrivisme évident.
Une mauvaise réputation
Si la solidarité permet aux habitants de faire front, on sent dès les débuts de la série que Cassian en a bien trop abusé par le passé. Lors de sa course contre la montre pour quitter la planète, il passe le plus clair de son temps à se heurter à des créanciers, des amis lassés de ses mensonges ou des jalousies suscitées par ses nombreuses conquêtes féminines. L’esthétique de cette planète en forme de dépotoir géant, de ses hommes et de ses femmes qui, toutes races confondues, peinent à exister, est particulièrement bien retranscrite dans la simplicité des décors et des costumes. Le faste de certains opus de la célèbre saga SF est bien loin, les appareils, volants ou non, paraissent vétustes et hors d’âge, tout comme les droïdes, au design basique.
Cassian, homme à femmes
Sans révéler le détail du déroulé de ces trois premiers épisodes, ils posent parfaitement le décor, mais présentent aussi les autres personnages. Bix (Adria Arjona), jeune ferrailleuse et amie (désormais…) de Cassian, est éblouissante de dynamisme et de débrouillardise dans cet univers plutôt masculin. Sa beauté tranche radicalement avec la galerie de visages blafards et usés qui peuple le reste de la cité-garage. Maarva Andor (Fiona Shaw) est une mère adoptive fatiguée des frasques de son fils. Leur droïde commun, sobrement baptisé « B », ne manque pas de trahir les secrets entre mère et fils, alimentant des querelles incessantes. Mais un simple regard de Maarva sur son protégé suffit à comprendre tout l’amour qu’elle ressent pour lui.
Double jeu
Le statut de mère adoptive de Maarva pose forcément question sur les origines de Cassian. C’est là l’une des forces de cette première série d’épisodes : ils entremêlent l’histoire de la fuite de Cassian de Ferrix avec des images de son enfance, en compagnie de sa petite soeur, au sein d’une tribu primitive sur une tout autre planète. Une planète à la végétation luxuriante, qui contraste avec d’immenses crevasses aux tons grisâtres, résultats d’une exploitation minière de grande ampleur, de toute évidence initiée par des visiteurs indésirables. Témoins du crash d’un vaisseau, les jeunes membres du clan se lancent à la conquête de l’épave, l’équipage semblant laissé pour mort. Cassian, en dépit de son jeune âge, se montre le plus téméraire – une témérité qui va radicalement changer sa destinée.
Un digne héritier de Rogue One
Pour cette première salve d’épisodes, l’action tarde à se mettre en place, privilégiant la présentation de l’époque, des lieux et des personnages. Mais lorsqu’enfin les pistolets lasers se mettent à faire feu, le résultat est d’une efficacité redoutable. La rencontre entre Cassian Andor et Luthen Rael (Stellan Skarsgård) sera le véritable détonateur de ces scènes à grand spectacle, qui contrastent par leur réalisme et leur mise en scène rappelant plus le western que la science-fiction ; une sorte de contre-pied parfait aux plus grandes batailles spatiales de Star Wars.
Andor marche sur les traces de son prédécesseur, Rogue One, en affichant le plus sombre, et donc le plus crédible des univers jamais évoqués dans la saga. Car aucune résistance ne s’est jamais construite autour de héros tous irréprochables, aucune rébellion ne s’est jamais conduite sans dommages collatéraux regrettables. Et ces trois premiers épisodes, où la morale semble plus fluctuante et les lignes blanches plus grises, en sonnent le rappel salutaire.