Déjà en version test auprès d’un millier de Français sous Android, et bientôt d’utilisateurs iPhone, la carte d’identité numérique sera disponible pour tous en 2023. Mais est-ce vraiment une bonne idée, notamment pour nos données personnelles ?
Après la carte d’identité plastifiée logée dans votre portefeuille, vous aurez bientôt la possibilité d’en posséder une version numérique dans votre smartphone. En complément de l’outil France Connect, qui permet d’ores et déjà de se connecter à nombre de services publics avec un seul et même mot de passe, les Français pourront prochainement installer l’application France Identité. Aura-t-elle le même succès que France Connect, utilisé régulièrement par 14 millions de citoyens et citoyennes, ou fera-t-elle l’objet de la plus grande des méfiances ?
« Cette carte d’identité numérique est nécessaire, et même indispensable, en prévision du futur portefeuille européen d’identité numérique qui sera bientôt obligatoire en Europe en application du règlement eIDAS, rappelle Hervé Bonazzi, CEO d’Archipels, société française spécialisée dans la certification de documents et la vérification d’identité. Il s’agira d’une déclinaison, dans son téléphone, de sa CNI (carte nationale d’identité) permettant de prouver son identité et d’éditer des attestations électroniques pour faciliter ses différentes démarches en ligne. »
Pas de stockage en ligne pour plus de sécurité
Concrètement, l’application France Identité permettra de stocker diverses informations liées à son identité sur son téléphone. Cela se fera de façon totalement volontaire. Le but est avant tout de simplifier la vie des citoyens et citoyennes, de plus en plus souvent confrontés à la nécessité d’utiliser des services en ligne et de fournir des attestations électroniques officielles, et de permettre que ces données soient aussi utilisables ailleurs dans l’Union européenne. Une promesse faite par Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne en 2020 : « Tout citoyen pourra utiliser [ce Digital ID Wallet] partout en Europe pour n’importe quel usage, comme payer ses impôts ou louer un vélo. »
Pour garantir la sécurité du service, les données ne seront pas sauvegardées dans un cloud mais de manière décentralisée directement sur le téléphone. L’application sera, en outre, sécurisée par l’entremise d’une puce intégrée au téléphone (ce que l’on appelle le crypto hardware).
Des garde-fous qui, on nous l’assure, garantiront une meilleure protection des données qu’en cas de vol de son portefeuille. Dans ce cas, la carte d’identité en plastique est, de facto, aux mains des escrocs. Si son téléphone est perdu ou dérobé, il faudra casser le code de déverrouillage du mobile et de l’application France Identité avant de pouvoir accéder aux données.
Faire le choix des données divulguées
Par exemple, pour la demande d’un prêt à sa banque, on pourra accepter, via France Identité, de donner son nom, prénom, date de naissance, mais aussi ses données d’imposition pour prouver la réalité de ses revenus. Pour une procuration de vote, les données fournies seront plus réduites. « C’est le principe d’identité souveraine : chacun reste propriétaire de ses données et pourra choisir, via France Identité, de partager tout ou partie des informations selon le cas de figure », résume Hervé Bonazzi.
Il sera aussi possible d’avoir recours à un principe qu’on appelle le « zero knowledge proof ». En français, on parle de la « preuve à divulgation nulle de connaissance ». Cela signifie qu’on pourra, via France Identité, prouver que l’on a plus de 18 ans sans pour autant donner son âge précis ou sa date de naissance. De quoi permettre d’accéder à un site réservé aux adultes, d’acheter de l’alcool ou de jouer à des jeux d’argent en ligne, par exemple.
La liberté de stocker plus ou moins d’informations
Chacun restera libre d’enrichir plus ou moins l’application : données bancaires, impôts, sécurité sociale, contrats d’énergie, etc. De quoi facilement fournir des justifications pour différentes démarches administratives et signatures électroniques. Utile pour un projet d’hospitalisation, une souscription d’assurance, l’achat d’un véhicule, l’inscription à l’université, une demande d’allocations chômage, etc.
En Europe, plusieurs pays ont déjà sauté le pas. C’est le cas de l’Allemagne avec son Ausweis App ou de la Suisse avec son e-id. En Belgique, les citoyens ont la possibilité d’entrer en contact avec l’administration par l’entremise d’un lecteur de carte nationale d’identité. Depuis son lancement en 2017, 40 % de la population – 3 millions de personnes – a sauté le pas.
« L’enjeu est véritablement la confiance des citoyens. Donc, plus le système est robuste et plus ils ont toute liberté d’y agréger les infos qu’ils souhaitent, plus l’adoption du service sera facilitée, assure Hervé Bonazzi. Après, ce sera l’usage qui créera l’adoption. Si le service permet de gagner du temps et de se simplifier la vie, ce sera un succès. » S’il est perçu comme une menace pour la vie privée, trop complexe à installer ou fastidieux à utiliser, alors ce sera un échec.
Rendez-vous dans quelques mois pour son lancement officiel.